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Par David Brites.

Grand précurseur d'idées lumineuses, Tony Blair annonçait, en pleine campagne électorale en septembre 2000, un plan d’investissement de 710 millions de livres dans les nouvelles technologies à l’école. Le Premier ministre britannique promettait que dès 2004, les écoles primaires du pays seraient équipées à hauteur d’un ordinateur pour huit élèves (contre un ratio de un pour dix-huit en 1998), et les écoles secondaires à hauteur d’un ordinateur pour cinq élèves (contre un pour neuf auparavant). L’apprentissage des notions basiques liées à l’informatique deviendrait bien entendu un objectif premier de l’éducation britannique. Le retour en force de l’investissement public dans l’éducation, après une ère des Tories (conservateurs) dramatique à cet égard, se faisait donc sous le signe de la modernité technologique.

À l’image d’autres pays à haut niveau d'éducation, l’écran faisait donc son apparition dans les écoles – c’était en fait déjà le cas depuis plusieurs années, mais de façon assez anecdotique jusqu’à l’apparition d’Internet. Le 6 juin 2013, le président Barack Obama lui-même, en visite dans une école de Caroline du Nord, annonçait un plan destiné à assurer une connexion rapide à internet dans les écoles nord-américaines. « Dans un pays où l’on exige la Wi-Fi gratuite avec son café, pourquoi n’y aurait-on pas droit à l’école ? » Et le chef de l'État d'ajouter : « Nous ne pouvons rester bloqués au XIXème siècle alors que nous vivons dans une économie du XXIème siècle ». Tâchons d'aller un peu plus loin dans la réflexion. Justifier la massification des nouvelles technologies car elle irait dans le « sens de l'Histoire » est un tantinet réducteur. En effet, si un accès facilité à Internet semble assez indéniablement un atout pour les étudiants du supérieur, qui voient ainsi s'ouvrir de nombreuses opportunités, avec la recherche en ligne, ou encore des réseaux professionnels, ce constat est bien moins évident pour d'autres tranches d'âge – d'autant plus à une époque où un nombre croissant d'enfants sort de l'école primaire en maîtrisant mal les fondamentaux comme la lecture et l'écriture, ce qui semble indiquer que la maîtrise des nouvelles technologies n'est pas forcément la priorité. Quelques éléments de réflexion.

Le double impact des écrans sur les jeunes : intellectuel et neurologique

Près d’un tiers des enfants de moins de trois ans mangent devant un écran. C’est le résultat d’une étude publiée en novembre 2013 par le Syndicat Français des Aliments de l’Enfance, qui regroupe des producteurs d’aliments pour jeunes enfants (Nestlé, Blédina…). C’est un fait, nos chers bambins nous épatent de plus en plus par leur maîtrise précoce des outils de communication les plus modernes : tablettes diverses, ordinateurs, téléphones portables. Et la télévision est bien souvent devenue une véritable baby-sitter. Parfois, le temps passé devant la télévision représente même le principal moment passé en famille. Outre le risque d’addiction pour l’enfant, de nombreux pédiatres ainsi que des orthophonistes tirent la sonnette d’alarme sur le retard que peut entraîner une consommation excessive d'écrans. La télévision prend évidemment une place notable, puisque son existence dans les foyers précède celle des ordinateurs et des téléphones portables. Elle a un impact déterminant sur notre épanouissement intellectuel et notre autonomie cognitive.

À cela, deux raisons principales. La première relève du contenu même diffusé par la télévision (et donc par contrecoup d'Internet, qui rend accessible gratuitement de nombreux programmes TV, voire leur contenu censuré à l'antenne). En 2011, Michel Desmurget, chercheur français spécialisé en neurosciences cognitives, publiait TV lobotomie – La vérité scientifique sur les effets de la télévision, une étude dans laquelle il qualifie le neuromarketing de « nouveau graal manipulatoire ». Il y met en évidence le rôle néfaste d’une télévision qui affecte « à notre insu, nos comportements, nos désirs, nos peurs, nos pulsions, nos représentations, nos décisions », expliquant que de nombreuses entreprises apparaissant dans les pages de publicité jettent souvent les bases de leur stratégie marketing sur les neurosciences. Patrick Le Lay déclarait lui-même en 2004, alors qu’il occupait le poste de président-directeur général de TF1 : « Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont vocation de le rendre disponible […]. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Tout est dit ! Encore en février 2014, une étude de chercheurs en psychologie de l’Université de Rennes-II établissait que le visionnage très fréquent des programmes de téléréalité et des séries romantiques a, parmi les programmes TV, l’impact le plus négatif sur les performances cognitives et scolaires – l’étude portait sur 27.000 collégiens de troisième.

Au-delà de la manipulation à des fins commerciales ou de l’appauvrissement intellectuel constaté dans de nombreux programmes TV, l’effet des écrans sur les enfants (sur un cerveau « immature ») est également d’ordre neurologique. Michel Desmurget, dans la même étude, dénonce l’impact de l’écran sur la maîtrise de l’orthographe, de la syntaxe et de la grammaire. Plus généralement, un appauvrissement du vocabulaire est constaté. Certes, les adolescents et même les enfants sont plus débrouillards et éveillés aux nouvelles technologies, mais ils en sont également dépendants, voire celles-ci formatent leur manière de penser, d’écrire, d’établir un raisonnement, d’imaginer… Plus grave encore est la situation des moins de trois ans qui sont en contact fréquent avec un écran. Et ce pour plusieurs raisons, nous explique, sur la base d’études d'universités et de centres de recherche américains, un collectif de professionnels des métiers de la petite enfance dans Points de repère pour prévenir la maltraitance (2010). Tout d’abord, l'enfant en bas âge a besoin, pour se développer, de faire ses propres expériences sensorielles, motrices et langagières, ce que le temps « passif » passé devant un écran ne permet pas, même quand il s'agit de programmes « spécialisés » pour les enfants en bas-âge.

Un écran peut donc maintenir l’enfant « dans un statut de spectateur passif du monde ». À cela s’ajoute l’effet palliatif terriblement pervers que représente la télévision. Elle comble le vide, l’ennui, voire des absences (celle des parents par exemple), et ne prépare pas l'enfant à affronter les angoisses multiples qu’il connaîtra plus tard. Cette impréparation face aux nombreuses frustrations de la vie peut même favoriser « une incessante avidité de consommation ». Évidemment, la multitude de marques observées à la télévision sont des références incontournables pour un enfant ou un adolescent souffrant de dépendance ou d’addiction vis-à-vis de la télévision. Un enfant précocement exposé peut par ailleurs intérioriser le rythme de couleurs et de sons envoyés par l’écran, de telle sorte qu’il ne parvient à rester calme que devant celui-ci : « la télévision devient ce qui l’excite sans cesse selon un rythme toujours imposé par elle, et avec une intensité largement supérieure aux stimulations habituelles de la vie quotidienne ». Un cercle vicieux dramatique.

Peut-être plus parlante est l’étude de Peter Winterstein et de Robert J. Jungwirth, qui ont évalué des dessins d’enfants ayant passé des temps différents devant la télévision. Les résultats publiés sur le blog de Médiapart sont illustratifs. « Pour chaque détail, nous précise-t-on, comme les cheveux, les yeux, le nez, le tronc ou les pieds, les médecins ont attribué un point. Ils ont fait de même pour la représentation des bras, du corps et d’une tête de taille proportionnée. Les résultats sont significatifs : les enfants qui regardaient le moins la télévision (jusqu’à cinquante-neuf minutes) ont obtenu jusqu’à 10,4 sur 13. Les enfants qui la regardaient plus de trois heures n’ont obtenu en moyenne que 6,4 sur 13, les plus mauvais résultats, soit 10% des dessins. »

Dessins d’enfants ayant regardé la télévision pendant moins d’une heure par jour.

Dessins d’enfants ayant regardé la télévision pendant moins d’une heure par jour.

Dessins d’enfants ayant regardé la télévision pendant plus de trois heures par jour.

Dessins d’enfants ayant regardé la télévision pendant plus de trois heures par jour.

Dessins d’enfants ayant regardé la télévision seuls et ayant subi des traumatismes importants.

Dessins d’enfants ayant regardé la télévision seuls et ayant subi des traumatismes importants.

Et Peter Winterstein d’expliquer : « Un cerveau ne s’imprègne correctement des choses que s’il les découvre par le biais de plusieurs sens, c’est-à-dire l’audition, la vue, l’odorat et le toucher. Et, de ce point de vue, la télévision est une source d’information bien pauvre en comparaison avec le monde réel. »

Ce type d’impact n’est pas perceptible sur un temps court, c’est pourquoi il est si dangereux. À l’heure où l’on commence à peine à remettre en cause le statut de l’« enfant-roi », il est temps de dire non à nos chers bambins et de les priver (un peu, au moins) d’écran.

À ces conséquences cognitives s’ajoutent des problèmes de santé non-négligeables : addiction, obésité, manque de sommeil… En janvier 2013, l’Académie des Sciences publiait un rapport mettant en avant les avantages des écrans, et relativisant leurs effets de nuisance ; elle affirme ainsi que, s’il peut y avoir des effets de dépendance, on ne saurait parler d’addiction aux écrans, et Jean-François Bach, l’un des membres de l’Académie, ajoute à cela que « l'addiction est réservée aux drogues, au tabac, à l'alcool et aux jeux d'argents, et les écrans, définitivement, ne relèvent pas du même type d'activité ». Une observation surprenante, quand on se rappelle que ces dernières années, de nombreux adeptes de jeux vidéo sont morts d’épuisement, après avoir joué plusieurs dizaines d’heures d’affilé : en Corée du Sud, un homme de 24 ans en 2002 (86 heures non-stop) et un homme de 28 ans en 2005 (49 heures de jeu), ou encore, en 2012, un Chinois de 30 ans (après 72 heures de jeu dans un café-internet) et un Thaïlandais de 24 ans (après plusieurs marathons nocturnes de jeu).

Des enfants précocement formés aux nouvelles technologies : une fausse bonne idée ?

Comme l’Académie des Sciences l’affirme dans son rapport de janvier 2013, les jeux vidéo auraient un impact cognitif positif sur les enfants : Daphné Bavelier, professeure de neurosciences à l’Université de Rochester à New York et directrice du laboratoire Cerveau et Apprentissage de l’Université de Genève, l’a démontré à travers une étude portant sur des jeux vidéo standards, ainsi que sur des jeux d'action rapide qui apporteraient des performances cognitives et visuelles améliorées. Le rapport de l’Académie précise que le visionnage d'un écran sans l'accompagnement d'un adulte, sans explications, peut s’avérer plus déterminant que le seul temps passé devant un écran. Le rapport prône même l’usage de tablettes tactiles (« avec le concours d’un adulte ») pour les premiers temps du nourrisson, pour « participer au développement cognitif de l'enfant en l'aidant à appréhender la catégorisation des formes, des couleurs, des sons… ». Bref, là où des jouets pour enfants en bas-âge, des éléments physiques (cubes, puzzles, livres…) conviendraient parfaitement, l’Académie prône l’usage d’un écran.

Pourtant, sur l’usage de nouvelles technologies par et pour les jeunes, il y aurait beaucoup à dire. À titre d’exemple, l’aptitude des nouvelles générations à trouver de l’information sur internet est « passablement limitée », affirme Michel Desmurget, qui ajoute : « croire que les jeunes sont experts en ce domaine serait même, selon l’étude de la British Library, un "mythe dangereux". Les net-boomers ont du mal à formuler leurs demandes, à trier les résultats obtenus et à hiérarchiser leurs sources. » Pire, le pédopsychiatre et auteur Pierre Delion, dans un entretien consacré au site atlantico.fr en juin 2012, affirme que même les applications à vocation éducative, de plus en plus présentes dans les tablettes, constituent une mystification, car les progrès observés par un enfant sur un jeu tactile ne se traduiront pas systématiquement (loin s'en faut) par des facilités à réaliser une activité similaire dans la réalité – par exemple, un empilement de cubes. Il dénonce l'argument des vendeurs qui consiste à « souligner la rapidité d'apprentissage sur la tablette en disant que faciliter l'accession au monde virtuel permet de faciliter l'entrée dans le monde réel ».

Michel Desmurget, toujours dans son ouvrage de 2011, cite Jane Healy, auteure selon qui l’appauvrissement de notre capacité créative est une conséquence directe d’un excès de télévision : « Les enfants, aujourd'hui, ne construisent plus leurs propres "scripts" pour jouer. Au lieu de créer spontanément des cadres et actions ouverts ("tu es un père et je suis une maman", ou "tu es un méchant, je suis un gentil"), ils rejouent ceux qu'ils ont déjà vus, jusqu'à même répéter le dialogue ("tu es Bill Cosby dans celui où… ", "on est les frères Mario quand ils chassent le…") ». Michel Desmurget rappelle que « malheureusement, la thèse d'une action castratrice de la télévision sur l'imaginaire enfantin trouve un large écho dans la littérature scientifique ». Plus généralement, les troubles de l'attention causés par un excès de temps passé devant un écran sont largement avérés par nombre d'études sur le sujet.

Alors que les rapports scientifiques de part et d’autre sont contestés, le principe de précaution ne prévaut-il pas ? Évidemment, il faut savoir distinguer la dépendance de l’addiction, qui relève de la pathologie, mais il est clair que la question du temps passé devant un écran doit devenir un enjeu de santé publique, et cela doit concerner les plus jeunes d’entre nous. Surtout, il faut bien comprendre ce que l’usage d’un écran à un âge très peu avancé peut apporter de positif comme de négatif, sur le plan intellectuel, social, et, sans doute plus grave, neurologique. Cette problématique dépasse la perte de temps de nos adolescents face à un écran, il en va du bien-être de nos enfants (et donc des futurs adultes) autant que du modèle de société que nous voulons construire – et l’écran (d’ordinateur, de télévision, de tablette…) est devenu un élément déterminant dans la transmission des valeurs, dans les occupations quotidiennes, dans les interactions sociales, etc.

Écran total : évitez d'exposer vos enfants !

L’impact des écrans, absent des débats de santé publique ou d’éducation

Dans un rapport parlementaire rendu public en février 2010, l’ex-député UMP Jean-Michel Fourgous préconisait douze priorités déclinées en 70 mesures, concernant tout d’abord l’équipement des établissements en haut débit et le passage au « bimédia » (conjointement sous forme papier et sous forme électronique) pour les manuels scolaires. Le rapport préconise également la mise en place d’actions de formation des enseignants et du personnel de l’Éducation nationale, afin de favoriser l’utilisation de ces outils et la transformation de la pédagogie. Enfin, il recommande la création d’une structure nationale regroupant l’État, les collectivités et les partenaires publics et privés pour donner une impulsion au développement du numérique pédagogique.

Les gouvernements français successifs sont donc sur la trace de « l’École moderne », et cette quête transcende les clivages politiques. Le 10 juin 2013, le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, défendant sa Loi pour la refondation de l’École de la République adoptée quelques jours plus tard, affichait l’ambition de « faire entrer l’École dans l’ère du numérique » : des sites, applications et ressources en ligne pour les élèves, des films d'animation pour comprendre les ressources numériques et pour apprendre l'anglais en primaire, un accès en ligne aux sujets du bac, ou encore un service d'orientation pour les élèves du secondaire.

Bref, poursuivre sur la voie tracée par les pays les mieux équipés en haute technologie, telle est le choix de nos dirigeants, qui ne savent plus comment « moderniser » l’école. Cette vision semble un peu limitée, dans la mesure où la qualité des programmes dépend plus de leur contenu que de la nature des supports pédagogiques proposés (numériques ou non). Que dire par exemple, lorsque l’ex-Premier ministre portugais José Socrates, assistant en juin 2008 à un cours de géographie ayant recours à des cartes digitales dans une école secondaire du sud du Portugal, faisait l’éloge du Plan Technologique d’Éducation (de 400 millions d’euros) lancé par son gouvernement la même année ? Et ce alors que le Portugal présente encore aujourd’hui parmi les pires résultats d’Europe au niveau de la qualité de l’enseignement – une réalité qui transparaît à travers plusieurs indicateurs, comme le niveau d’illettrisme, encore élevé même chez les jeunes, ou les résultats nationaux à l’épreuve de compréhension de l’écrit réalisée dans le cadre de l’enquête annuelle PISA de l’OCDE. Des tableaux interactifs et des tablettes digitales sont-ils des choix d’investissement judicieux quand les élèves maîtrisent mal les savoirs fondamentaux ?

Bien entendu, une école massivement équipée en écrans ne peut forcément être considérée comme une école médiocre. Sinon, comment expliquer que les pays d’Asie extrême-orientale les mieux dotés en haute technologie (Corée du Sud, Japon…) présentent un niveau d’éducation plus que correct ? Toutefois, que dire de cette information du site vousnousils.fr qui révélait récemment que « les employés de sociétés high-tech de la Silicon Valley dépensent une fortune pour envoyer leurs enfants dans une école Waldorf dépourvue d'ordinateurs » ? Plusieurs cadres supérieurs de sociétés de pointe de la Silicon Valley comme Google, Apple, Yahoo et Hewlett-Packard envoient leurs enfants dans des écoles sans ordinateur. Comme le précise le site internet, « la péda­go­gie de cet établis­se­ment repose avant tout sur l'éducation phy­sique et le tra­vail manuel. Il n'y a pas d'écran en classe : seule­ment du papier, des sty­los, des aiguilles à tri­co­ter, par­fois de la terre glaise. De bons vieux tableaux noirs, des pupitres en bois et des ency­clo­pé­dies sur des étagères contri­buent à l'ambiance rétro. »

Bref, ce choix d’éducation, qui ramène à des méthodes anciennes (ou plus « traditionnelles »), a de quoi laisser perplexe, et ce pour deux raisons. D’abord parce que cela suppose que les entrepreneurs mêmes du secteur de l'informatique comprennent les effets potentiellement néfastes des écrans sur la créativité, la concentration ou encore l'interaction sociale de leurs enfants – ils sont même théoriquement les mieux placés pour les connaître. Ensuite parce que ce choix en termes de méthodologie pédagogique, pourtant basée sur des supports d’éducation bien plus simples et supposément moins coûteux, a un prix, et quel prix ! Pour chaque élève : 13.200 euros par an de la maternelle au collège, et 18.150 euros par an au lycée. Reste à espérer que la France ne tombera jamais dans ce type d’excès pour proposer une éducation saine et de qualité à nos enfants.

Notre objet ici n’est évidemment pas de faire l’éloge de l’école de nos grands-parents. Les nouvelles technologies évoluent à une vitesse considérable, et l’École doit contribuer à former les élèves à leur usage. Mais comme toujours lorsqu'il s'agit de l'éducation et de l'instruction de nos enfants, de futurs citoyens dont l’École doit développer les savoirs, le sens critique et l'imagination, il convient de ne pas se jeter tête baissée dans les nouvelles technologies sans mesurer pleinement leur l'impact – dans et hors des établissements scolaires. Or, à l'image d'un système économique et social devenu fou (consumérisme de masse, obsolescence programmée, exploitation de travailleurs à bas coût, etc.) et rarement remis en cause, l'impact global des écrans sur les citoyens ne fait l'objet d'aucune prise de conscience et reste un grand absent des débats de santé publique. Au contraire, les nouvelles technologies à écran semblent s'inscrire de façon parfaitement cohérente et réfléchie dans le modèle de société en structuration depuis plus d'un demi-siècle en Occident : une société de l'image, où le paraître prend le pas sur la réalité et sur le bonheur des gens de telle façon qu'elle nous incite toujours à consommer davantage sans esprit critique. L'écran est ainsi devenu un outil généralisé au service de la société de consommation et de l'abrutissement de masse (à mesure d'ailleurs que les technologies gagnent en « intelligence ») – il n’y a qu’à voir la multiplication des publicités animées dans le métro, véritable violence visuelle et inutile dépense d’énergie. L’impact neurologique sur les enfants les plus jeunes donne la mesure des risques encourus si notre société poursuit sa voie dans l’« excès d’écran ».

Un appel à la modération serait le bienvenu, tant auprès de nos gouvernants, qui ne semblent pas encore avoir remis en cause le culte ambiant favorable aux nouvelles technologies, que de la société civile en général et des parents en particulier. Mais cela suppose également un effort à l’échelle individuelle, et, comme le dit très bien le philosophe Pascal Bruckner : « La télévision n’exige du téléspectateur qu’un acte de courage – mais il semble surhumain –, c’est de l’éteindre ».

Tag(s) : #Société
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