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Par David Brites.

À Paris, samedi 24 novembre.

À Paris, samedi 24 novembre.

Depuis plus de quinze jours, la France est frappée par un mouvement de grogne sociale caractérisé à la fois par l'absence de corps intermédiaires (partis politiques, syndicats, associations...) et, de façon plus anecdotique, par le port d'un signe distinctif, le fameux gilet jaune, ou gilet de haute visibilité. Si l'opposition de gauche et de droite, d'extrême-gauche et d'extrême-droite, s'est montré globalement bienveillante à son égard, nombreuses ont été les voix qui ont, très tôt, alerté sur des aspects apparemment gênants de cette vague de colère. Décryptage.

Tout en faisant une distinction entre ceux présents sur les Champs-Élysées et les autres, Gérard Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, déclarait le 25 novembre dernier sur RTL, avec la finesse qu'on lui connait, à propos des Gilets jaunes ayant protesté sur les Champs : « Ce ne sont pas des Gilets jaunes qui ont manifesté, c'est la peste brune. Ce n'est pas parce que vous mettez un gilet jaune que vous ne portez pas une chemise brune en dessous. » Il s'inscrit ainsi dans la formidable continuité rhétorique d'un gouvernement décidément très inspiré par les années 1930. Emmanuel Macron lui-même ne passe-t-il pas une grande partie de ses discours nous y avons eu allègrement droit à l'occasion des commémorations liées au centenaire de l’armistice de 1918, ou lors des derniers déplacements du président en Europe de l'Est  à évoquer les risques liés aux populismes et aux nationalismes, nous ramenant toujours à la montée des totalitarismes des années 30 et au risque d'une nouvelle guerre ?

Toujours ce dimanche, en conférence de presse, c'est Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, qui a fait le bilan de la journée de samedi, évoquant environ 8 000 Gilets jaunes à Paris, dont 5 000 sur les Champs-Élysées. Il a dénoncé la présence parmi les manifestants de « l'ultra-droite ». Plus symptomatique, le ministre a promis de « repousser les séditieux », un mot qu'il a employé à plusieurs reprises. « Ils veulent s'en prendre au gouvernement, aux parlementaires », a-t-il averti. La sémantique ne doit rien au hasard. Le terme « séditieux » fait référence aux membres de la manifestation du 6 février 1934, conduite à l'époque par des ligues d'extrême-droite hostiles à la République parlementaire. Qu'il y ait eu des militants cagoulés venus en découdre avec les forces de l'ordre, qui le conteste ? Des images vidéo en attestent. Mais parmi la centaine de personnes arrêtées par la police à croire qu'elle n'a pas arrêté les bonnes , on ne trouve aucun membre connu de mouvements extrémistes, de droite comme de gauche : les interpellés ont entre 20 et 30 ans, et sont des ouvriers, des mécaniciens, des cuisiniers... Pour le gouvernement (et les grands canaux médiatiques, au moins pour des questions d'audience), il est évidemment plus facile de mettre la loupe sur les violences, même quand elles sont marginales.

En outre, Castaner était presque fier d'annoncer qu'il observait un « fort affaiblissement de la mobilisation » des Gilets jaunes. Or, même si le nombre de participants semble effectivement avoir diminué, étant passé (selon les chiffres du ministère de l'Intérieur) de 287 710 personnes le 17 novembre, à 106 300 le 24, qui peut croire que cela signifie, mécaniquement, une baisse des mécontentements ? Le chiffre peut bien baisser encore, aujourd'hui, samedi 1er décembre, et les samedis suivants, la frustration n'en est pas moins croissante. En effet, la hausse des taxes sur le diesel, qui doit entrer en application le 1er janvier 2019, n'est pas remise en cause par l'exécutif. Pas plus que ne l'est une des mesures les plus symboliques de la présidence Macron, à savoir la suppression de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF).

Chose cocasse, n'est pas le plus séditieux celui qu'on pense, si on prend le terme dans son sens littéral, et non avec la connotation historique qu'on lui connait depuis 1934. Le géographe Christophe Guilluy faisait justement, ces dernières semaines, la promotion de son dernier livre sur les plateaux TV et radio, No society, où il explique, en s'inspirant du bon mot de Margaret Thatcher en 1987 (« There is no such as society »), que les « élites » occidentales ont, d'une certaine manière, fait sécession du reste de la société. Cette forme de sédition, elle, ne choque personne au sein de la majorité présidentielle. C'est pour cette « élite »-là que l'on a proclamé de nouveaux avantages fiscaux dès l'ouverture du quinquennat. Et voilà un sacré cocktail la crise de la représentation politique, l'atomisation des luttes sociales, la citadellisation des bourgeoisies, le déplacement des classes populaires vers le périurbain et le rural, la communautarisation qui indique l'épuisement de notre modèle de société (devenu modèle d'« a-société »).

Des beaufs réfractaires à la transition écologique ?

À première vue, on pourrait se dire comme beaucoup l'ont fait que la hausse des prix des carburants, quels qu'ils soient d'ailleurs (diesel ou essence), viserait à réduire l'usage de la voiture, notamment de la voiture individuelle, puisque les gens adopteraient des stratégies alternatives pour ne pas payer si cher. Ils s'achèteraient un vélo, prendraient le bus ou le métro, voire développeraient des modalités originales comme le covoiturage. La réalité est autre, lorsque les gens vivent dans des lieux dépourvus de réseau de transports en commun suffisant, ou lorsque les distances sont trop longues pour pouvoir utiliser la bicyclette quotidiennement. Ou encore lorsqu'on a une famille à charge, scénario dans lequel le vélo ne peut pas être suffisant de façon systématique. Tout cela est une évidence, pourtant, nombreux sont celles et ceux qui, face à la grogne des Gilets jaunes, ont voulu opposer une alternative volontariste à l'usage de la voiture même si certains ont affiché leurs initiatives comme indépendante des Gilets jaunes, non en opposition à leurs revendications sociales. Les acteurs associatifs comme la Fédération des Usagers de la Bicyclette, ou le Collectif Cycliste 37 (dont on peut voir ci-dessus l'image devenue virale dans les réseaux sociaux), par exemple, ont appelé à abandonner le véhicule automobile pour des modes de transport doux. Les initiatives citoyennes invitant à prendre conscience de l'urgence environnementale et climatique, et faisant la promotion d'alternatives aux modes de production, de consommation et de transport actuels sont les bienvenus, mais ici, cela ne répondait pas forcément aux questions soulevées par les Gilets jaunes.

En outre, il y aurait beaucoup de choses à dire sur la nature écologique du débat. Le carburant est fortement taxé, mais pas d'autres moyens de transport bien plus polluants, aux mains d'intérêts puissants qu'il ne faut pas froisser. Le gouvernement a bon dos de défendre la hausse des taxes au 1er janvier 2019 au prétexte de « maintenir le cap » dans la transition écologique. Mais qui peut croire, justement, que l'on a amorcé d'une quelconque manière une forme de transition écologique ? Il y a deux mois, dans un contexte de crise politique (Démission de Nicolas Hulot : l'urgence d'une économie verte peut-elle s'imposer dans l'action gouvernementale ?), démissionnait un Nicolas Hulot qui dénonçait justement la « politique des petits pas » de l'exécutif, dont il disait ne plus pouvoir se satisfaire. Et à présent, le gouvernement voudrait nous faire croire qu'il est le chantre de la transition, face au « Gaulois réfractaire au changement » ? Nombreux, trop nombreux sont les médias qui ont repris allègrement cet argument mensonger, alors que la part des taxes sur les carburants qui revient à la transition écologique est minime. Nous décrire la crise actuelle opposant Gilets jaunes et gouvernement comme un combat entre les pro-voitures et les partisans de la transition énergétique relève de la mystification pure et simple. Mais voilà, il est plus facile de se paver des notions de progrès et de clairvoyance. C'est à croire que si la « startup nation » pouvait se passer d'une partie du peuple, dont elle a un peu honte tous ces beaufs du périurbain, « des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel », selon les mots du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux le 31 octobre dernier , elle le ferait. D'ailleurs, la situation actuelle convenait très bien à nos dirigeants, tant que la « France périphérique » se maintenait dans son état d'invisibilité.

Les contradictions gouvernementales sont là, évidentes. On prétend sortir du tout pétrole, mais on autorise Total à forer un nouveau puits de pétrole en Guyane. En France, la loi ne met fin à l'exploitation de gaz et de pétrole, de façon définitive, qu'en 2040 si aucun gouvernement ne vient remettre en cause cette échéance d'ici là. Et jamais une taxe n'a représenté, en soi, un programme de transition écologique (encore moins une taxe qui s'applique aux automobilistes mais pas aux navires cargos, par exemple). Quand bien même une part majoritaire de la fiscalité sur les carburants servait à financer la transition, il ne suffit pas de prendre l'un des éléments du Pacte écologique de Nicolas Hulot (2007) pour être écologiste. La notion de transition implique de repenser tout le système, depuis l'exploitation des ressources naturelles jusqu'au traitement des déchets, en passant par la transformation des produits, la consommation, etc. Force est de constater, au vu de la présentation qu'il a faite de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) mardi dernier, qu'Emmanuel Macron ne semble toujours pas avoir mesuré l'ampleur du problème, puisqu'il n'aborde pas réellement les questions de refonte de nos systèmes de production et de consommation à échelle industrielle, pas plus qu'il ne parle de la relocalisation de nos industries et de notre agriculture. Héraut du libre-échange, il ne le peut pas, et pourtant, la libre-circulation des biens et des services à travers le monde est apparemment antinomique avec l'idée de développement durable, puisqu'elle suppose au moins un coût écologique lié au transport, et un coût social lié à la faiblesse du droit du travail dans les pays de production. Le 22 novembre sur France 2, Nicolas Hulot lui-même déclarait, à propos d'Emmanuel Macron : « Je pense qu'on ne mesurait pas la même gravité. On n'avait pas le même diagnostic sur l'état de la planète et sur les menaces qui pèsent sur l'humanité. [...] Une bronchite et un cancer généralisé, ce n'est pas la même chose. »

« Quand le roi écrase la France, elle dit stop. »

Sur un bon mot, le chef de l'État a déclaré, toujours le 27 novembre dernier, ne pas vouloir opposer « fin du monde » et « fin du mois », souhaitant traiter les deux. On en est loin pour l'instant. Tout développement qui se veut durable ne peut se faire au détriment des catégories socioprofessionnelles les plus vulnérables, ou au risque d'un déclassement d'une partie de la classe moyenne. Pour cela, il faut intégrer que lorsqu'on a une famille et qu'on vit en dehors de la ville, on peut avoir besoin, parfois, de deux voitures. Et que cela ne constitue pas forcément un luxe. Au contraire, le coût à supporter est d'autant plus grand pour un ménage. Quant au passage au tout électrique, il coûte très cher  même en comptant avec les aides publiques actuelles ou promises , et n'est pas sans conséquence non plus : l'électricité vient pour beaucoup de nos centrales nucléaires, et l'extraction de l'uranium se fait dans des conditions souvent néfastes pour l'environnement et la santé des gens. Un Nigérien vivant à proximité d'une source d'extraction dans son pays ne rejoindra peut-être pas l'idée que l'électricité au nucléaire relève d'une forme de développement durable. Il faut poser le débat dans son ensemble, pas à coup de petites taxes que les plus pauvres, en proportion de leurs moyens, doivent supporter de manière plus violente.

Les motifs de contestation sociale sont nombreux, évidents, anciens. Judith Cartier, membre du collectif « C pas demain la veille », expliquait très bien, dans Mediapart Live, le 21 novembre dernier : « Le sentiment de mépris et d'abandon des pouvoirs publics, il est réellement là. Nous, on se bat pour le maintien d'une maternité, et ça montre qu'il y a un éloignement des services publics qui arrive, et qui renforce [le] sentiment de mépris. Et c'est là qu'on est vraiment inquiet, parce qu'on sait comment ça va se traduire dans les urnes. Et c'est aussi le jeu, bien sûr, de l'extrême qui arrive. La lutte citoyenne se situe aussi avec tout ce sentiment de mépris et d'abandon. » Depuis quarante ans, deux tiers des maternités ont disparu, et le phénomène de disparition des maternités de proximité s'accélère à présent, avec l'approbation explicite de la majorité présidentielle. Dans une éternelle approche comptable, rappelons que lors de l'annonce du plan Ma santé 2022, Emmanuel Macron avait décliné sa vision d'une gradation des soins avec des hôpitaux de proximité sans bloc opératoire, donc sans accouchement. « On est dans un problème de qualité et de sécurité des soins versus proximité, synthétisait Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français, cité le 26 novembre par le quotidien 20 Minutes. Pour assurer une qualité dans une maternité, vous avez besoin de gynéco-obstétriciens H-24 et d'un pédiatre. Deux spécialités concernées par la crise de démographie médicale. »

D'autres mouvements sociaux luttant pour le maintien de services publics de proximité (de santé ou autres) existent, nombreux. Indépendamment des Gilets jaunes, ils sont autant d'exemples qui favorisent légitimement les frustrations, le sentiment d'être invisibles, mais aussi l'incompréhension de voir à la fois les taxes et les impôts s'alourdir, et les services publics se réduire plus ou moins progressivement.

À Paris, le 24 novembre dernier.

À Paris, le 24 novembre dernier.

De la nécessité d'entendre les frustrations, même les plus gênantes

Christophe Guilluy ne cesse de le répéter dans les grands canaux médiatiques ces dernières semaines : « Les classes populaires ont joué le rôle de la mondialisation. Elles y ont cru. » Nombreux ont été celles et ceux qui, jusqu'à gauche, ont considéré avec mépris les Gilets jaunes, en les associant notamment aux électeurs du Front national. Leurs revendications seraient d'essence poujadiste. Derrière les slogans boiteux ou démagogiques vus çà et là dans les mobilisations de Gilets jaunes, il faut prendre le temps de décrypter, si on ne veut pas réitérer l'erreur de ces dernières décennies, à savoir considérer avec condescendance les gens du périurbain et les prolos (pour faire court). À titre d'exemple, on a pu voir que l'une des colères exprimées parmi eux visait tout particulièrement l'URSSAF (Union des recouvrements des cotisations de sécurité sociale). La critique visant cet organisme illustre les difficultés supportées par les artisans, commerçants, toute la masse de petits patrons qui a du mal à sortir la tête de l'eau et cela vaut pour les entrepreneurs qui ne sont pas des Gilets jaunes. Leurs charges sont lourdes, alors qu'en proportion, les grandes entreprises en paient moins, soit parce qu'elles ont bénéficié d'avantages octroyés depuis des années par les gouvernement successifs, soit parce qu'elles pratiquent, à coup d'avocats financiers et d'experts-comptables, des stratégies d'évitement de l'impôt.

Tout comme pour la question de la taxation des carburants, les gens interrogent surtout l'usage qui est fait de nos impôts. « Qu'est-ce que vous faites du pognon ? » Ainsi une internaute, Jacline Mourand, interpellait-elle le gouvernement, en novembre dernier, en évoquant le montant des PV pris sur les automobilistes. Tout est là. À quoi servent nos impôts ? Le consentement à l'impôt n'est possible que si l'usage qui en est fait semble juste et avoir du sens au jour-le-jour. Aujourd'hui, on n'a ni le bon sens, ni la justice. Les gens, y compris les petits patrons de TPE et PME, sont attachés à la Sécurité sociale ; il faut donc plutôt réfléchir à ce qui les pousse à remettre en cause un des outils de son financement, plutôt que de les ostraciser pour procès en poujadisme.

De la même façon, on entend aussi des Gilets jaunes critiquer les fonctionnaires, les bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA), l'accueil des étrangers, les « assistés » en général. De tels propos – peut-être mal réfléchis ou mal exprimés  soulignent surtout la distance entre leur situation précaire et la sécurité relative de l’emploi dans la fonction publique, ou le filet que peut représenter une prestation sociale comme le RSA aide bien illusoire en fait, puisque même des SDF touchent le RSA, sans que cela ne leur permettre de sortir de la rue. L’économiste Netter le disait dans un article publié en octobre sur le site Atlantico.fr, la France « est coupée en trois : 1/ une France qui vit dans la mondialisation, qui accepte l'économie de marché et qui a confiance dans l'avenir. Toutes les enquêtes d'opinion se recoupent pour estimer que cela représente environ un tiers des Français. 2/ une France qui vit protégée par l'État à l'ombre de statuts particuliers, de subventions et d'allocations diverses. Ce qui représente à peu près 20 millions de Français. 3/ la France des exclus de tout qui compte désormais 25 millions de personnes est la honte du "modèle social que le monde nous envie" comme François Mitterrand et Jacques Chirac l'ont seriné pendant des années. » Il ne s’agit pas ici de dénoncer les « avantages » acquis de haute lutte ou légitimement par certains secteurs de la fonction publique (qui se classent d'ailleurs souvent, en dépit de la sécurité relative de l'emploi dont ils bénéficient, parmi les classes pauvres ou moyennes inférieures, du fait de la faiblesse des salaires qui y ont cours), et encore moins le principe de prestations sociales comme le RSA (qui servent de dernier filet de survie pour tant d’individus et de familles), mais de toute évidence, c’est la différence de protection acquise face à la mondialisation qui indigne beaucoup de gens parmi les Gilets jaunes. Derrière les colères mal exprimées, derrière les frustrations – peut-être aussi derrière les fantasmes, notamment s'agissant de l'accueil des étrangers, ou de l'ampleur des fraudes aux allocations , il est important aussi de décrypter ces choses-là.

L'idée largement véhiculée selon laquelle les Gilets jaunes se résumeraient à un groupement de beaufs violents et racistes, électeurs du Front national (comme si les électeurs du FN n'avaient pas, d'ailleurs, le droit aussi de se révolter contre leur déclassement et la baisse de leur pouvoir d'achat sous couvert d'une transition écologique qui n'en est pas une), est un chouia réductrice. N'en déplaise à beaucoup, ce sont d'abord des citoyennes et des citoyens soucieux (à juste titre) de régler leurs factures à la fin du mois et de gagner leur vie honnêtement et dignement. Dans les marches, s'entonnent des slogans anti-Macron, on chante La Marseillaise, on a des discussions sur la transition écologique et la politique gouvernementale, ou encore on discute du mouvement lui-même et on déplore son manque d'organisation... Beaucoup de signes de fraternité, de solidarité. D'amateurisme voire de désorganisation, certes, mais aussi de sincérité. Point d'appel à voter pour tel ou tel parti, point de propos racistes. Il y aura toujours des exceptions et des débordements par-ci par-là, qui donneront du grain à moudre aux médias et aux partisans du système. Mais ils constituent l'exception et non la règle.

Surtout, n'oublions pas que, si un blocage de route est une forme de violence, il en est de même pour la perte d'un emploi, la fermeture d'une classe d'école ou l'absence de services de santé de proximité. Celles-ci sont des violences d'autant plus fortes qu'elles s'inscrivent dans la durée, qu'elles deviennent la norme pour bon nombre de citoyennes et de citoyens, et que les médias n'en parlent jamais. Ce mouvement est d'abord celui de gens qui s'indignent et se battent pour vivre dignement, et pour un minimum d'équité, notamment face à la mondialisation et à la fragilisation économique et sociale qu'elle induit pour des millions de personnes dans notre pays.

Si l'on parle de transition écologique, il faut évidemment évoquer la question de la consommation de masse. Oui, incontestablement, des millions d'entre nous, Français, Européens, Occidentaux, avons adopté des modes de consommation qui, à tous égards, ne sont pas durables  nous en décryptions déjà les causes profondes dans cet article de juin 2017 : La société de consommation en Europe : chronique d'une construction socio-culturelle sans issue durable

Des habitudes de vie, y compris liées à l'usage de la voiture, doivent être entièrement revisitées. Mais révolutionner les mentalités et les pratiques pour amorcer une véritable transition écologique, ce n'est pas ce que fait actuellement le gouvernement. Celui-ci impulse ou cautionne des traités de libre-échange incompatibles avec l'idée (pourtant logique) d'une relocalisation de notre production et d'une réduction des trajets de marchandises, qui doit permettre l'élaboration d'un modèle à la fois durable et résilient. C'est cette même majorité présidentielle qui accorde ou augmente des exemptions de charges massives et des aides à un grand patronat qui n'a pas du tout engagé une refonte de ses paradigmes de production, de distribution ou de commercialisation.

Pour ne prendre que l'exemple du CICE (environ 20 milliards d'euros par an aux entreprises, soit 99,3 milliards d'euros depuis 2013), un récent rapport d'étape de France Stratégie (un organisme d'études et de prospective, d'évaluation des politiques publiques et de propositions, placé auprès du Premier ministre) sur ce mécanisme reste très prudent sur son impact sur l'économie française, donnant une fourchette entre 10 000 et 200 000 emplois : « On sait peu de choses sur la nature des emplois créés ou sauvegardés. [...] Les conséquences à moyen et long terme sur l'appareil productif sont largement inconnues. » Comme nous l'expliquait récemment l'élu communiste Fabien Gay à la tribune du Sénat, même en prenant la fourchette haute, à savoir 200 000 emplois créés, le compte n'y est pas vraiment sur les 99,3 milliards d'euros consentis, puisque cela représente 496 000 euros par emploi. Bien vrai que le CICE ne vise pas uniquement la création d'emploi, mais le même rapport ajoute : « Il y a une absence d'effet, ou un effet très limité ou même nul en matière d'exportations, d'investissements, de salaires, de taux de marge, de recherche-développement, voire de création d'emploi. » L'un des exemples les plus emblématiques étant celui de l'entreprise Carrefour, qui a accumulé près de deux milliards d'euros d'aides publiques en cinq ans, dont 744 millions au titre du CICE. Dans la même période, près de deux milliards ont été redistribués aux actionnaires, et le groupe engageait la suppression de 2 400 emplois au niveau du siège social et de 2 100 emplois dans les supermarchés DIA, qu'il a rachetés. Difficile pour bon nombre de Français d'entendre qu'il faut assainir les finances publiques, au prix de coupes budgétaires massives et de privatisations diverses, quand les deniers publics semblent à ce point captés par les grandes forces économiques. Sans parler des 100 milliards d'euros que représenteraient la fraude et l'évasion fiscale pour la France  chiffre tiré d'un rapport du syndicat Solidaire-Finances Publiques (soit 20 milliards de plus qu'en 2013, année du précédent rapport).

Aucun modèle ne peut s'avérer durable et être accepté par les citoyens s'il n'est pas perçu comme juste, comme équitable. Toujours sur France 2 le 22 novembre, Nicolas Hulot allait d'ailleurs dans ce sens : « Dans la colère, il y a parfois du bon sens et de la rationalité. [Les Gilets jaunes] savent que le kérosène des avions n'est pas taxé, que le fioul lourd des cargos n'est pas taxé. [...] La fiscalité n'est pas équitable. Quand vous voyez l'impôt sur les bénéfices, les dividendes qui augmentent, que l'ensemble de la finance spéculative n'est pas soumise à la fiscalité... Je comprends que les classes modestes en aient ras-le-bol. »

Or, proposer un minimum de justice, ancrée dans le réel du quotidien et de la fameuse « fin de mois » des gens, le chef de l'État et ses acolytes en semblent bien incapables, en dépit des efforts de communication de l'exécutif. À Colombey-les-Deux-Églises, Emmanuel Macron, à une retraitée qui lui disait ne toucher que 500 euros de retraite, ne déclarait-il pas, sur un ton penaud : « Parce que vous n’avez pas cotisé toute votre vie » ? Outre la dimension purement comptable, froide et inhumaine d'une telle réponse, cette répartie nous renvoie à nouveau à l'idée de « faire société » développée par Christophe Guilluy : puis-je vivre avec autant d'argent, si confortablement, sans état d'âme, sachant que tant de mes propres concitoyens vivent avec si peu ? Ce manque d'empathie est symptomatique de la « sécession » des classes riches et moyennes supérieures vis-vis du reste de la société, et en cela, Macron est leur meilleur représentant. Le 22 novembre, au début du mouvement des Gilets jaunes, c'est Gérald Darmanin, encore lui, qui se lançait dans une comparaison douteuse qui en dit long sur le train de vie des gens qui nous gouvernent : « Nous devons tous intégrer et pas seulement expliquer, mais entendre et comprendre, ce que c'est de vivre avec 950 euros par mois quand les additions dans les restaurants parisiens tournent autour de 200 euros, lorsque vous invitez quelqu'un et que vous ne prenez pas de vin ». Autre monde, autres réalités.

À Paris, le 24 novembre dernier.

À Paris, le 24 novembre dernier.

La suite : pas de bonnes nouvelles en perspective

Le 27 novembre, le président de la République présentait devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE) une « stratégie » mêlant urgence et long terme pour parvenir à une transition écologique « acceptable ». Alors que la veille, il avait évoqué en Conseil des ministres un « changement de méthode », on peut dire qu'on n'a pas vraiment eu droit à un discours révolutionnant la politique et annonçant l'amorçage d'une réelle transition écologique. Parmi les mesures décrites, il a précisé que la fiscalité sur les carburants s'adapterait aux fluctuations mondiales des prix : « Il faut adapter la hausse de la taxe au marché du pétrole. Je souhaite dans les trois mois une méthode pour rendre plus intelligente cette taxe aujourd'hui un peu aveugle, et avoir tous les trimestres un rendez-vous qui atténue l'effet d'une envolée des cours mondiaux. » Rien de très concret pour l'instant, alors que les gens attendent surtout de pouvoir vivre dignement, tout de suite. Au moins le président a-t-il précisé, dans son propos : « Je ne confonds pas les casseurs avec nos concitoyens qui veulent faire passer un message. » Mais les protestataires en ressortent d'autant plus las des discours politiciens, de l'impuissance du politique, voire du manque de volonté du gouvernement.

En attendant, le « prix à la pompe » des carburants, qui a connu une hausse de 23% pour le gazole et de 15% pour l'essence entre octobre 2017 et octobre 2018, augmentera bien le 1er janvier 2019, comme prévu. Et la situation économique et sociale globale ne s'améliore pas. Le taux de chômage (catégorie A) reste supérieur à 9%, rien que dans l'Hexagone, avec des taux s'élevant entre 12 et 15% dans les départements les plus frappés : le Nord, les Pyrénées-Orientales, l'Hérault, le Gard, l'Aisne, l'Aube, l'Aude, le Vaucluse et la Seine-Saint-Denis. À la Réunion également, la situation sociale difficile explique que le mouvement des Gilets jaunes ait connu un certain succès depuis deux semaines.

Objectif politique affiché du député La France Insoumise (LFI) François Ruffin, la jonction des électorats populaires, celui des milieux urbains et celui du périurbain et du rural, pour faire court, ne semble pas être pour tout de suite. Pourtant, l'élu de la Somme est l'une des rares figures politiques qui semble populaire à la fois dans l'un et dans l'autre (même s'il est peut-être moins connu en banlieue). La posture d'autres comme Clémentine Autain, également LFI, qui ne souhaite pas accompagner le mouvement des Gilets jaunes au prétexte qu'ils seraient noyautés par des éléments du Front national, constitue une attitude de résignation, comme si ces citoyens-là étaient déjà « perdus ». Or, un mouvement comme La France Insoumise ne gagnera pas sans capter cet électorat-là, et la dernière campagne présidentielle, au cours de laquelle quatre grands blocs électoraux se sont clairement démarqués, l'a parfaitement illustré : ce n'est pas avec l'électorat macroniste, et encore moins avec celui filloniste, que LFI, ou un quelconque mouvement de gauche demain, peut espérer l'emporter. Autrement dit, la réserve électorale n'est pas là. Par leurs options économiques, sociales, culturelles, ces électorats-là, En Marche et Les Républicains (la jonction des libéraux de droite et de gauche, pour faire court), n'adhèrent plus aux valeurs de justice et d'égalité. Face au nouveau clivage nation versus mondialisation, protection versus libéralisation et libre-échange, peuple(s) versus « élites », la jonction des électorats populaires est à n'en pas douter la condition sine qua non pour un sursaut démocratique et social face aux abus qui s'accumulent dans le cadre de la mondialisation. Reste à savoir si cette « jonction des électorats populaires » se fera (si jamais elle se fait) par la droite ou par la gauche.

« La fraternité est un luxe », disait dimanche dernier, le 25 novembre, sur Canal +, le philosophe Abdennour Bidar. C'est pourtant un luxe bien délaissé par les ménages faisant partie des fameux 1% des Français les plus aisés. Le consentement à l'impôt et la solidarité nationale sont largement remis en cause aujourd'hui. Depuis de nombreuses années, les différentes fractures qui parcourent la France sont décryptées en long et en large, depuis le fossé entre centres urbains, d'une part, et banlieues/« minorités visibles » d'autre part, jusqu'à la dichotomie entre France des métropoles « gagnantes » dans la mondialisation et « France périphérique », en passant par l'abîme entre l'Hexagone et les territoires d'outre-mer. Après les « émeutes de banlieue » de 2005 et 2007, et, moins connue, l'affaire Adama Traoré en 2016 qui a révélé le malaise de nombreux jeunes face aux brutalités policières dans les quartiers dits prioritaires ; après les émeutes sociales en Guadeloupe et en Martinique, en 2009, et celles en Guyane en 2017 ; et après les manifestations contre la Loi Travail et le mouvement Nuit Debout à Paris, en 2016 ; le mouvement des Gilets jaunes n'est que l'énième expression de l'une des fractures lourdes qui fissurent le contrat social sur lequel notre modèle politique jette ses bases. L'heure du constat sur les fractures est passée, il est désormais temps d'y répondre. Au printemps 2016, en pleine contestation de la loi El-Khomri et des mobilisations de Nuit Debout, l'économiste Frédéric Lordon lui-même déclarait, comme annonciateur de révoltes futures : « On ne tient pas éternellement une société avec BFM, de la flicaille et du Lexomil ! »

À Paris, le 24 novembre dernier.

À Paris, le 24 novembre dernier.

Dans le texte suivant, extrait de l'interview « Dire ensemble la condition des classes populaires et des migrants », publié en novembre 2018 sur le site de la revue Ballast, Frédéric Lordon, économiste français, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et membre du collectif Les Économistes Atterrés, répond à une série de questions portant sur les réactions venues de la gauche suite à un article qu'il a publié le 17 octobre dernier sur les blogs du Monde diplomatique, titré : « Appel sans suite : migrants et salariés ». Dans ce précédent écrit, il dénonçait notamment une situation d'impuissance politique et de prolifération des tribunes et des appels creux, moralistes et finalement inutiles, précisant même : « Le drame migratoire est devenu une parfaite matière pour chaisières de l'humanisme sans suite. » Dans le passage qui suit, il revient sur la posture stérile voire contre-productive d'une gauche qui se veut créatrice d'opinion, mais qui est en fait de plus en plus déconnectée des classes populaires dont elle a abandonné la cause.

Oui, je persiste à parler de chaisières à propos de ces personnes qui n’ont pas d’autre horizon politique que la posture morale, et s’y entendent à prospérer sur les « causes », petits accumulateurs opportunistes de capital symbolique à pas cher, occupés surtout de leur image à leurs propres yeux ou à ceux de leurs micro-milieux, à l’intersection de la bourgeoisie culturelle et de la bourgeoisie socialiste en déshérence, prête à faire main basse sur tout pour faire oublier la liste interminable de ses démissions. [...]

[On observe comme] l’impossibilité, autour de la question des migrants, de quoi que ce soit qui ne soit pas de l’ordre de l’unanimité morale. En fait quelque chose comme un point de sacré, qui – une fois accordé aux urgences de vie et de mort ce qui doit évidemment l’être – exclut radicalement par ailleurs tout questionnement conflictuel. Mon hypothèse serait la suivante : le migrant, c’est la figure de l’altérité la plus lointaine, par conséquent, c’est un cas passionnel pur. Je veux dire : l’éloignement est tel qu’à part la compassion due à la victime absolue, aucun autre affect n’environne la figure du migrant. Après tout, il y a d’autres hécatombes silencieuses, mais aucune n’a ces propriétés. Par exemple on meurt d’accident au travail. On meurt du chômage – l'INSERM estime à plus de 10 000 la surmortalité consécutive au chômage. Là aussi il y a un grand cimetière invisible. Mais qui n’émeut personne pareillement. [...]

Peut-être, à part le fait qu’ils ne reçoivent aucune attention, parce que ces morts sont des cas passionnels plus mêlés. Pour les chaisières, je veux dire pour cette bourgeoisie pharisienne qui ne connaît que les causes humanitaires, celles qui permettent de ne jamais prendre le moindre parti politique (ou bien, pour sa partie la plus retorse, d’en prendre mais sans en avoir l’air), le moins qu’on puisse dire c’est que la figure du prolo n’est pas passionnellement pure : on en a croisé, on n’aime pas trop leurs manières, on les soupçonne de voter pour le FN, etc., beaucoup d’affects contraires qui viennent mitiger celui de la compassion. C’est pourquoi le cas des migrants permet de ne faire aucune autre politique que celle des causes prochaines (et encore) : celle qui, justement, incrimine les politiques migratoires, ses dispositifs ignobles, mais qui ne veut guère aller plus loin. Comme si le cas moral du tort fait aux migrants ne supportait pas qu’on le surcharge de quelque autre question. Car la compassion pure appelle l’unanimité pure. Or les « questions » divisent. [...]

L’injonction morale a été longtemps la seule manière envisagée par les classes bourgeoises éduquées de lutter contre le racisme. On en connaît les brillants résultats. [...] Si l’on veut que le ressentiment raciste n’envahisse pas (entre autres) les classes populaires, il va falloir leur servir autre chose que des sermons et du sourcil levé. Le racisme prend quand il rencontre les conditions qui lui permettent de prendre. [...] Oui, je maintiens que la « classe parlante », celle qui « tribune », qui appelle et pétitionne dans ses propres organes de presse, Libé, Le Monde, etc., a à sa manière accompagné le néolibéralisme en se désintéressant pendant des décennies de la classe ouvrière qui en prenait plein la gueule en première ligne dans l’indifférence générale. C’est un fait documentable : à quelles causes et à quelles classes ou à quelles catégories les appels ont-ils été majoritairement consacrés depuis 30 ans ? Si la chose peut sembler anecdotique et caricaturale, elle n’en livre pas moins une vérité plus large : pourquoi, à peu de choses près, n’a-t-on jamais vu de vedettes ou de personnalités des arts prendre des positions publiques pour d’autres causes que la paix, la guerre, la faim, la Terre, les maladies, bref pour des choses de préférence situées au loin, sans conséquence sur le front politique intérieur ? Les « vedettes », qui ont des intérêts de notoriété élargie à défendre, sont l’accomplissement et, partant, le révélateur de cette tendance à éviter tout ce qui clive, fait conflit, divise (donc pourrait amputer leur zone de chalutage), et ne trouvent jamais à cette fin meilleure arme que l’affect pur de la compassion, celui qui, précisément, opère la réduction morale de la politique, la dépolitisation entendue comme refus d’assumer l’essence conflictuelle de la politique. Or, malheur à elles, les classes populaires, la classe ouvrière, ne sont pas seulement exposées à la mitigation de leur cas passionnel, elles sont le lieu du conflit majuscule dans la société capitaliste : le conflit de classes. [...]

Dire quelque chose « pour » les classes ouvrières et populaires sans prendre parti, sans se situer dans le conflit, c’est par construction impossible – beaucoup ont prudemment jugé que, dans ces conditions, mieux valait s’abstenir. Le néolibéralisme étant désormais entré dans une phase répugnante, les tendances changent : le monde de la culture a enregistré le choc de la crise de 2008 et de ses suites, il n’hésite plus à parler ouvertement de politique. Que certains de ses représentants se soient retrouvés à soutenir des textes contre la loi El Khomri, la destruction du code du travail, les ordonnances SNCF, c’est un heureux changement, mais un changement récent. Assez paradoxalement, on peut penser que si elles ne sont guère lectrices de ces tribunes et appels, les classes délaissées n’en ont pas moins conscience… d’être délaissées [...] de l’attention pétitionnaire. D’être délaissées symboliquement en plus de l’être matériellement. Elles ont conscience que le capital symbolique des « intellectuels » s’est engagé partout sauf de leur côté pendant des décennies. [...]

Il suffit de voir certains produits du sens commun de la gauche critique pour le mesurer : il y a peu je suis tombé sur Internet sur un graffiti qui disait ceci : « Donnez-nous la PMA, on vous laisse le PMU ». Le bourgeois urbain en moi s’est aussitôt réjoui de la géniale trouvaille. Et puis, me reprenant, j’ai vu le désastre. [...] J'ai des raisons personnelles, si elles ne sont qu’indirectes, d’être un ardent partisan de la PMA. Mais ce slogan, c’est la catastrophe du délaissement. Voilà le paysage mental résistant sur fond duquel s’élabore encore le rapport entre les « causes ». [...] C’est la mondialisation néolibérale et sa franchise européenne qui permettent de dire ensemble et la condition malheureuse des classes populaires, et la surexploitation honteuse dont sont victimes les migrants ou les sans-papiers, et que les seconds ne sont pas la cause du malheur des premiers.

Frédéric Lordon, « Dire ensemble la condition des classes populaires et des migrants » 1/3. Revue Ballast, novembre 2018.

Tag(s) : #Politique
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