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Par David Brites.

Nous voilà à trois mois de la date-limite du dépôt des candidatures pour la « primaire de la droite et du centre », le 9 septembre, et à cinq mois de ce scrutin, organisé par le parti Les Républicains. En 2011, en dépit des démêlés judiciaires de Dominique Strauss-khan, puis de l'absence d'un candidat naturel, la « primaire de la gauche » a unanimement été considérée comme un succès du Parti socialiste. Elle a mobilisé 2,6 millions de personnes au premier tour, 2,8 au second tour, et a permis de faire émerger un candidat, François Hollande, qui a finalement été élu président de la République.

À droite, le processus semble patiner. Sans en être au niveau nullissime de l'affrontement Copé-Fillon de novembre 2012 pour la présidence de l'UMP, la lutte des individualités semble prendre le pas sur le débat d'idées au sein du parti. Non pas qu'aucune proposition ne soit faite par les candidats, mais les projets se ressemblent tous, et le choix réside finalement plus dans les personnes que dans leurs divergences d'opinion.

Un an jour pour jour après avoir adopté son nom actuel, le parti Les Républicains connaît une guerre d'égo qui s'annonce interminable, et qui s'explique d'abord et avant tout par l'absence d'un « leader naturel » à la tête de la formation, et ce, alors même que le président du parti n'est autre que Nicolas Sarkozy, ex-chef de l'État et candidat de l'UMP en 2012. Un tel profil aurait dû lui conférer le statut de chef incontesté. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que son retour à la tête de sa famille politique ne s'est pas fait sur un lit de roses. Le 29 novembre 2014, son élection à la présidence de l'UMP a eu lieu au prix d'un score relativement décevant, à savoir 64,50% des 155.285 suffrages exprimés, contre 29,18% pour Bruno Le Maire, qui créait alors la surprise. Depuis, l'inconstance idéologique et le vide programmatique sont la marque de fabrique des Républicains.

Il a peut-être manqué à l'ancien chef de l'État qu'est Nicolas Sarkozy un bilan critique et pertinent de son mandat présidentiel – et il serait bien naïf de considérer comme tel son livre de pseudo-confidences, La France pour la vie, où il commente plutôt ses dérapages verbaux (le fameux « Casse-toi pauvre con » notamment) que son action présidentielle. Dans la plupart de ses prises de position, il se contente encore, comme il l'a toujours fait, de suivre l'opinion au gré des sondages. Par exemple, hier pour l'abrogation du Mariage pour Tous, aujourd'hui contre. Dès qu'il a annoncé vouloir briguer la présidence du parti, en septembre 2014 sur France 2, ses paroles nous ont rappelé au bon souvenir de son ego surdimensionné autant que de ses inconstances. Comment explique-t-il les échecs de son mandat présidentiel ? « Quand on a beaucoup d'énergie et qu'on croit beaucoup dans ses idées, ce qui est mon cas, on [pense] qu'on peut réussir seul. Alors qu'il n'y a pas de réussite individuelle. [...] Je voulais tellement que tout soit le mieux possible, je voulais tellement m'engager, je voulais tellement que les gens ne soient pas déçus... » Tout comme l'on répondrait à un employeur qui demande de citer trois défauts, Sarkozy affirme donc : « Je suis perfectionniste, je ne compte pas mes heures, et je suis un acharné du travail. » Belle autocritique.

L'individu se pense évidemment en recours salutaire contre le PS et le FN. Du haut de son élitisme politique, ses propos sont chargés de mépris inconscient : « Le public, les gens, ils sont profondément gentils. Ils sont gentils. Ils essaient de comprendre eux-mêmes... » Cela vaut bien les propos de François Hollande sur les « sans-dents ». « Avec deux ans et demi de recul, j'ai rencontré beaucoup de Français » : mais n’est pas le de Gaulle de 1958 qui veut, et un exil doré ponctué de conférences de luxe rémunérées plusieurs centaines de milliers d’euros ne vaut pas un retrait humble et discret à Colombey-les-Deux-Églises.

Le siège du parti, à Paris. Créée en 2002, l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP) a changé de nom il y a exactement un an, le 30 mai 2015.

Le siège du parti, à Paris. Créée en 2002, l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP) a changé de nom il y a exactement un an, le 30 mai 2015.

Plus on est de fous, moins on rit !

Nicolas Sarkozy a sans doute cru qu'il avait participé au renouvellement de la vie politique lorsque l'UMP (Union pour un Mouvement Populaire) a troqué son nom pour Les Républicains, un changement validé par le bureau politique et par les adhérents en mai 2015. Et sans doute pense-t-il que ce changement de nom suffira à faire oublier les frasques judiciaires de l'UMP relatives au financement occulte de sa campagne de 2012 et des surfacturations et fausses factures fournies par Bygmalion, une société dirigée par des proches de Jean-François Copé. La réalité est toute autre, et derrière l'armée mexicaine que représente la direction de ce nouvel appareil politique, se dessinent des ambitions personnelles fortes mais qui n'apportent rien de très constructif au débat public. Nathalie Kosciusko-Morizet et Laurent Wauquiez, respectivement vice-présidente et secrétaire général du parti jusqu'en décembre, rayent le plancher par leurs dents longues. C'est pourquoi, sous couvert de différents idéologiques, ils se détestent notoirement. L'éviction de la première au profit du second ne change pas le climat délétère qui règne au sein du bureau exécutif.

Aussi pathétique que fût l'affrontement Copé-Fillon en 2012, il avait au moins pour intérêt de transcrire, derrière les ambitions des deux hommes, un clivage politique profond – et en réalité largement surjoué, par ces deux dinosaures de la vie politique, qui ont en fait des opinions largement similaires sur de nombreux sujets. L'un, François Fillon, a cru qu'adopter une ligne « républicaine » appréciée des médias jouerait en sa faveur, tandis que l'autre, conscient du conservatisme des militants UMP, plutôt favorables à la « ligne Buisson » (du nom de l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy) au cours de la présidentielle de 2012, a su faire jeu égal avec l'ancien Premier ministre, en dépit de sa propre impopularité.

On aurait pu s'attendre à un duel idéologique semblable pour cette primaire, par exemple opposant Alain Juppé, Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet à Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez ou Geoffroy Didier, c'est-à-dire l'orientation libérale et pro-européenne du centre-droit à une ligne plus « dure » sur les questions identitaires. C'est bien ce qu'il y a de désespérant dans le scrutin qui se profile pour novembre prochain : la pléthore de candidats annoncés brouillent les clivages, et ce d'autant plus que certains tels que François Fillon ont radicalisé leurs propos, après avoir compris dans quel sens soufflait l'opinion publique. François Fillon, justement, était le premier à annoncer sa candidature à la primaire, dès le 9 mai 2013. Suivait Alain Juppé, le 20 août 2014. Depuis 2015, la liste s'est bien allongée. Avec un parfait inconnu tout d'abord, le jeune Hassen Hammou, en juin. En septembre 2015, trois candidats se déclaraient : le 4, Nadine Morano, par la suite isolée à cause de ses propos sur la « race blanche » sur France 2 ; le 14, Jean-Frédéric Poisson, qui a succédé à Christine Boutin à la tête du Parti chrétien-démocrate ; et le 20, Hervé Mariton, qui espère améliorer son score de 6,32% au scrutin pour la présidence de l’UMP en décembre 2014.

Depuis le début de l'année, les candidatures se multiplient : Frédéric Lefebvre (21 janvier), Jean-François Copé (14 février), Bruno Le Maire (23 février) ; mais aussi Jean Arthuis, pour le compte de l’Alliance centriste (27 février), Nathalie Kosciusko-Morizet (8 mars), le cofondateur du courant de la « Droite forte » Geoffroy Didier (29 mars), et Jacques Myard (5 avril). Michèle Alliot-Marie, qui a lancé son mouvement, « Nouvelle France », le 7 avril dernier, devrait annoncer sa candidature d'ici août, et Nicolas Sarkozy pourrait faire de même en septembre prochain, c’est-à-dire... le plus tard possible. En attendant, il demeure président des Républicains, et profite donc des avantages qui vont avec – par exemple, l’accès à la base de données des adhérents pour leur diffuser des publicités relatives à la publication de son livre...

Enfin, Jean-Christophe Lagarde annonçait, le 9 mars dernier, que l’Union des Démocrates & Indépendants (UDI), qu’il préside depuis novembre 2014, ne participerait pas à la primaire « de la droite et du centre ». Principale cause de fracture : les deux partis, UDI et LR, n’ont pas trouvé d’accord pour les législatives de 2017. Les centristes demandaient notamment entre un quart et un tiers des investitures (!), ainsi que le refus de toute alliance avec le Front national. La rupture était finalement entérinée par les adhérents de l’UDI le 20 mars, lorsqu'ils se sont prononcés à 66,56% contre une participation de leur parti à la primaire. Toutefois, dans le même temps, ils se disaient à 46,94% favorables à une candidature unique de l’UDI à la primaire (contre 46,83% pour une liberté de candidature), dans le cas où, dans les prochains mois, les deux partis parvenaient finalement à un accord. On sait qu’au sein même de l’UDI, les proches d’Yves Jégo et de Jean-Christophe Lagarde s’opposent sur ce point à ceux d’Hervé Morin et de Jean-Arthuis. Les premiers soutenant le principe d’une candidature centriste à la présidentielle, si possible en alliance avec le Modem de François Bayrou (selon le souhait également de Jean-Louis Borloo, jusqu’à son retrait de la vie politique en 2014), et les seconds souhaitant négocier un accord électoral avec Les Républicains et se présenter à la primaire « de la droite et du centre ». Une discorde d’un inintérêt complet, qui ne passionne que les « centristes », mais qu’ignore totalement le Français lambda.

Nous en sommes donc à quinze candidats, si l’on compte déjà Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy dans le lot. Certes, la plupart ne rempliront pas les conditions requises pour pouvoir participer à la primaire, mais tout de même, ce boom des candidatures a au moins deux conséquences : il brouille les clivages en ne favorisant pas les regroupements autour de lignes idéologiques claires ; et surtout, il révèle l'état de fragmentation du parti qu'il s'agisse des Républicains ou de l'UDI, d'ailleurs.

On reprend les mêmes idées et on recommence !

À bien des égards comme le Parti socialiste, Les Républicains semblent incapables de rénover les paradigmes idéologiques qui constituent leur base programmatique depuis la fondation de l'UMP en 2002. Les solutions proposées ne se distinguent pas fondamentalement des programmes de 2007 et de 2012 : entre l'essentiel des candidats, elles diffèrent par leur degré, non par leur nature. Chez tous, on retrouve la nécessité d'une cure d'austérité budgétaire féroce, ainsi que d'un cycle de réformes drastiques du marché du travail visant à flexibiliser l'emploi. L'un annonce la suppression de 250.000 postes de fonctionnaires (Juppé), l'autre de 300.000 (Sarkozy), un autre encore de 600.000 (Fillon), Bruno Le Maire allant jusqu'à proposer le chiffre d'un million en dix ans. Nombreux parmi les candidats déclarés sont ceux qui se disent favorables à une réforme profonde  voire à une suppression  du statut de fonctionnaire.

Bref, globalement, pas de clivage notable sur les questions économiques : terminé, enterré, le vieux fossé entre gaullistes du RPR et libéraux de l'UDF, incarné notamment par Séguin et Pasqua d'une part, par Balladur et Madelin de l'autre. Les gaullistes de droite n'ont plus qu'Henri Gaino sur qui se raccrocher, dans le parti, et Nicolas Dupont-Aignan en dehors. Et en attendant une éventuelle participation du premier à la primaire, le choix des votants devra se faire soit sur la personnalité des candidats, soit sur des différences marginales. Lequel est le plus libéral ? Lequel prône le plus d'austérité dans les dépenses de l'État ? Lequel souhaite aller le plus vite et le plus loin dans la réduction des moyens et des effectifs de la fonction publique ? Lequel entend remettre le plus en cause les accords de Schengen sur la libre-circulation des personnes dans l'UE ? Lequel détricotera le plus le Code du Travail ? Lequel renverra le plus de migrants hors des frontières ? Etc. Presque toujours la même grille de lecture pour répondre aux questions majeures, à peine des différences de degré entre cette masse de candidats.

Derrière la multiplication des candidatures à la primaire, se cache un combat de coqs sans grand intérêt sur le plan du débat d'idées.

Derrière la multiplication des candidatures à la primaire, se cache un combat de coqs sans grand intérêt sur le plan du débat d'idées.

Avec le mépris qui l'habite pour tous ses rivaux politiques, Nicolas Sarkozy déclarait en off courant 2014, à propos de François Fillon, qui assume une ligne d'austérité poussée : « Promettre les 39 heures payées 35 et la retraite à 65 ans, bon courage à celui qui veut se faire élire là-dessus ! » Lui nous propose de repousser à 63 ans l'âge légal de départ à la retraite, d'augmenter le temps de travail des fonctionnaires (ces fainéants !) et de lancer la France dans l'exploitation du gaz de schiste, en dépit des conséquences environnementales et sanitaires que cela entraînerait – l'exemple américain est là pour nous le montrer. Nicolas Sarkozy veut aussi « repenser tout notre Code du Travail », notamment « ne garder que les droits fondamentaux des salariés dans le Code du Travail et renvoyer le reste à la négociation d'entreprise » pour faire converger les droits du public et du privé (vers le bas, évidemment... au nom du réalisme économique). Révélant une approche essentiellement comptable de la politique, il expliquait, en mars 2015, vouloir revenir « à un niveau de dépenses publiques équivalent à 50% du PIB » et inscrire « ce chiffre dans la Constitution, pour qu'il ne puisse pas être dépassé ». Si tant est que cette mesure soit pertinente, encore faut-il parvenir à une baisse aussi significative des dépenses publiques ; or, les mesures prises entre 2007 et 2012 pour faire face à la crise économique montrent justement à quel point il est absurde de fixer une ligne rouge, puisqu'il faut bien un minimum de souplesse budgétaire au gouvernement pour amortir les effets de la conjoncture en cas de récession ou de ralentissement de la croissance.

Enfin, dernier exemple en date : le 2 décembre, il annonçait qu'il défendrait une baisse des impôts sur les 20% des ménages les plus riches – dans une certaine continuité avec le « bouclier fiscal » qu'il avait mis en place entre 2007 et 2011 avant de concéder qu'il proposerait aussi un allègement des charges qui pèsent sur le pouvoir d'achat des classes moyennes. Peut-être, d'ici 2017, finira-t-il par avoir une pensée pour les 20% des ménages les plus pauvres.

En tant que leader du premier parti d'opposition au Parlement, Nicolas Sarkozy fait preuve d'une grande nullité rhétorique et idéologique. On ne sent plus l'énergie qui l'animait en 2007 – et on peut être en désaccord avec ses idées, il faut tout de même convenir qu'à l'époque, il n'en manquait pas. Surtout, ses déclarations en meeting ressemblent plutôt à un mauvais One Man Show ponctué de blagues vaseuses sur le gouvernement et sur François Hollande qu'à de réels rendez-vous politiques. L'ancien président de la République a fait un choix, très visible lors du congrès fondateur des Républicains, le 30 mai 2015 : pour ne pas avoir à faire son bilan à la tête de l'État ou avoir à accréditer un hypothétique changement personnel, il s'emploie à unir les adhérents contre la gauche. Ce qui se traduit entre autres par la stratégie du « ni-ni » (ni FN ni PS) dans les entre-deux-tours d'élections « intermédiaires ». Il apparaît clairement maintenant que Nicolas Sarkozy a fait le choix de (re)conquérir la présidence de la République « par la droite ». Ce jour-là, trois grands thèmes se dégageaient de son discours : la famille (il entend sans doute surfer sur le succès relatif du collectif Manif’ pour Tous), l'identité (bienvenue au fantôme de Patrick Buisson !) et l'autorité (sans doute en opposition à l’image que donne François Hollande auprès de l’opinion publique). Il entreprend ainsi de revisiter l'univers de la droite profonde. Une voie confortée par les circonstances : après maintes tergiversations idéologiques lors de son « exil doré » (Cf. cet article de 2014 intitulé Nicolas Sarkozy et l'inutile retour), celui qui fut chef de l'État de 2007 à 2012 a, pour espérer l'emporter face au favori des sondages, Alain Juppé, franchement tranché pour cette ligne dure qui se concentre sur les questions identitaires.

Problème, et c'est une constance chez Sarkozy : au gré des sondages, il change de discours. Un jour il dénonce l'idée de répartir les réfugiés arrivés en Grèce en 2015 entre les pays membres de l'Union européenne, comparant le flux de migrants avec « une canalisation qui explose [et qui] se déverse dans la cuisine ». Un autre jour, suite à la diffusion massive de la photo d'un enfant syrien mort sur une plage, il déclare à propos de Marine Le Pen : « J'ai [...] honte en entendant Marine Le Pen, son inhumanité, son absence totale du moindre sentiment, cette brutalité. » Idem sur la crise de la dette grecque. Un jour les inconvénients d'un « Grexit » sont bien supérieurs aux avantages, et il faut trouver une solution. Un autre jour, Alexis Tsipras n'est pas digne de confiance, et les Grecs un peuple de charlatans. Et un énième jour : alignement millimétré sur la stratégie allemande, au prétexte qu'il ne doit pas y avoir une divergence, pas une seule, entre Berlin et Paris.

Septembre 2015 : les larmes de crocodile de Sarkozy.

On ne peut pas vraiment dire qu'Alain Juppé remonte le niveau. Deux semaines après les attentats du 13 novembre, il annonçait une série de propositions (enfin !) qui constitueraient le socle de son programme sécuritaire. Pour l'essentiel, ce n'est qu'une litanie d'idées floues ou déjà engagées par le gouvernement : « former » les agents de police ; « simplifier drastiquement les procédures administratives qui occupent aujourd'hui deux tiers du temps des policiers et gendarmes » ; mettre en place « une coalition unique » contre l'État islamique ; créer une police européenne des frontières.

Sa volonté d'obliger les imams à prêcher en français est à la fois populiste, terriblement tendancieuse et stigmatisante (s'est-on jamais préoccupé des messes en langue latine ou portugaise dans quelque église catholique, ou en grec ou en arménien dans les lieux de culte orthodoxes ? Voire même du recours à l'hébreu dans les synagogues ?), mais aussi totalement inutile : parler en français n'empêchera nullement les prêches haineux, de même que ceux en arabe ne nécessitent rien de plus que des interprètes pour être compris de nos services de renseignement. Enfin, son idée de créer un « délit d'entrave au service public » est un vieux copier-coller du programme du Front national lorsqu'elle concerne les femmes hospitalisées refusant d'être examinées par un médecin de sexe masculin ; et, « quand un enfant rejette une leçon d'Histoire sur la Shoah », elle est tout bonnement contre-productiveun professeur va-t-il appeler la police pour résoudre les problèmes de comportements individuels dans sa salle de classe ? – et absurde – un élève « rebelle » sera-t-il demain considéré comme hors-la-loi ?

Après avoir un temps incarné le centre-droit tranquille, l'ancien Premier ministre sous la présidence Chirac semble bien parti pour se joindre au reste de la classe politique dans la course sécuritaire désormais lancée. Ses propositions économiques semblent par ailleurs aussi dangereuses et structurellement injustes que celles de ces adversaires dans la primaire : outre diverses mesures dont certaines étaient présentes dans la première version de la Loi El-Khomri (plafonnement des indemnités prud'homales, contenu des contrats de travail négocié au sein des entreprises et non des branches, etc.) on peut noter le passage aux 39 heures de travail par semaine, la suppression de l'Impôt sur la Fortune, une hausse de la TVA, l'âge légal de départ à la retraite porté à 65 ans, etc.

Bref, à droite, rien de très encourageant intellectuellement. Sur le plan électoral, Sarkozy, Juppé et consort ont du souci à se faire, puisqu'avec 26,89% des voix seulement au premier tour des régionales de décembre, le résultat – pourtant obtenu avec le Modem, l'UDI et CNPT dans le cadre de listes communes est plus que décevant. Bien que dans l'opposition, et dans un contexte global défavorable au gouvernement, l'alliance de droite et de centre-droit n'est jamais arrivé que deuxième au 1er tour, et n'a pu dépasser le PS au second en nombre de régions métropolitaines qu'avec le coup de pouce socialiste dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, en PACA et dans le Grand Est.

Tandis que l'UDI s'est perdue depuis la retraite de Jean-Louis Borloo dans les tambouilles éternelles du centre-droit français, la droite est incapable de proposer des idées nouvelles. Et le nombre élevé de candidats n'y change rien, chacun tentant d'adopter une rhétorique différente des autres – elles sont en fait plus vaseuses les unes que les autres. Bruno Le Maire, après des débuts tonitruants amorcés dans la confusion de slogans aussi débiles que « Le renouveau c'est Bruno » ou « La primaire c'est Le Maire » (que son directeur de campagne lui-même a qualifié de « totalement con »), fait désormais jeu égal, sans pour autant s'assurer un réel ancrage dans l'électorat de droite (son flou programmatique et idéologique l'en empêche), avec François Fillon pour la troisième place dans les sondages... Un François Fillon qui, sous couvert de « sérieux » et de sincérité, ne nous annonce rien de plus, rien de moins, que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur », pour reprendre le mot fameux de Churchill. Alors que l'ancien Premier ministre de Sarkozy n'a pour seul regret sur ses cinq ans à la tête du gouvernement de n'avoir pas mené jusqu'au bout les « réformes » (on pourrait épiloguer longtemps sur le sens donné à ce mot), on voit bien qu'avec cet individu à la tête de l'État, le sens d'expressions telles que « acquis » ou « progrès sociaux » serait quelque peu effiloché : suppression pure et simple de la durée légale du travail en entreprise, suppression de 10% des effectifs de fonctionnaires (pas moins de 600.000 postes, tout de même), rétablissement du jour de carence, etc. On ne peut qu'espérer pour ce « Thatcher français » un crash au moins similaire à celui de Ségolène Royal à la primaire de la gauche de 2011 – elle avait alors obtenu 6,95% des suffrages exprimés.

De son côté, Nathalie Kosciusko-Morizet, en nous annonçant le monde merveilleux des travailleurs indépendants, précisant que « de toute façon, la jeunesse n’aura pas accès au CDI », prend les évolutions économiques de notre temps comme elles viennent, et n'ambitionne même plus d'influer dessus, par exemple en promouvant les emplois stables. Peut-être l'élue parisienne, adepte du microcosme des start-ups de la capitale, devrait-elle lire (ou relire) du Steinbeck, pour voir sur quoi concrètement l'idée de travail « indépendant » peut déboucher. La parcellisation des tâches signifie tout bonnement la fin des luttes collectives, et donc, à terme, des acquis sociaux. Désespérée de ne pouvoir obtenir les parrainages nécessaires à sa candidature, NKM dénonce à présent un complot des ténors du parti pour éviter sa candidature, gênante, dit-elle... Que l'on rassure Mme Kosciusko-Morizet : compte tenu du score pathétique qui s'annonce pour elle dans cette primaire, ses adversaires lui rendent en fait un grand service en lui évitant une fessée électorale.

À côté de ces quelques « poids lourds » du parti, on trouve pléthore de candidats qui tentent leur chance, presque tous situés à la droite du parti, et dont on comprend mal pourquoi ils ne se sont pas accordés sur une candidature commune : Poisson, Mariton, Morano, Didier, Myard, etc. qui s'entendent tant sur une position identitaire « dure » que sur un rejet du Mariage pour Tous et, sur le plan économique, une mise en avant de la « valeur travail » ce qui reste un peu flou en soi mais permet au moins d'adopter une rhétorique anti-assistés, anti-syndicats et anti-fonctionnaires. Pourtant, l'importance du mouvement de la « Droite forte » au sein du parti aurait pu permettre l'émergence d'une candidature unique de ce bord politique ou, à défaut, un alignement général derrière l'idée d'un retour de Nicolas Sarkozy. Mais les conflits d'égo priment désormais. Guillaume Peltier, co-fondateur de la « Droite forte » (avec Geoffroy Didier, en 2012), a bien créé il y a deux mois le mouvement « Horizon », qui réunit la Droite Forte, Sens Commun, émanation du collectif Manif' pour Tous, et le syndicat étudiant UNI ; quoi que l'on pense du positionnement idéologique de Peltier, c'est sans doute l'une des seules initiatives récentes à chercher à toucher à la réflexion intellectuelle du parti plutôt qu'à proposer une énième candidature à la primaire.

Nous avons sans doute l'un des pires chefs de l'État, si ce n'est le pire, que la Vème République nous ait offert depuis soixante ans. Mais, si le gouvernement gagne toujours plus en médiocrité avec les mois et les annéeset les derniers évènements relatifs à la Loi Travail nous le confirment une nouvelle fois –, l'opposition ne semble pas dans un meilleur état, loin de là. La disparition de la droite gaulliste, dont la mouvance est largement récupérée par Marine Le Pen et son bras droit Florian Philippot, coûte très cher à la droite, qui cherche à récupérer sur les thématiques identitaires un électorat qui ne peut plus être attiré par un programme économique décidément bien trop libéral. De même que François Hollande l'a emporté en 2012 sur la base de l'impopularité de Nicolas Sarkozy, le candidat Les Républicains de 2017, quel que soit son nom (Juppé, Sarkozy ou un autre), ne sera fort que de la faiblesse du président actuel. « La France a la droite la plus bête du monde » : d'ici novembre, nous sauront probablement si ce bon mot de Guy Mollet, prononcé en 1956, se vérifie toujours... Pour l'instant, et depuis fort longtemps, force est de constater qu'elle ne fait pas preuve de beaucoup d'intelligence.

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