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Par David Brites.

C’était le 14 juillet dernier, à Vienne. L'Iran et les six puissances que sont les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, sont parvenus à trouver un compromis concernant le dossier du nucléaire iranien. Enfin ! Après douze ans de négociations plus que laborieuses, et l’échec de cinq cycles de négociations, à Genève, à Istanbul, à Bagdad, à Moscou et au Kazakhstan… À l’issue surtout d'un énième cycle de discussions de 21 mois, qui s’est cette fois-ci achevé sur un accord.

À l'origine de la brouille : les États-Unis et leurs alliés soupçonnaient Téhéran de chercher à se doter de l'arme atomique, ce que l'Iran a toujours nié, affirmant que son programme d'enrichissement d'uranium n'avait pour finalité que de se doter du nucléaire civil. L'Iran doté de l'arme nucléaire, dans le contexte de la présidence d'un Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) appelant à la destruction d'Israël, voilà un scénario qui eût été inacceptable pour les puissances occidentales. D'où la vague de sanctions économiques et commerciales adoptées ces dernières années contre l'Iran au niveau international.

En termes géopolitiques, l'accord du 14 juillet, couplé à l'incapacité des forces occidentales à endiguer l'État islamique en Irak et en Syrie, vient bouleverser encore davantage les rapports de force au Moyen-Orient, et bousculer les lignes de front diplomatiques qui opposent, dans une sorte de nouvelle Guerre froide, le trio Moscou-Pékin-Téhéran à Washington.

La partie n'était pas gagnée, en dépit des signes d'ouverture qu'avait manifestés Barack Obama depuis sa prise de fonction en 2009, et sa réélection en novembre 2012. En dépit aussi de l'élection d'Hassan Rohani, présenté comme modéré, à la présidence de la République iranienne, le 14 juin 2013. Au-delà des discours officiels d'ouverture, un haut degré de sincérité devait s'installer entre les deux pays pour permettre à ces discussions d'aboutir.

Le 28 mai dernier encore, l'opposition iranienne en exil accusait le gouvernement iranien d'entretenir une « vaste collaboration » avec la Corée du Nord dans le domaine de l’armement nucléaire, assurant que Téhéran n’avait pas l’intention de renoncer à acquérir la bombe atomique. « Le régime iranien continue de collaborer avec la Corée du Nord sur les ogives nucléaires et les missiles balistiques », assurait même le Conseil national de la résistance iranienne dans un rapport s’appuyant sur « diverses sources au sein du régime iranien », évoquant trois visites d'une délégation nucléaire et balistique nord-coréenne en Iran, pour la seule année 2015. Le 23 juin déjà, le Parlement iranien adoptait une loi qui visait à préserver « les acquis et les droits nucléaires » du pays, exigeait l'annulation totale des sanctions dès lors qu'un accord serait trouvé (alors que les six puissances négociant avec Téhéran n'en prévoient qu'une levée progressive), et interdisait l'accès aux sites militaires iraniens pour les inspecteurs de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA).

Entre Iran et Israël, quels risques de conflit armé ? Orgueil et préjugés

Depuis 1979, le nouveau régime iranien a soutenu activement une série d'actions anti-israéliennes, qui se sont essentiellement traduites par des attentats terroristes tournés vers les intérêts israéliens, mais aussi vers les communautés juives à travers le monde. Ainsi, en 1992 et 1994, quand Israël mit en cause Téhéran dans deux attentats à Buenos Aires, l'un contre l'ambassade d'Israël (22 morts) et l'autre contre la Mutuelle juive argentine (85 morts). Les doutes sur la nature du programme nucléaire iranien apparaissent en 2002, quand des images satellitaires révèlent l’existence de deux installations nucléaires non-déclarées : un site souterrain d’enrichissement d’uranium à Natanz, et un réacteur à eau lourde à Arak, susceptible de produire des quantités significatives de plutonium. Des négociations sont donc ouvertes en 2003 et semblent même porter leurs fruits. Mais, le 8 août 2005, l'Iran reprend ses activités nucléaires dans son usine de conversion d'uranium d'Ispahan, dans le centre du pays. En avril 2006, l’Iran s'avère capable de produire de l’uranium enrichi pour alimenter des centrales nucléaires. Le 9 avril 2007, Téhéran annonce être passé à l'enrichissement industriel ; deux ans plus tard, jour pour jour, l'Iran lance la construction à Ispahan de la première usine de fabrication de combustible nucléaire. Entre-temps, élu en 2005, Mahmoud Ahmadinejad multiplie les déclarations haineuses contre Israël et les juifs, qualifiant la Shoah de « mythe ».

La montée des tensions entre l'Iran et le duo États-Unis-Israël a fait craindre l'éclatement d'un conflit dans la région, au mieux limité à quelques frappes américano-israéliennes sur des cibles en Iran, au pire qui prenne une dimension globale et régionale, voire qui entraînerait une troisième guerre mondiale. Par le passé, Israël a déjà réalisé des frappes ciblées contre des sites militaires (ou présumés l'être) dans des pays considérés comme une menace pour sa sécurité, voire pour sa survie à long terme. Ainsi, en juin 1981, un bombardement permit de détruire partiellement le réacteur nucléaire du site d'Osirak, alors en cours d'installation sur décision du régime de Saddam Hussein, dans le centre de l'Irak. En septembre 2007, le raid sur Al-Kibar, dans la province de Deir-Ezzor, dans l'est syrien, détruisit le réacteur bâti par le régime de Bachar el-Assad, quelques semaines avant qu'il ne devienne opérationnel.

Divers organismes de recherche américains et, en France, le Centre national de la Recherche scientifique, ont étudié cette question pour chercher à comprendre quelle était la marge de manœuvre militaire de Tel-Aviv. En dépit de la force de frappe de l'État hébreu, divers facteurs rendaient (et rendent) complexe une telle opération. Depuis plusieurs années, Israël s'est certes doté de technologies de pointe destinées à brouiller les radars iraniens qui signaleraient une arrivée imminente d’avions israéliens. En 2008 par exemple, l’armée israélienne a acquis deux avions Gulfstream G550 munis de puissants dispositifs de brouillage. Le risque n’en est pas moins élevé, car la route entre les deux pays est longue (1.600 kilomètres, tout de même), et l’armée iranienne n’est elle-même pas sous-équipée ; son système de défense anti-aérien est riche de nombreuses batteries sol-air (Stingers américains, Crotales français, etc.), notamment les très performants missiles SA-12 russes. Même si Israël cherchait à toucher l’Iran avec des missiles de longue portée, comme les Jericho-3, le succès de frappes à une telle distance n’est pas garanti, surtout quand on se rappelle que de nombreuses installations nucléaires iraniennes sont établies loin en sous-sol. Elles sont parfois enfouies à 25 mètres sous terre, et protégées par plusieurs mètres de béton armé, que les 600 bombes GBU-28 « briseurs de bunker » vendus par Washington à Israël en 2008 pourraient sans doute percer, mais sans assurance d'une destruction à 100%. Sans compter que des dizaines d’installations sont dispersées sur le territoire : le centre de recherche d'Ispahan, l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz, l'usine de production d'eau lourde d'Arak, et le réacteur de Bouchehr, ne sont que les sites principaux.

Des dizaines d’installations sont dispersées sur le territoire iranien. Les sites les plus importants sont : le centre de recherche d'Ispahan ; l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz ; l'usine de production d'eau lourde d'Arak ; et le réacteur de Bouchehr, au bord du Golfe Persique. Le site de Fordow, construit sous terre dans une montagne près de la ville de Qom pour le protéger des bombardements, a été dévoilé en 2009. À cela s'ajoute la base militaire de Parchin, près de Téhéran, sur laquelle l’Iran est soupçonné d’avoir conduit des recherches sur des détonateurs pouvant servir à une bombe atomique.

Des dizaines d’installations sont dispersées sur le territoire iranien. Les sites les plus importants sont : le centre de recherche d'Ispahan ; l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz ; l'usine de production d'eau lourde d'Arak ; et le réacteur de Bouchehr, au bord du Golfe Persique. Le site de Fordow, construit sous terre dans une montagne près de la ville de Qom pour le protéger des bombardements, a été dévoilé en 2009. À cela s'ajoute la base militaire de Parchin, près de Téhéran, sur laquelle l’Iran est soupçonné d’avoir conduit des recherches sur des détonateurs pouvant servir à une bombe atomique.

Face aux menaces de frappes ciblées, Téhéran a joué la carte de l'escalade tout au long de la présidence d'Ahmadinejad. En mai 2011, l'Iran réalisa la plus grande manœuvre de l'histoire de sa flotte, qui s'acheva par des tirs simultanés d'une trentaine de missiles sol-sol. En février et mars 2012, deux navires de guerre iraniens entraient en Méditerranée et y manœuvrèrent plusieurs semaines. De son côté, la diplomatie israélienne n'exclut jamais la possibilité de mener une action aérienne contre les sites nucléaires iraniens. Sans frontière commune avec l'Iran, et sans appui – outre un soutien logistique – des États-Unis, ce fut et c'est encore la seule option militaire qui s'offre à Israël. Dans un rapport prospectif publié le 29 mai 2013, deux militaires, un général américain, James Cartwright, et le général de réserve Amos Yadkin, ancien chef des renseignements militaires des forces de défense israéliennes et chef d’état-major de l’armée de l’air israélienne, recommandent, outre le choix de « frappes chirurgicales, que celles-ci soient menées par l’armée américaine, et non par Israël, pour au moins deux raisons. 1) Même si « les États-Unis ne possèdent aucune expérience de ce type de frappe, à la différence d’Israël », écrivent-ils, « la supériorité des capacités militaires américaines – au nombre desquelles figurent les bombardiers furtifs B2, les avions ravitailleurs, les drones sophistiqués et les bombes pénétrantes de 15 tonnes – serait plus à même d’endommager les objectifs iraniens ». 2) Au contraire d’une action de Tel-Aviv, qui exigerait que les appareils israéliens franchissent l’espace aérien d’au moins deux pays étrangers, une attaque américaine pourrait être menée directement à partir de bases militaires ou de porte-avions des États-Unis dans le Golfe ou ailleurs.

Mais maintenons l’option de frappes israéliennes, puisque jusque récemment, c’est ce scénario qui restait le plus probable en cas de recours à la force contre Téhéran. En face, l’Iran pourrait envoyer des missiles balistiques sur Israël en représailles. On se rappelle que l'Irak de Saddam Hussein n’avait pas hésité à envoyer plusieurs missiles SCUD sur Tel-Aviv et Haïfa en janvier 1991, en pleine Guerre du Golfe. Outre une riposte ponctuelle de ce type, potentiellement couplée par des tirs de roquette lancés par son plus proche allié, le Hezbollah (ce qui pourrait alors entraîner le Liban dans le conflit), une escalade de la violence pourrait provoquer une réponse plus globale de la part des forces iraniennes. Ainsi, le 27 décembre 2011, en pleine manœuvre de sa flotte navale, Téhéran menaçait de fermer le détroit d'Ormuz en cas de sanctions visant ses exportations de pétrole, une option tout aussi envisageable en cas de conflit régional, mais qui là-aussi, pourrait entraîner une riposte sévère, et d'Israël, et surtout des États-Unis.

Plus globalement, on peut retenir que des frappes préventives israéliennes, voire américaines, contre les installations nucléaires iraniennes, outre d'avoir un impact potentiellement limité sur le processus d'acquisition de l'énergie atomique par Téhéran, aurait surtout eu un effet totalement contre-productif en termes diplomatiques. Car bien sûr, une telle attaque aurait achevé de convaincre l'Iran de la nécessité de se doter d'une arme de dissuasion telle que la bombe nucléaire. Tout cela sans compter les conséquences humaines considérables, en Iran comme dans toute la région. En effet, une frappe sur le site de Boucheh provoquerait à coup sûr une explosion nucléaire qui tuerait des milliers d’Iraniens à proximité et impacteraient le Moyen-Orient à l'image d'un Tchernobyl en Europe de l'Est.

Du succès des sanctions occidentales découle finalement un accord historique

Le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité de l'ONU approuvait à l’unanimité un premier paquet de sanctions interdisant la vente à Téhéran de technologies susceptibles d‘être utilisées dans ses programmes nucléaires et de missiles. Ces sanctions sont renforcées en 2007, en 2008 et en 2010, et élargies à d'autres secteurs. En juin 2010, les États-Unis, l'Union européenne, le Canada, l'Australie, le Japon et la Corée du Sud adoptent eux-mêmes des sanctions économiques plus sévères. La querelle entre Iraniens et Américains se concentre essentiellement sur la capacité de surveillance octroyée par le régime de Téhéran aux inspecteurs de l'AIEA et sur le nombre de centrifugeuses développées par l'Iran – Washington ayant à l'origine souhaité le limiter à quelques centaines, l'Iran souhaitant en construire plusieurs milliers. Le 31 décembre 2012, Washington renforce ses sanctions contre le secteur financier iranien ; celles-ci permettent de geler les avoirs de toute institution financière étrangère qui commercerait avec la Banque centrale iranienne dans le secteur du pétrole. Idem, le 23 janvier 2012, l'Union européenne impose un double embargo sur la Banque centrale et sur le pétrole iraniens.

Largement critiquable sur le principe, la posture occidentale, il faut en convenir, a tout de même été couronnée de succès, puisque les mesures à l'égard des exportations de pétrole et du système financier iraniens ont eu un impact réel. L'économie iranienne a donc été touchée par les sanctions. Les entreprises nationales ont souffert de l’isolement diplomatique du pays. Les transactions bancaires, l’activité du transport, celui de l’assurance… Bref, des secteurs entiers sont affectés, à des degrés divers. La devise iranienne a perdu plus de deux tiers de sa valeur face au dollar depuis 2012, et les Iraniens ont subi une inflation de 45% sous la présidence d'Ahmadinejad – ramenée à 23% depuis le départ de ce dernier. À titre d’exemples, entre 2007 et 2013, le prix du kilo de bœuf est passé de 1 euro à 5,90 euros, celui du kilo de pain de 0,07 à 0,13 euros (un comble, alors qu’Ahmadinejad était parvenu au pouvoir en promettant de mettre du pain sur la table de tous les Iraniens), et celui du kilo de riz de 0,02 à 1,69 euros. Le secteur de la santé n’est pas épargné. L’importation des médicaments chute drastiquement, les banques internationales refusant de travailler avec l’Iran par crainte de la réaction américaine ; en conséquence, les laboratoires pharmaceutiques iraniens rencontrent de lourdes difficultés à produire des médicaments, en raison de l’insuffisance de matières premières importées, et le prix des médicaments augmente de 50%.

Les impacts sur le secteur pétrolier se sont évidemment avérés déterminants. Courant 2014, l'Iran et la Russie ont bien, un temps, négocié un accord « pétrole contre biens industriels » pour procurer à Téhéran une bouffée d'air économique. L’accord aurait certes permis à l'Iran d'exporter son brut – à hauteur de 500.000 barils par jour – contre des produits de première nécessité et des équipements lui permettant de remettre à niveau son tissu industriel. Mais, ne parvenant pas à trouver pour le pétrole iranien des débouchés vers des pays tiers (inquiets des réactions américaines), Moscou n'a pas souhaité assumer la responsabilité d'écouler les stocks nouvellement acquis, et les négociations n'ont donc pas abouties. L’Iran, qui tire 60% de ses revenus du pétrole, a donc vu ses exportations baisser de façon très significative, alors même que ses dépenses publiques augmentaient. Plus de trente millions de barils de brut étaient encore immobilisées au printemps dernier, dans différents ports du pays, en attendant la levée de l’embargo.

Selon des sources iraniennes, le coût des sanctions pour le pays depuis bientôt dix ans est de l’ordre de 480 milliards de dollars, soit plus que l'équivalent d'une année entière du PIB iranien, d’où l’urgence à corriger le tir aux yeux du pouvoir. Le 24 novembre 2013, soit à peine trois mois après la prise de fonction d’Hassan Rohani à la tête de la République iranienne, l’Iran et les six puissances négociatrices signent à Genève un accord intérimaire historique qui permet de reprendre les négociations, alors au point mort. Repoussé une première fois en juillet 2014, il le sera encore en novembre de la même année pour donner plus de temps à la discussion. Enfin, le 2 avril 2015, à Lausanne, les paramètres d’un pacte définitif sont établis, même si la date-butoir du 30 juin 2015 sera elle-aussi aussi dépassé.

L'accord est très détaillé, technique, d'une quinzaine de pages, et incompréhensible pour le grand public. Mais pour ceux qui suivent les relations avec l'Iran depuis des années, c'est une victoire car l'histoire des négociations sur le nucléaire s'est faite d'opportunités manquées. Évidemment, derrière le compromis technique complexe trouvé en juillet dernier, se cachent des arrière-pensées manifestes de part et d'autre. Mais le spectre de frappes préventives contre le régime iranien s'éloignant, l'accord n'en est pas moins historique. Les Occidentaux font des concessions en reconnaissant à l'Iran le droit de poursuivre, à un rythme maîtrisé, ses recherches en matière de nucléaire civil ; Téhéran, de son côté, accepte une réduction de 98% de ses stocks d'uranium enrichi pendant quinze ans et la diminution du nombre de centrifugeuses, indispensables à la production de ce minerai, de 19.000 à 6.000, ce qui reste un chiffre bien plus élevé que celui initialement exigé par les Américains et leurs alliés – Laurent Fabius, l'année dernière encore, déclarait que l'Iran « ne peut revendiquer que quelques centaines de centrifugeuses ». De quoi s'assurer que le temps nécessaire aux Iraniens pour accéder à la bombe atomique (dit breakout time) ne soit pas inférieur à une année. Pour rappel, les centrifugeuses permettent d’enrichir l’uranium qui est ensuite utilisé pour alimenter une centrale civile et pourraient donc être utiles à la fabrication d’une bombe atomique. Aujourd’hui, la République islamique possède un peu plus de 19.000 centrifugeuses alors que lors des premières négociations en 2003, elle n’en comptait que 160. À terme, le pouvoir iranien estimait nécessiter de 190.000 centrifugeuses pour parachever son programme nucléaire civil. Ces tous derniers mois, les États-Unis privilégiaient un chiffre situé entre 4.000 et 6.000 centrifugeuses.

En outre, le réacteur de la centrale à eau lourde d’Arak sera modifié pour ne pas pouvoir produire du plutonium à vocation militaire. Les Iraniens ont accepté de limiter la production à moins d’un kilo de plutonium par an, au lieu des dix kilos initialement envisagés, qui leur permettraient de fabriquer une ou deux bombes. Enfin, l’Iran renonce à construire l'unité de retraitement indispensable pour extraire du plutonium de qualité militaire, et accepte d’envoyer une partie de son stock d’uranium déjà enrichi en Russie, où il sera transformé en barres de combustible utilisable uniquement par la centrale nucléaire civile iranienne de Bouchehr. Téhéran s’est engagé à permettre des inspections plus intrusives sur ses sites, et à accorder l’accès aux observateurs de l’AIEA à tous ses sites nucléaires « déclarés et non déclarés ». Pour mener correctement ses inspections, l’Agence, qui dispose d’une dizaine d’observateurs en permanence en Iran, « a le droit de réclamer l’accès à tous les sites, y compris militaires ». Pourtant, le Guide suprême, Ali Khamenei, avait proclamé le 20 mai dernier : « Nous ne permettrons aucune inspection des sites militaires de la part des étrangers ». L’Iran doit également déclarer toute installation dans laquelle l’uranium serait utilisé, six mois minimum avant le début de son fonctionnement.

Quelques zones d'ombre perdurent. Les Occidentaux et l'ONU souhaitent toujours pouvoir interroger l’ingénieur Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi, considéré comme le principal architecte du programme nucléaire iranien, et demandent à pouvoir se rendre sur la base militaire de Parchin, près de Téhéran, sur laquelle l’Iran est soupçonné d’avoir conduit des recherches sur des détonateurs pouvant servir à une bombe atomique ; les inspecteurs de l’ONU n’ont plus accès à Parchin depuis 2005.

En échange des concessions de Téhéran, il est prévu de lever graduellement les sanctions qui étouffent l'économie iranienne, lesquelles seront rétablies en cas de manquement aux engagements pris. Pour l'Iran, ce moment est d'autant plus important qu'il permet un compromis qui n'a rien de déshonorant : en aucun cas, cet accord n'est une forme de capitulation face aux grandes puissances étrangères et il suffit de se rappeler l'histoire de l'Iran depuis deux cents ans pour comprendre que ce n'est pas un point de détail. Dès le 20 janvier dernier, les Occidentaux avaient levé très partiellement les sanctions vis-à-vis de l'Iran, afin de favoriser un climat de confiance. Ces derniers conservent un garde-fou, puisque certaines des sanctions économiques et commerciales américaines et européennes doivent être « suspendues », mais non abrogées. Et en cas d’infraction constatée, elles seront automatiquement réintroduites.

Logo de l'Agence internationale de l'Énergie atomique.

L'arme nucléaire : quelle place dans la géopolitique actuelle ?

Aujourd'hui, seuls sept pays possèdent officiellement l'arme nucléaire : les États-Unis et la Russie possèdent de loin l'arsenal le plus important, avec plus de 8.000 ogives nucléaires chacun (dont plus de 2.000 actives) ; la Chine, le Royaume-Uni et la France possèdent entre 200 et 300 ogives chacun, en majorité actives ; et l'Inde et le Pakistan. À ce groupe surnommé le « club nucléaire » s'ajoutent deux pays soupçonnés de posséder la bombe, à savoir la Corée du Nord (moins d'une dizaines d'ogives nucléaires, dont certaines actives) et Israël.

La première bombe atomique française explosait le 13 février 1960, dans le désert du Tanezrouft, en Algérie, quinze ans après l'explosion de la première bombe, dans le désert du Nouveau-Mexique, aux États-Unis. Sa puissance, 60 kilotonnes, équivalait déjà à quatre fois celle de l’engin américain largué au-dessus de Hiroshima en 1945. Le jour de l’explosion, le président de Gaulle aurait déclaré : « Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière ! [Elle a la] terrible capacité de tuer 40 millions d’hommes. » Pour de Gaulle, la bombe atomique devait assurer la sécurité de l’Hexagone, mais également son indépendance militaire vis-à-vis des États-Unis. Une orientation confortée en 1966, quand la France abandonna le commandement intégré de l’OTAN et fit exploser, la même année, la première bombe à hydrogène dans le Pacifique, à Fangataufa. Presque trente ans plus tard, la présidence de Jacques Chirac engagea le pays dans la dernière campagne d’essais réels. Dans la foulée, la France signa le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. En 1993, Américains, Russes et Britanniques ont eux-mêmes suspendu leurs essais nucléaires. Les derniers avérés ont eu lieu beaucoup plus récemment : alors même qu'elle a signé le Traité de Non-Prolifération, la Corée du Nord a procédé à son premier essai le 9 octobre 2006. Et en dépit de l'accord de Pékin du 13 février 2007 où il annonçait renoncer à se doter de la bombe, le régime de Pyongyang déclarait le 25 mai 2009 avoir réalisé un second essai. Le 12 février 2013, enfin, il confirmait un troisième essai nucléaire souterrain.

Bien sûr, l'outil de propagande nationaliste que représente la question du nucléaire dans des pays comme la Corée du Nord ou l'Iran joue pour beaucoup dans les tensions nées ces dernières années avec l'Occident, mais pas seulement. La place de l'arme nucléaire a beaucoup évolué depuis la fin de la Guerre froide. La crise des missiles de Cuba de 1962 avait montré au monde qu'elle n'est et ne peut être que dissuasive. Elle est une menace qui, à l'exception de Hiroshima et Nagasaki en 1945, ne sera jamais utilisée, à moins du basculement dans une guerre totale dans laquelle un État serait menacé d'anéantissement, comme le laisserait imaginer le scénario d'une nouvelle guerre israélo-arabe tournant à la débâcle pour l'État hébreu. Les bouleversements majeurs sur le monde depuis une quinzaine d'années, notamment le retour de la Russie sur la scène internationale et la montée des tensions entre les États-Unis et le monde arabo-musulman, sont toutefois venus reposer la question du futur de la non-prolifération nucléaire.

Prenons l'exemple du cas ukrainien : en 1991, au moment de la chute de l’Union soviétique, le pays comptait sur son sol le troisième plus important stock d’armes nucléaires stratégiques au monde, devant le Royaume-Uni, la France ou encore la Chine. Après plusieurs années de négociation, et malgré la division de ses propres dirigeants sur la question, le pays a finalement signé en décembre 1994 à Budapest un accord avec la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni prévoyant que « les trois pays se portent garants de l’intégrité territoriale de l’ex-république soviétique, en échange du renoncement de celle-ci à l’arme nucléaire », signant au passage le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. En 1996, les dernières armes nucléaires quittaient donc le territoire en direction de la Russie pour y être démantelées.

Pourtant, à contre-courant de ce résultat longtemps présenté comme un modèle de dénucléarisation pacifique obtenue par les États-Unis, John J. Mearsheimer, professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago, écrivait de façon relativement prophétique en 1993 : « Dès sa déclaration d’indépendance, l’Ukraine aurait dû être discrètement encouragée à façonner sa propre dissuasion nucléaire. […] Une Ukraine nucléaire […] est impérative pour maintenir la paix entre la Russie et l’Ukraine. Cela signifie s’assurer que les Russes, qui ont un passé de mauvaises relations avec l’Ukraine, n’essayent pas de la reconquérir. L’Ukraine ne peut pas se défendre avec des armes conventionnelles contre une Russie équipée de l’arme nucléaire et aucun État, y compris les États-Unis, ne va lui fournir de garanties de sécurité significatives. »

Si cette analyse demande à être fortement nuancée, puisqu'elle suppose que toute nation devrait se doter de l'arme nucléaire (ou refuser la dénucléarisation) dès lors qu'elle ne disposerait pas des armes conventionnelles pour se défendre contre une potentielle menace d'invasion, elle mérite toutefois qu'on s'y intéresse. En effet, le coup de force russe de 2014 en Crimée, en violant purement et simplement l’accord de 1994, confirme que les pays occidentaux n'étaient pas capables d'en garantir le respect – ou du moins n'étaient pas prêts à le faire. Surtout, il remet en question toute l’argumentation en faveur de la non-prolifération des armes nucléaires. À l'exception de l'Iran, qui le fait pour des raisons géostratégiques et économiques évidentes, quel pays acceptera encore, après l'exemple ukrainien, de se « dénucléariser » simplement en échange de garanties par la communauté internationale sur son intégrité territoriale et le respect de sa souveraineté ? On comprend bien qu'un tel raisonnement concerne directement des États comme le Pakistan, la Corée du Nord ou Israël qui auraient des raisons de craindre pour leurs frontières ou la survie de leur régime politique dans le cas d'un abandon de leur arsenal nucléaire. En violant le droit international – sur lequel on peut être critique, mais en adhérant à l'ONU, la Russie s'engage théoriquement à le respecter –, l'invasion de la Crimée n'est clairement pas un encouragement au désarmement des nations.

L'accord avec l'Iran présage-t-il un changement d'alliances au Moyen-Orient ?

À bien des égards, l'accord du 14 juillet vient remettre en cause les lignes de clivage qui prévalent au Moyen-Orient depuis 1979, et qui avaient été accentuées par la politique unilatérale et belliciste de la présidence W. Bush (2001-2009). Pour la présidence Obama, l'ouverture à un pays comme l'Iran – un pari d'autant plus ambitieux qu'elle ne convainc même pas la majorité du camp démocrate aux États-Unis, et qu'il l'a amorcée avant même le départ d'Ahmadinejad du pouvoir en Iran – doit permettre non seulement de résoudre une question cruciale aux yeux de la diplomatie américaine, à savoir la garantie d'un Moyen-Orient dénucléarisé assurant la sécurité d'Israël autant que les intérêts américains dans la région ; mais aussi de modifier les rapports globaux de la puissance américaine avec l'ensemble du monde musulman.

Dans la continuité de son discours intitulé « Un nouveau départ », prononcé depuis l'Université du Caire le 4 juin 2009 face aux représentants de la Ligue arabe, le président américain a souhaité en finir avec l'image d'une Amérique en guerre avec l'islam. Non seulement pour créer de nouvelles opportunités avec l'Iran – opportunités géopolitiques, économiques, etc. – mais également pour permettre, à long terme, un changement de position en Iran même, notamment l'arrêt de son soutien au terrorisme anti-américain et anti-israélien, voire la résolution de nouveaux conflits majeurs. On pense évidemment à la guerre en Syrie, où le dialogue avec le régime de Bachar el-Assad est dès lors facilité dans la double perspective de lutter contre l'ennemi commun, l'État islamique, et de trouver une solution politique aux affrontements dans ce pays. On pense aussi à l'Irak, où l'Iran a gagné une influence considérable depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003 et l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement à majorité chiite en 2005 – ce qui fut d'ailleurs un paradoxe de la stratégie de la présidence W. Bush dans la région, et sans doute aussi l'illustration de sa grande méconnaissance des forces en présence et de la réalité des communautés ethnoreligieuses au Moyen-Orient.

On pense également au Liban, où le Hezbollah domine le gouvernement et conserve une capacité de nuisance relative contre l'État hébreu voisin. Et on pense, enfin, au Yémen, où depuis 2014 les Houthis, cette tribu de confession zaydite soutenue par l'Iran, dominent le nord du pays et se sont emparé de la capitale, Sanaa, il y a bientôt un an ; là, la campagne de bombardements aériens amorcée en début d'année par l'Arabie Saoudite et ses alliés pour endiguer la progression des Houthis et rétablir le président Abd Rab Mansour Hadi, élu en janvier 2012 dans le contexte du Printemps arabe, est emblématique de la guerre froide qui oppose les deux puissances régionales que sont Riyad et Téhéran. L'Arabie Saoudite n'a d'ailleurs pas manqué de dénoncer l'accord du 14 juillet, non pas tant pour son contenu que pour les changements qu'il peut entraîner sur les liens jusque-là indéfectibles qu'elle entretient avec les États-Unis. À terme, Washington pourrait ne plus appuyer sans sourciller toute initiative de la diplomatie saoudienne tournée contre Téhéran. Pour des raisons différentes, mais tout aussi existentielles, Israël et l'Arabie saoudite se retrouvent d'ailleurs soudés dans la même colère face à un Iran qu'ils considèrent trop bien servi par l'accord.

Le Premier ministre israélien, l'irréductible Benjamin Netanyahou, était même venu en personne, le 3 mars dernier, au Congrès américain faire un plaidoyer passionné contre la perspective d'un « mauvais accord, un très mauvais accord », selon ses propres termes, affirmant que l'Iran pourrait toujours se doter rapidement de la bombe nucléaire et menacer Israël, même après sa mise en application. Mais le rapport entre l'État hébreu et la puissance américaine a lui-aussi quelque peu changé, notamment depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche. Bien sûr, les États-Unis demeurent l'allié le plus sûr de Tel-Aviv. Mais les critiques de l'administration Obama vis-à-vis du traitement de la question palestinienne par le gouvernement Netanyahou ont créé un fossé entre les deux diplomaties, fossé relatif mais qui n'existait pas auparavant. En dépit d'une alliance qui n'est pas remise en cause dans ses fondements, la présidence américaine considère à présent, à raison, que la politique israélienne de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem, et révèle sa mauvaise foi, et représente donc le premier obstacle à la paix avec les Palestiniens.

Pour l'Iran peut-être autant que pour les États-Unis, cet accord a un impact important en termes diplomatique, même s'il peut être plus opportuniste si l'on considère que les objectifs stratégiques du régime (supposés ou avérés) n'ont certainement pas bougé d'un iota : la domination du Moyen-Orient par la voie d'un « arc chiite » incluant l'Irak, la Syrie et le Liban ; l'affaiblissement de l'Arabie Saoudite par l'endiguement de son influence, dans le Golfe et au-delà ; et la reconquête de la Terre-Sainte au prix de l'anéantissement de l'État hébreu. Les calculs militaires en Syrie et les impératifs économiques nationaux se sont momentanément imposés, dans un contexte de contestation intérieure qui n'est pas négligeable, notamment depuis les mouvements de protestation de 2009 et ceux de 2011. Bien entendu, les discours de l'ayatollah Ali Khamenei demeurent catégoriques : « Notre politique contre l’arrogant gouvernement d’Amérique ne va pas changer du tout », disait-il encore il y a quelques semaines. Et, devant une foule criant : « Mort à l’Amérique ! » et « Mort à la Grande-Bretagne ! », le véritable maître de l'Iran de préciser : « Nous n’arrêterons pas de soutenir nos amis dans la région : le peuple oppressé de Palestine, le peuple oppressé du Yémen, le peuple et le gouvernement de Syrie, le peuple et le gouvernement d’Irak, le peuple oppressé du Bahreïn. »

La situation géopolitique de l'Iran, dans un Moyen-Orient tendu. Un tel contexte, avec l'État hébreu au cœur de la région, rendrait terrible un risque de prolifération nucléaire dans ce qui demeure l’une des régions les plus instables du monde.

La situation géopolitique de l'Iran, dans un Moyen-Orient tendu. Un tel contexte, avec l'État hébreu au cœur de la région, rendrait terrible un risque de prolifération nucléaire dans ce qui demeure l’une des régions les plus instables du monde.

Pour autant c'est lui-même qui a posé comme ligne directrice la « souplesse héroïque », faisant référence à celle adoptée par le deuxième imam chiite, l'imam Hassan ibn Ali, face à Muawiya ibn Abi Sufyan, gouverneur de Syrie et fondateur de la dynastie des Omeyyades. Selon Khamenei, l’imam Hassan aurait, jusqu'à sa mort en 669, démontré cette souplesse héroïque vis-à-vis de Muawiya qui, en 661, était devenu le premier calife de l'Empire omeyyade. Si ce précédent historique n’est en fait pas très encourageant pour le Guide suprême dans la mesure où l’imam Hassan a échoué face à Muawiya, cette posture illustre au moins à quel point les priorités économiques ont pour l'instant pris le pas sur la rhétorique confessionnelle et nationaliste du régime. En outre, un rapprochement avec Washington peut s'avérer un point positif sur la scène syrienne, où l'Iran est largement engagé. Là, et en dépit de victoires notables au cours de l'année 2013, le régime de Bachar el-Assad est désormais dans une position militaire compliquée, avec des troupes réduites et exténuées par près de quatre années de combats, contraint de se replier et de se concentrer autour du « pays alaouite » et de Damas.

Dans ce dossier au moins, et dans la suite logique de l'accord du 14 juillet sur le nucléaire, l'incapacité des États-Unis comme des régimes syrien et irakien à endiguer la progression de l'État islamique, sera un prétexte, demain, de coopération militaire entre les deux rivaux d'hier, qui se retrouveront donc alliés de circonstance face au nouvel ennemi commun qu'est le Califat. Peut-être, dans la foulée, en découlera-t-il une solution politique qui permettra de mettre fin au conflit syrien. Mais, même si les États-Unis semblent de moins en moins exclure l'ouverture d'un dialogue avec Damas, cette perspective demeure encore trop lointaine pour pouvoir spéculer sur les conséquences, à terme, de l'accord sur le nucléaire sur l'avenir de la Syrie.

Un accord, et après ?

À présent, l'économie iranienne est en attente d'une relance des investissements étrangers dans le pays, la plupart des infrastructures d'État devant être renouvelées. À titre d'exemple, la plupart des avions du parc aéronautique national sont au moins vieux de vingt ans. C'est pourquoi le pays prévoit d'acquérir une flotte de 400 avions au cours des dix prochaines années pour un montant estimé à 20 milliards de dollars. Seront également construits neuf terminaux aéroportuaires internationaux. À cela s’ajoutent le marché du réseau ferroviaire, estimé à 25 milliards de dollars, ainsi que celui des routes et des autoroutes, évalué à 30 milliards de dollars. Une aubaine pour les entreprises étrangères, notamment occidentales. En cela d'ailleurs, l'attitude intransigeante de Paris au cours des négociations, avec comme point d'orgue le mois de novembre 2013, au cours duquel les conservateurs américains avaient fait l'éloge – une fois n'est pas coutume – de la diplomatie française, ne met pas nos entreprises en bonne position pour investir ce nouveau marché. En 2014, un ministre iranien en visite en France n'avait-il pas déclaré : « Je suis certain que les responsables économiques seront plus réalistes que les hommes politiques » ? Et ce même ministre d'ajouter : « Tôt ou tard, le conflit nucléaire sera résolu, et la France doit décider quelle est sa position maintenant. »

Les échanges bancaires doivent permettre à l'Iran, à terme, d'enfin exporter son pétrole et de recevoir des devises. Ce sera officiellement la fin du troc qui a fait tant de mal à son économie. Sous la présidence d'Ahmadinejad, en échange des exportations de pétrole dans quelques pays bénéficiant d'une autorisation américaine (comme la Chine, l'Inde ou la Corée du Sud), l'Iran était payé en denrées alimentaires, en textile ou même en rames de métro pour pouvoir contourner les sanctions. Désormais, les investissements et les fonds étrangers reviennent. L'inflation continue de baisser et la croissance économique est d'ores et déjà estimée à plus de 8% en cas de levée de toutes les sanctions économique, bancaires et financières liées au dossier du nucléaire. Depuis janvier 2014 déjà, la levée partielle des sanctions a permis de progresser vers une normalisation des exportations de bruts de l'Iran, qui dispose tout de même des quatrièmes réserves de pétrole au monde. De plus, les restrictions sur les importations destinées à l’industrie automobile et à l’entretien du parc aéronautique civil, ainsi que sur certains produits pharmaceutiques et les échanges des métaux précieux, ont aussi été levées. À terme, l’Iran pourrait ainsi récupérer 150 milliards de dollars d’avoirs gelés à l’étranger. Une manne importante, qui renforcerait la capacité militaire de l’Iran et de ses alliés moyen-orientaux, s'inquiètent les monarchies du Golfe.

L'accord du 14 juillet doit essentiellement à la volonté politique de deux hommes, Barack Obama, président des États-Unis depuis janvier 2009 et désormais en cours de second mandat, et Hassan Rohani, président de la République islamique d'Iran depuis août 2013. Le 27 septembre 2013, avant de quitter New York où il s’est rendu pour l’Assemblée Générale de l’ONU, le nouveau président iranien parle au téléphone avec Barack Obama. Cette première communication entre des présidents américain et iranien, la première depuis 1979, souligne la profonde méfiance entre les deux pays, comme le dit ensuite Barack Obama face à la presse, avant de rajouter : « [Cette communication] indique également la perspective de dépasser cette histoire difficile. »

L'accord du 14 juillet doit essentiellement à la volonté politique de deux hommes, Barack Obama, président des États-Unis depuis janvier 2009 et désormais en cours de second mandat, et Hassan Rohani, président de la République islamique d'Iran depuis août 2013. Le 27 septembre 2013, avant de quitter New York où il s’est rendu pour l’Assemblée Générale de l’ONU, le nouveau président iranien parle au téléphone avec Barack Obama. Cette première communication entre des présidents américain et iranien, la première depuis 1979, souligne la profonde méfiance entre les deux pays, comme le dit ensuite Barack Obama face à la presse, avant de rajouter : « [Cette communication] indique également la perspective de dépasser cette histoire difficile. »

L'accord négocié par l'Iran, la Russie, la Chine, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne doit encore passer le cap du Parlement américain. Mais peu probable qu'au Congrès, les Républicains soient en capacité de rallier suffisamment de voix démocrates pour atteindre le quota de deux tiers des sièges, nécessaire à faire approuver la « résolution de désapprobation » proposée par le parti d'opposition, et qui pourrait, le cas échéant, empêcher le gouvernement de suspendre les sanctions américaines contre l'Iran. D'ici la fin du mois de septembre, il est probable que Barack Obama ait enfin carte blanche pour faire appliquer les clauses du pacte du 14 juillet qui incombent aux États-Unis. « Il veut jouer la dynamique. [...] Le jour où il y a un accord en Iran, si l'ayatollah Khamenei [actuel Guide suprême de la Révolution islamique] a accepté finalement la démarche de Rohani, il y a une dynamique qui va tout changer, et qui va finalement obliger le régime à se métamorphoser, expliquait Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères français, le 8 mars dernier, sur une chaîne française. [Obama] joue la carte de la dynamique, pas simplement d'une guerre de position. Je trouve ça assez sain. Il y a un risque, mais [cette posture] est assez [saine]. » De fait, le camp du président Rohani sort fortement renforcé de cette séquence, puisque le chef de l'exécutif iranien tient ainsi sa plus grande promesse électorale, à savoir l'application de son programme d'engagements avec l'Occident. Et ce succès aura à terme un impact économique et social, dès lors que les sanctions commenceront à être levées. En outre, cette victoire sert évidemment le camp des modérés et des réformateurs en vue des élections législatives qui auront lieu le 26 février 2016.

En politique étrangère, le chef d'État américain n'a pas toujours brillé par son sens de l'anticipation et par ses succès, diplomatiques comme militaires. Et son ouverture vis-à-vis d'un vieil ennemi des États-Unis est plus qu'audacieuse, compte tenu des critiques exprimées à son égard par Israël et par les Républicains au Parlement. « Neville Chamberlain a signé un meilleur accord avec Adolf Hitler », avait fustigé il y a plusieurs mois le sénateur Mark Kirk. Mais, dans un monde qui change rapidement, et dans un Moyen-Orient bouleversé par les conflits en série, en Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye, et par la naissance et l'ancrage de l'État islamique, la présidence Obama s'achève au moins sur les deux réussites que sont la reprise des relations diplomatiques avec Cuba, et cet accord avec Téhéran, qui écarte le risque d'un énième conflit. Ce succès géopolitique doit à présent se confirmer dans la durée, puisqu'une relation apaisée avec l'Iran, et plus largement avec le Moyen-Orient, passe inéluctablement par un retour de la confiance.

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