Par David Brites.
Le 23 mai 2021, une pétition était lancée sur Internet par le collectif « Porte mon nom » pour demander que le nom de chacun des deux parents soit transmis de façon automatique à la naissance d'un enfant. Dans la foulée, le collectif a rédigé un décret qui a été défendu par le député LREM de l'Hérault, Patrick Vignal, auprès du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Décret qui instaurerait une automatisation du double-nom à la naissance, la possibilité d'ajouter son nom de filiation à celui du premier parent sans condition, en cas de séparation, et la possibilité pour l'enfant, à 18 ans, de choisir un nom ou les deux. La proposition resta, sans que l'on s'en étonne outre mesure, sans réponse positive du ministère de la Justice.
Rappelons que la transmission des deux noms aux nouveau-nés est possible depuis un peu plus d'une quinzaine d'années. Auparavant, et durant plus de deux siècles, sur la base de la loi du 6 fructidor An II (23 août 1794), le nom de famille transmis aux enfants était systématiquement celui du père, dès lors que celui-ci était reconnu en même temps que la mère. Au mieux était-il permis, « à titre d'usage », d'ajouter le nom du second parent. Depuis la loi promulguée le 18 juin 2003, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, un nouveau-né acquiert le nom du père, ou celui de la mère, voire les deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux (par ordre alphabétique s'il y a désaccord), dans la limite d'un nom de famille chacun. Et s'il y a absence de déclaration à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend, si la filiation du père et celle de la mère ont toutes deux été reconnues, obligatoirement celui du père.
Toutefois, un simple coup d'œil autour de soi suffit à constater que les Françaises et les Français, mariés ou pas, continuent dans leur grande majorité à privilégier le (seul) nom du père. Parce que la transmission du nom tient plus à cœur au futur papa, parce qu'avec deux noms « c'est compliqué », parce qu'on ne veut pas commencer l'aventure de la parentalité avec une prise de tête avec le futur papa... Tout est bon pour justifier la perpétuation de cette norme patriarcale et patrilinéaire. Dans plus de 80% des cas, c'est toujours le nom du père qui est porté par l'enfant. Selon des statistiques de l'Insee, 81,4% des enfants nés en 2019 portent uniquement le nom du père, pour 6,6% celui de la seule mère, et 11,7% le double nom (celui du père en premier pour 9,1% des cas, l'inverse dans 2,6% des cas). D'une certaine manière, ce sujet recoupe celui de l'adoption du nom de l'époux par les femmes qui se marient, dans le cadre d'une majorité de mariages hétérosexuels. Ce n'est rien, dira-t-on, la question du nom de famille n'est que symbolique, et il est d'autres priorités dans le combat pour l'égalité des genres. Mais précisément, si elle n'est que symbolique (en admettant qu'elle ne soit que cela), interrogeons-nous : de quoi cette question du patronyme (et du matronyme) est-elle le symbole ?
Il faut bien mesurer le symbole que représente la loi de 2003, qui met fin, du moins formellement, à la prédominance masculine sur la transmission du nom. Lorsqu'elle fut députée, de 1981 à 1984, « apparentée » socialiste, la féministe Gisèle Halimi avait déjà proposé, pour les femmes, de transmettre leur nom – en vain. La loi de 2003 est une étape de plus dans la déconstruction de la domination de l'homme adulte dans la famille, un héritage pesant qui a été largement renforcé par le droit français lors de la Révolution puis par le Code civil établi par Napoléon Bonaparte. Pour rappel, le code Napoléon établissait la « puissance maritale », c'est-à-dire l'autorité du mari sur son épouse, et l'incapacité juridique de la femme mariée, deux principes qui ont été formellement abolis par la loi française du 18 février 1938. L'idée désormais caduque était que le chef de famille est naturellement l'homme, le mari, le père. Autre étape importante, la loi du 4 juin 1970 a quant à elle substitué dans le code civil les règles relatives à l'« autorité parentale » à celles de la « puissance paternelle », transférant ainsi l'autorité sur les enfants aux deux parents, et non seulement au père. Cette dernière loi était adoptée dans une période de conquête de nombreux droits pour les femmes : indépendance professionnelle des femmes en 1965, accès libre à la contraception en 1967, légalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1975...
En dépit de ces nombreux et incontestables progrès, en termes de droits comme sur le plan des mœurs, les inégalités persistent et sont d'autant plus dures à combattre qu'elles s'avèrent de plus en plus complexes à identifier, liées à l'éducation et aux codes culturels, aux stéréotypes et aux identités de genre. Des thèmes comme la (dé)masculinisation de la langue française, la charge mentale et la répartition des tâches domestiques, ou encore le diktat sur la mode et la beauté, ne font pas toujours l'unanimité, même dans les milieux féministes. Y compris chez des femmes qui se diront clairement favorables à l'égalité avec les hommes, on note une réticence sur certains de ces sujets. D'aucunes balaieront de la main l'usage de l'écriture inclusive (ne serait-ce qu'une demande aussi basique que la féminisation des noms de métiers), d'autres ne parviendront pas à déconstruire l'idée qu'une vraie femme est forcément épilée, d'autres encore cautionneront les comportements sexistes de leur conjoint, etc. Parmi ces (plus ou moins petites) contradictions, qui n'ont rien de bien surprenant (les tenants des mouvements antiracistes ou écologistes, par exemple, ont eux aussi leurs contradictions, et cela n'enlève rien à la pertinence de leur combat), on peut noter la persistance de la transmission du (seul) nom du père aux enfants, chez une majorité de couples mariés comme non mariés. La question peut sembler anodine, mais elle est en fait extrêmement révélatrice de la place que l'on consacre aux femmes et aux hommes dans notre société, et en particulier dans la famille, c'est-à-dire dans le premier cercle de socialisation des individus.
La transmission du seul nom du père, symbole de l'invisibilisation des femmes
Quand un enfant, garçon ou fille, naît, le principe de ne lui transmettre que le nom du père indique que les enfants intègre la famille du papa, et que c'est bien dans la continuité de sa généalogie, et non dans celle de la maman, qu'ils s'inscrivent. C'est dans la même logique que, dans le cadre du mariage, l'épouse adopte le nom de son mari. Il y a derrière cette démarche une logique d'effacement. Effacement symbolique bien entendu, mais qui fait écho à l'éducation inculquée aux femmes depuis leur plus tendre enfance, selon laquelle elle doivent se consacrer entièrement à leur famille, entretenir le foyer et assurer le bien-être et la bonne entente de tous ses membres, au prix de leur propre personne, de leurs goûts, de leurs espoirs, de leurs attentes, de leurs envies (professionnelles ou personnelles). La mère et épouse est celle qui ne dit jamais « non », qui œuvre à lisser les relations, et réduire les tensions... Elle est la « fée du logis ». Ce sens du sacrifice, du devoir et de l'empathie est profondément ancrée dans l'identité féminine. Dans l'imaginaire collectif, le pater est le vrai représentant, le chef de la famille, et c'est donc son nom qui doit être mis en avant. La femme, elle, « intègre » lors du mariage la famille du mari, elle est en quelque sorte adoptée, quittant l'arbre généalogique originel pour rejoindre celui du mari et père – même si elle n'est jamais qu'une pièce rapportée...
Le principe même du changement de nom chez la femme devenue épouse est symboliquement très violent, puisque non contente de s'« effacer », elle substitue l'identité de son mari à la sienne. Elle n'est plus « Madame Machin », elle est devenue « Madame Bidule ». Et beaucoup acceptent ce changement de nom avec enthousiasme, encore aujourd'hui, percevant là un choix romantique, avec l'idée sous-jacente – bien intégrée depuis l'enfance – que l'on a, avec le mariage, enfin trouver son prince charmant, et qu'adopter l'identité de « son homme » consacre réellement l'amour qui nous lie à lui. Évidemment, on ne se demandera pas pourquoi l'homme, lui, est si peu soucieux d'adopter le nom de famille de son épouse... L'amour fusionnelle, oui, mais pas aux dépens de soi-même ! Citée par l'historien nord-américain Howard Zinn dans Une histoire populaire des États-Unis (1980), la loi anglaise du XVIIème siècle en la matière, résumée dans un ouvrage de 1632 (Décrets législatifs sur les droits des femmes), sans pourtant traiter la seule question du patronyme, donne le ton et résume bien cette logique du mariage dans nos sociétés patriarcales : « Dans cette union que nous appelons les liens du mariage, il est question du lien entre les deux individus. Il est vrai que le mari et la femme sont une seule et même personne. Mais il faut bien comprendre en quel sens. Lorsqu'un ruisseau ou une rivière rejoignent le Rhône, la Tamise ou l'estuaire du Humber, le mince filet d'eau perd son nom. [...] Aussitôt qu'une femme est mariée on dit qu'elle est covert, [...] c'est-à-dire comme "voilée". En quelque sorte elle est en retrait, dominée ; elle a perdu son courant propre. Je pourrais, pour mieux me faire comprendre, déclarer à la femme que son nouveau "soi" est son supérieur, son compagnon, son maître. »
Cette invisibilisation des femmes se retrouve ainsi à toutes les étapes de sa vie, et en cela, elle n'est pas que symbolique. La femme s'effacera professionnellement, pour permettre à son conjoint de se consacrer à sa carrière, ou pour s'occuper de ses enfants. On s'effacera dans les temps libres et de loisirs, parce que la charge mentale relative à l'organisation des vacances ou des activités du couple ou des enfants incombera presque intégralement aux femmes. On s'effacera en soirée, quand on s'occupera des aspects domestiques de l'accueil des invités, pendant que le mari restera à table pour tenir la conversation, jouer le rôle de « porte-parole » du foyer, monopoliser la parole – une réalité finement mise en scène dans La vie domestique, film d'Isabelle Czaika sorti en 2013. Une multitude de choses alimentent cet effacement, inculquées depuis le bas-âge. Les contes pour enfant mettent ainsi souvent en scène des femmes passives qui attendent leur prince charmant. Derrière, on nourrit l'idée que les femmes ne peuvent être heureuses et épanouies qu'en couple ; les hommes, eux, ont entretemps vécu des aventures sans pour autant s'être préoccuper de savoir s'ils terminaient l'histoire célibataires ou non. Le célibat chez les femmes est une source de mépris et de moquerie depuis longtemps, le stéréotype de la mégère, de la vieille fille, de la sorcière, étant profondément ancré dans l'imaginaire collectif – une réalité culturelle analysée dans l'excellent Sorcières : la puissance invaincue des femmes (2018), de Mona Chollet.
Les jeux dédiés aux petites filles visent le plus souvent à en faire soit des objets passifs, à auto-entretenir, à embellir, soit à s'occuper des autres (des dînettes pour « accueillir » les invités, des petites poucettes et des poupées de bébé pour simuler la maternité, etc.). Ceux des petits garçons, au contraire, en font des êtres actifs, les initient à des constructions, les invitent à s'extérioriser, à vivre des aventures extra-domestiques ou à en inventer. L'agencement des cours de récréation, qui marginalise les filles et met le terrain de football monopolisé par les garçons au centre, est l'un des symboles les plus frappants de cet effacement de l'espace public des petites filles, intégré depuis le plus jeune âge (Les petites filles doivent-elles devenir des princesses, et les petits garçons des chevaliers ?). Le rapport de force est plus subtil encore, car ce qui s'observe le plus souvent dans les cours de récréation, c'est que ce sont les garçons les plus « viriles », les plus « forts », les plus « populaires », les plus « agressifs », qui occuperont le terrain central, et décideront de quels garçons sont assez « hommes » pour les y rejoindre. (La déconstruction des identités masculines et féminines ne vise donc pas seulement à rendre justice aux seules femmes, mais aussi à s'attaquer aux impacts sur les hommes eux-mêmes de ce que l'on qualifie parfois de « masculinité toxique ».)
Le fait même que les enfants ne portent que le nom du papa n'est jamais que la dernière pierre de ce large édifice patriarcal qui consacre l'invisibilisation des femmes, « naturellement » effacées dans leur rôle de mère et d'épouse. En cela, notre société perpétue (plus ou moins) inconsciemment l'idée selon laquelle hommes et femmes sont complémentaires, les hommes jouant le rôle de représentant de la maison, source des revenus et « lien » avec l'extérieur, alors que les femmes maternent les enfants et s'occupent, invisibles du monde extérieur, du foyer et des tâches domestiques (Les hommes et les femmes sont-ils complémentaires ?). Cette conception est ancienne et bien ancrée, comme nous le rappellent ces commandements de Rousseau à Sophie, dans Émile ou De l'éducation, traité d'éducation de 1762 sur « l'art de former les hommes » : « La dignité d'une femme est de rester inconnue », car « elle doit se borner au gouvernement domestique ». Le ton est donné. Comme l'écrivait dans Femmes, race et classe (1981), l'essayiste et militante des droits humains nord-américaine Angela Davis : « Le travail ménager est pratiquement invisible. [...] Invisible, répétitif, épuisant, improductif, ingrat : le travail domestique ne trouve pas de meilleurs mots pour se décrire. » Les enfants grandissent dans ce contexte, constatent la répartition de facto des rôles entre papa et maman. Le fait même qu'ils ne portent que le nom de leur père leur laisse entendre, sans le dire explicitement, que c'est à la famille de leur père qu'ils doivent se rattacher symboliquement, et que c'est dans l'arbre généalogique de leur père qu'ils s'inscrivent « naturellement ». Bien que devenue caduque sur le plan du droit, cette norme est encore largement perpétuée, comme un reliquat d'un système de filiation patrilinéaire ancien, c'est-à-dire dans lequel chacune (du moins jusqu'au mariage), et surtout chacun, relève du lignage de son père. Le principe de patrilinéarité signifiait traditionnellement que la transmission, par héritage, de la propriété, des noms de famille et des titres passait par le lignage masculin. Un clan patrilinéaire est un groupe de personnes qui se reconnaissent un ancêtre commun en remontant à travers une lignée d'ancêtres masculins, et c'est bien à cet héritage anthropologique que l'on est confronté, avec la permanence de la pratique de transmission du patronyme.
L'attachement à la transmission du nom (en général, qu'il s'agisse de celui du papa ou de la maman) est en soi une posture conservatrice – ce qui n'est pas forcément mauvais en soi, chacun se fera son opinion. Il induit une dévotion pour le passé, pour l'idée de « lignée », pour les racines de l'arbre généalogique ; il induit un conditionnement des individus par leur héritage génétique, comme si nous étions totalement tributaires de notre ascendance pour définir notre identité. En cela, il est assez logique d'observer que les forces politiques et sociales qui se sont montrées les plus hostiles au droit à l'adoption pour les couples de même sexe, il y a dix ans – la loi établissant le « mariage pour tous » était promulguée le 17 mai 2013 –, puis à la PMA et à la GPA, sont justement celles les plus traditionnellement hostiles à la remise en cause du patriarcat et à l'égalité des genres. En effet, elles considèrent que les liens biologiques priment sur toute autre considération ou formes alternatives de famille, et que la figure du père tout-puissant est garante de cette stabilité anthropologique, entre autres par la force du trait patrilinéaire de notre société. Dans un pays où, quasi-exception en Europe, on est allé jusqu'à interdire aux femmes de devenir reine pendant des siècles (loi salique), ce principe de patrilinéarité reste bien ancré dans les mentalités. Et certes, on peut accepter l'idée toute simple selon laquelle, pour construire son identité, on doit connaître son passé, et qu'en cela, avoir connaissance de sa généalogie peut aider ; mais pourquoi les hommes auraient-ils a priori plus droit que les femmes à connecter leurs enfants à leur propre arbre généalogie, par la force de la transmission de leur nom ?
L'invisibilisation des femmes, « baromètre » depuis toujours de leur place dans la société
Quand des femmes se réclamant plus ou moins explicitement du féminisme doivent s'expliquer sur le pourquoi de leur acceptation du principe de transmission du seul nom de leur conjoint à leurs enfants, trois ou quatre raisons reviennent le plus souvent : « c'était plus simple, deux noms c'était trop compliqué », « en plus mon nom est trop dur à dire, ça sonnait mal », « on voulait en transmettre un seul, et ça tenait vraiment très à cœur au futur papa ». Étrangement, du côté de l'homme, on ne s'inquiète jamais de la sonorité dérangeante de son nom de famille, ou du fait qu'« avec deux noms, c'est compliqué », et on se préoccupe encore moins de savoir si la future maman n'avait pas à cœur, elle aussi, de transmettre son nom de famille – sans même parler du cas où les femmes ont d'ores et déjà pris le nom de leur époux, s'il y a eu mariage préalable. Surtout, personne ne semble s'interroger pour savoir pourquoi il semble plus important, pour les hommes, de transmettre cette marque de leur identité, de leur ascendance. À moins de prétendre que des motivations biologiques sont ici à l'œuvre, il faut bien constater que si les femmes s'obstinent moins à transmettre leur nom à leurs enfants, c'est bien parce que, depuis l'enfance, on laisse entendre aux filles qu'elles ont vocation à s'effacer naturellement, à se « fondre » dans leur futur famille, voire à s'identifier à elle (et seulement à elle), après avoir désespérément attendu le prince charmant ; et aux petits garçons, on leur a fait comprendre qu'ils sont les vrais composantes actives de la société, dépositaires de l'universalité. Or, si l'identité masculine est l'universalité, pourquoi s'embêter à faire apparaître les marques identitaires féminines ? Les femmes se reconnaîtront bien dans le nom de leur mari !
Le phénomène d'invisibilisation n'est absolument pas anodin. Il traduit très clairement un abaissement global du statut des femmes dans la société. C'est évident si l'on porte un regard attentif sur la production culturelle et artistique aux XVIIIème, XIXème et XXème siècles. Parfaite illustration de ce phénomène : au milieu du XXème siècle, l'Europe voit émerger un genre littéraire et artistique nouveau, la bande dessinée, qui s'est longtemps caractérisée par une absence quasi totale des femmes dans les récits. Dans Les aventures de Tintin, dans Lucky Luke, dans Astérix et Obélix, presque aucune femme (à de rares exceptions près). Et celles qu'on y voit y apparaissent le plus souvent soit hystériques, soit comme des figures de séduction (à l'image de Falbala, la jolie blonde du village gaulois). Dans Blake et Mortimer, les femmes sont totalement absentes des premiers tomes, non seulement comme personnages centraux, mais même leur simple silhouette a disparu au fil des cases de la BD. Comme l'écrivait le militant féministe et journaliste nord-américain John Stoltenberg dans sa participation à une collection d'articles intitulée For Men Against Sexism (1977) : « En régime patriarcal, les hommes sont les juges de l'identité pour les hommes comme pour les femmes, parce que la norme culturelle de l'identité humaine est, par définition, l'identité masculine – la masculinité. Et en régime patriarcal, la norme culturelle de l'identité masculine rime avec pouvoir, prestige, privilège, et des droits sur et contre la classe des femmes. Voilà ce qu'est la masculinité. Ça n'est rien d'autre. » Autrement dit, dans les sociétés occidentales, les hommes (de surcroît les hommes blancs, adultes, valides) incarnent, nous l'avons dit, la figure de l'universel. Et à ses débuts, le monde de la bande dessinée – tout comme celui des premiers dessins animés d'ailleurs – s'est parfaitement fait l'écho de cette vision des choses. Le summum a sans doute été atteint avec Les Schtroumpfs, ces petits être bleus, une centaine, uniquement des mâles, qui voient un jour arriver dans leur village la Schtroumpfette. Celle-ci, notons-le au passage, est originellement l'œuvre du méchant Gargamel, dont le but est d'attirer et de capturer les Schtroumpfs (petit clin d'œil à Ève qui symbolise la tentation qui conduit au Mal), mais surtout, elle se transforme, après une petite chirurgie esthétique réalisée par le Grand Schtroumpf, en bimbo blonde que tous les Schtroumpfs cherchent à courtiser...
L'idée n'est pas de brocarder toutes ces œuvres ou d'en dénoncer la lecture. Mais tout comme pour les films Disney de cette époque-là, leur éventuelle consommation doit se faire avec un regard critique, car elles sont le fruit de leur époque, de leurs stéréotypes, de leurs préjugés. Les parents et les enseignants ont un rôle à jouer sur les choix des ouvrages ou films qu'ils proposent aux enfants, et doivent les aider à en décrypter le contenu. Car les livres, les BD, les films, les séries, jouent évidemment un rôle éducatif, et il faut donc les aborder avec le recul qui manque souvent aux plus petits. Tout en s'attaquant à l'offre encore insuffisamment variée (même si des progrès incroyables ont été réalisés ces dernières années), qui révèle trop souvent une vision déterministe de l'homme et de la femme. Car un lien de corrélation existe, évidemment, entre l'univers des petites filles (et celui des petits garçons), et les métiers exercés, plus tard, par les femmes (et ceux exercés par les hommes), ainsi qu'entre leur éducation, leurs références dans l'enfance, et la place qu'elles (et ils) occuperont par la suite dans le couple et dans la famille. Avec l'active participation des industries de la mode et de la beauté, on inculque très tôt, et tout au long de la vie, des critères normatifs déterminant ce qu'est une « vraie » femme (et par contrecoup, ce qu'est un « vrai » homme), sur la base de constructions permettant le contrôle social des individus et la perpétuation des inégalités et des rapports de domination (Genre, mode et beauté : peut-on sortir de l'aliénation ?).
À bien des égards, la masse des BD produites au milieu du XXème siècle est illustrative d'un état d'esprit de l'époque. Malgré les acquis incontestables de la cause féministe depuis, c'est bien avec l'héritage de cet imaginaire profondément misogyne – ce qui ne signifie pas forcément malveillant, là est la difficulté – que les femmes (et les hommes) doivent aujourd'hui composer. Quand elles sont représentées, les femmes sont là soit comme éléments perturbateurs, hystériques, farouches, mauvaises (les premiers dessins animés Disney regorgent de personnages de ce type) ; soit pour plaire, pour séduire, pour être dans le paraître et l'attirance, et pour soutenir les hommes dans leurs aventures, dans leur travail, dans leur œuvre, dans leurs projets. Peut-être plus inquiétant encore, le même phénomène caractérise – même si là encore, on peut noter des progrès – l'enseignement de l'Histoire et de la littérature à l'école, puisque celui-ci est fortement phallocentré. La place des femmes dans les dynamiques historiques et les recommandations de lecture, de même que celle des peuples racisées ex-colonisés, et plus généralement des catégories populaires exclues des cercles de pouvoir, a de quoi poser question. Là aussi, elle a évidemment des conséquences dans la construction de nos représentations collectives, de nos imaginaires. La cinéaste et actrice Agnès Jaoui exprimait cela en des mots à la fois simples et percutants, dans un texte qu'elle lut à l'occasion des Assises pour l'égalité, la parité et la diversité dans le cinéma et l'audiovisuel, le 25 novembre 2020 : « Je crois à l'influence immense des images, et d'autant plus quand nous n'en avons pas forcément conscience. Je crois qu'une série télé avec un président noir peut aider à élire Barack Obama. Je crois que des représentations répétées de femmes filiformes, jeunes, blanches et soumises, n'aident pas à l'épanouissement des femmes, ni des hommes. Enfin, je me permettrais de m'inspirer de Camus – qui disait que "mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" –, en disant que ne pas mettre en image nos diversités, c'est ajouter au malheur du monde. »
Extrait du tome 3 de la série Les Schtroumpfs, publié en 1967. Dans cette case, on peut voir la première apparition de la Schtroumpfette après que le Grand Schtroumpf l'ait « retouchée », supposément par une chirurgie esthétique.
De la nécessité de déconstruire les certitudes autour du binôme papa-maman
Dans le même texte de 1977 déjà mentionné, le journaliste nord-américain John Stoltenberg poursuivait ainsi son analyse de la domination masculine (pseudo-universelle) : « Des tentatives de défense de cette norme de la masculinité ont dit qu'elle trouvait un fondement naturel dans la biologie sexuelle de l'homme. Il a été dit par exemple que le pouvoir de l'homme dans la culture est une expression naturelle d'une tendance biologique des humains mâles à l'agression sexuelle. Mais je suis convaincu du contraire. Je crois que le fonctionnement génital masculin est une expression du pouvoir masculin dans la culture. Je pense que l'agressivité sexuelle des hommes est un comportement totalement acquis, enseigné dans une culture complètement contrôlée par les hommes. Je pense [...] qu'il y a un processus social par lequel le patriarcat confère pouvoir, prestige, privilège et droits aux personnes qui sont nées avec une bite, et qu'il existe un programme sexuel promu par le patriarcat (pas par Mère Nature) stipulant comment ces bites sont censées fonctionner. » Effectivement, rien de naturel dans tout cela. Rappelons que chez les singes, mammifères génétiquement les plus proches de l'humain, des comportements divers sont constatés en termes de dynamiques de groupe, de rapports amoureux ou sexuels, mais aussi de filiation. Si les soins paternels sont relativement absents chez les chimpanzés, les gorilles ou les orangs-outans, ils sont bien représentés chez plusieurs espèces de primates, à l'instar des ouistitis et des tamarins. L'importance des soins paternels est tout particulièrement marquée chez une espèce de singe hibou, le douroucouli d'Azara, dont les jeunes ne sont en contact étroit avec leur mère que durant la première semaine de leur vie, avant de rejoindre les bras de leur père – qu'ils ne quittent ensuite qu'épisodiquement, pour le moment de l'allaitement. En outre, il a déjà été observé des chimpanzés mâles adopter des petits orphelins de leur espèce, et s'en occuper, transportant l'enfant sur son dos, lui procurant de la nourriture, etc. Notons également que chez les bonobos, ou chimpanzé pygmée, la société s'organise en système matriarcal : les femelles s'occupent de la chasse et président au partage des ressources. Chez les humains, la diversité des modèles anthropologiques observée à travers le globe devrait suffire à nous convaincre que ces histoires de masculinité et de féminité sont avant tout construites – et réjouissons-nous en, puisque cela signifie qu'il y a matière à déconstruire quand la rigidité de ces concepts alimente des injustices et du malheur.
Les conditionnements que nous connaissons depuis notre enfance, et dont l'acceptation (teintée d'indifférence) de la transmission du seul patronyme aux enfants n'est qu'une des nombreuses expressions, ont cela de dramatique qu'ils enferment les individus dans des cases, dans un combo de stéréotypes carabinés, et que la liberté d'en sortir induit de se confronter à bien des inconvénients – un homme qui voudrait se maquiller, ou une femme qui cesserait de s'épiler, le remarqueraient rapidement, tout comme de nombreux enfants le remarquent déjà, subissant les moqueries voire du harcèlement dès lors qu'ils ne répondent pas aux normes exigées d'eux dans les cours de récréation... Rappelons-le, le carcan qu'imposent les identités de genre, figées et construites, est battu en brèche pour une raison simple : il se révèle bien souvent une entrave non-négligeable au bonheur des gens, femmes comme hommes, adultes comme enfants, hétérosexuels comme homosexuels. Les enjeux autour de la parentalité sont assez emblématiques de cela, d'autant qu'en France, on est assez en retard sur le sujet, y compris sur le plan des droits.
Le différentiel entre congés pater et maternité est plus que parlant en la matière. Pour les femmes, il s'élève au total à 16 semaines, réparties en 6 semaines de congé prénatal et 10 semaines de congé post-natal ; certaines mères qui allaitent parviennent à obtenir de leur gynécologue un arrêt d'un mois supplémentaire, mais au titre d'arrêt maladie, non du congé maternité... Pour les hommes, instauré en janvier 2002, le congé paternité est de trois jours ouvrables de congé « de naissance » (à la charge de l'employeur), auxquels s'ajoutent vingt-cinq jours consécutifs (week-ends compris...), dont sept obligatoires, financés par la branche famille de la Sécurité sociale – c'était onze jours avant juillet 2021. Les situations sont très disparates sur le continent européen ; parmi les bons élèves, l'Espagne propose au papa 12 semaines de congé paternité, la Norvège quinze à dix-neuf semaines, et la Finlande sept mois. Si la France pêche, par comparaison avec ses voisins, surtout sur le congé maternité – le Portugal par exemple, propose 17 à 25 semaines pour les mères, le Royaume-Uni et le Danemark 52 semaines, la Suède 75 semaines –, c'est sur le différentiel hommes-femmes que nous souhaitons insister ici.
Quel que soit le temps pour la maman (et de toute évidence, il est ridiculement faible en France, surtout pour une maman qui allaiterait), le simple fait que papa et maman n'aient pas le même temps à disposition dit tout du regard que nous portons sur leur rôle respectif dans l'éducation de l'enfant, y compris en bas-âge. Un petit mois seulement octroyé à l'homme, c'est lui dire quel est son rôle de papa : accueillir la mère et son enfant au retour de la maternité, appuyer sur les aspects matériels, se faire à peine connaître de son enfant, et ensuite hop hop hop, retour au travail ! Pourtant, un rapport d'une commission d'experts dirigée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik sur les « 1 000 premiers jours » de l'enfant, remis le 8 septembre 2020, recommandait d'allonger le congé du père (ou du second parent, pour les couples de même sexe) à neuf semaines fractionnables, partageables entre les parents, et rémunéré à 75% du salaire, au nom des « effets positifs sur le développement de l'enfant ». Bien entendu, tous les papas ne s'investiraient pas de façon égale pour s'occuper du bébé, ou pour prendre leur part des tâches domestiques – on le voit bien à travers le faible taux de congés parentaux pris par les hommes (4% du total en 2018). Mais actuellement, c'est institutionnellement, par la loi, que notre société envoie un message terrible, dictant les rôles des uns et des autres à travers cette inégalité des congés pater et maternité. Pour qui voudrait déroger à ce diktat, ce n'est donc tout bonnement pas possible. Pourtant, allonger le congé paternité, voire établir le même temps pour les papas et les mamans, permettrait évidemment d'offrir un rôle aux pères et de bousculer les stéréotypes. Car les enfants sont façonnés par le milieu dans lequel ils grandissent. Pour changer l'idée que l'on se fait de la masculinité et construire une relation harmonieuse avec ses deux parents, il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle. De la part de la mère comme du père. En outre, un travail mériterait également d'être mené sur la nature des congés parentaux, notamment car ils sont très mal indemnisés. Le contact avec le bébé, avec le travail du soin, l'empathie à son égard, son écoute, les échanges avec la ou le pédiatre, tout cela peut participer à changer le regard du père sur son enfant et sur lui-même.
Sur toutes ces questions, des progrès considérables ont déjà lieu (De Mai 68 au soixante-neuf : quand hommes et femmes changent de position). Mais les stéréotypes ont la vie dure, et le travail mené par les milieux féministes pour la déconstruction du langage n'est à cet égard pas anodin. Pourquoi parler, par exemple, d'« école maternelle » (dans d'autres langues, on privilégiera « petite école », « première école » ou « pré-primaire »), ou encore d'« assistante maternelle » ? N'assiste-t-elle que la maman ? S'occuper d'un très jeune enfant, ou d'un nourrisson, est-ce forcément « materner » ? Pour rappel, en février 2013, Sandrine Mazetier, alors élue de Paris à l'Assemblée nationale, brocardait le terme d'école maternelle, expliquant que ce renvoi à la seule image de la mère, non seulement ne rendait pas justice au rôle joué par les enseignants (« C'est une école, pas un lieu de soin, de maternage, c'est un lieu d'apprentissage, déclarait-elle à l'époque. Ça rendrait justice au travail qui y est fait, au professionnalisme de ceux qui y interviennent... »), mais de surcroît perpétuait des stéréotypes sexistes, « la responsabilité de l'éducation des enfants [étant désormais] partagée entre les parents et [n'étant] pas la spécificité des femmes ».
Le nombre de réactions, et leur dimension passionnée, constatées dès que l'on s'attaque à des substrats du patriarcat, permet de se rendre compte à quel point les certitudes sur nos identités de genre sont profondément ancrées dans les mentalités. Des sujets qui n'ont rien de tabou, comme la question de la féminisation des noms de métiers, ou l'agencement des cours de récréation, suscite un tel degré de passion, qu'il en devient cocasse d'entendre certains qualifier d'« hystériques » les personnes qui les abordent. La question de la transmission du patronyme et du matronyme, par exemple, n'a rien d'insoluble. Rappelons qu'en Espagne par exemple, à partir du XVIIIème siècle, il est devenu automatique qu'un nouveau-né ait deux noms, celui du père en premier, celui de la mère en second, et le nom du père se transmettait à la génération suivante – depuis 1999, les parents peuvent s'accorder pour modifier l'ordre d'apparition des noms, et une loi de 2011 a encore renforcé le principe d'égalité (ou d'indifférenciation) dans la transmission. Au Portugal au contraire, un nouveau-né a deux noms, en premier celui de sa mère, et en second celui de son père. S'il est de coutume que le nom du père soit celui transmis à la génération suivante, il n'y a pas d'obligation légale, et d'ailleurs, il est arrivé, quand le matronyme était plus prestigieux par exemple, que le nom de la mère soit celui qui reste. Bref, près de soixante millions de personnes, dans la péninsule Ibérique, portent deux noms de famille, celui de leur père et celui de leur mère, et ne s'en portent pas plus mal. Si la permanence du patriarcat dans ces deux pays montre bien que répondre à la question de la transmission des noms de famille n'est pas la panacée, leur exemple peut au moins nous inspirer pour déconstruire (un peu) la figure du pater (seul) chef de famille, remis en cause dans la loi mais qui persiste dans les faits.
Représentation de ce qui semble être un groupe de femmes dans une scène de la vie quotidienne, sur le site archéologique de la cité romaine de Carthage, en Tunisie.
L'extrait qui conclut cet article est tiré de L'origine des systèmes familiaux, publié en 2011, écrit par Emmanuel Todd. Dans con chapitre consacré au Moyen-Orient, l'historien et anthropologue français décrit la montée de la patrilinéarité et l'abaissement du statut des femmes dans la Mésopotamie antique. Pour illustrer son propos, il décrit la disparition des femmes dans les représentations artistiques de l'époque, notamment sculpturales.
L'art de la Mésopotamie se caractérise, à partir de la période paléobabylonienne, par une absence assez remarquable de la représentation de la femme. On trouve encore sous le règne de Gudea, vers la fin de l'histoire de Sumer, quelques très belles statues de femmes, évocatrices de la considération dont elles jouissent. Dès la période d'Hammurabi, cependant, elles se font rares, et sont le plus souvent associées au culte de la fécondité. On trouve alors de multiples statuettes et gravures sur sceaux-cylindres de la « déesse nue babylonienne ». [...] En dehors de ces célébrations discrètes de la fécondité, la femme disparaît. Ce qui caractérise la statuaire mésopotamienne à partir de cette époque, ce n'est pas seulement une représentation presque exclusive de l'homme, c'est celle d'un homme porteur d'un caractère sexuel secondaire hystérisé, l'hyperpilosité. De Babylone à l'Assyrie, la barbe mésopotamienne, abondante, peignée, distingue cet art de tous les autres.
Si l’on remonte à l’origine de la civilisation, au cœur de la période sumérienne, vers le milieu du IIIème millénaire, certains hommes arborent déjà une barbe abondante, mais que l’on pourrait qualifier de préclassique parce qu’elle n’est pas universelle dans les représentations masculines. L’homme non barbu existe à Sumer et jusqu’à une date avancée puisque les nombreuses statues de Gudea le font apparaître glabre. Surtout, nous trouvons dans les statuettes d'orants tirées du sol une abondance de représentations féminines. Le plus significatif pour la période ancienne, et ce qui emporte la décision concernant le statut de la femme et le système de parenté sumérien, est la présence dans les restes archéologiques de statuettes représentant des couples, dont la posture évoque sans le moindre doute possible une relation égalitaire. Je donne ici la représentation de celle qui, sans être unique, m’apparaît éminemment caractéristique. Elle a été trouvée dans le temple d’Innana à Nippur et remonte aux années 2700-2500. J'admets sortir ici de mon domaine, qui est plutôt celui de la preuve statistique, mais je pense que seule une société ayant une conception égalitaire du rapport entre les sexes, et dont le système de parenté était alors indifférencié, pouvait produire une telle image du couple, qui associe confiance, tendresse et égalité. La disparition ultérieure des associations hommes-femmes de ce type signe tout simplement la montée en puissance du principe patrilinéaire dans l'histoire de la Mésopotamie. Une étude statistique mesurant le sex ratio des figures humaines selon le siècle permettrait de tracer une courbe établissant de façon très précise les points d'inflexion décisifs du processus.
[...] L'examen des bas-reliefs [du Ier millénaire avant l'ère commune] conduit à l'hypothèse d'un abaissement maximal du statut de la femme dans l'empire néoassyrien. Sur les nombreux et bas-reliefs qui ont subsisté, le plus souvent consacrés à la guerre, les femmes et leurs enfants n'apparaissent qu'en déportés, ou en victimes des massacres commis par des guerriers assyriens. Quelques scènes, où des hommes élamites s'occupent de leurs enfants, évoquent une ambiance assez féministes. Mais le plus stupéfiant est quand même l'absence totale de représentation de femmes assyriennes par l'art. Il n'en existe qu'une, un bas-relief figurant dans un banquet le roi Assurbanipal et son épouse Assur-Surrat. Ce cas unique est cependant fidèle à l'aimable idéal de vie des Assyriens puisque la tête coupée d'un roi vaincu, suspendue à un arbre, égaye le tableau, sans doute trop fade en lui-même pour son commanditaire.
Emmanuel Todd, L'origine des systèmes familiaux. L'Eurasie. Éditions Gallimard, Paris, 2011.