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Par David Brites.

Anciens abattoirs de Vaugirard, dans le 15ème arr. de Paris.

Dans plusieurs villes d'Europe et du monde, comme Nice, Amsterdam, Marseille ou encore Toulouse, nombre de sites d'abattoirs, ou marchés à bestiaux, ont fermé depuis les années 1960 et 1970, posant aux autorités locales la question de l'usage des espaces désormais inutilisés. Survol photographique de trois villes où les abattoirs ont été reconvertis, esquissant une nouvelle dynamique dans les quartiers concernés : Paris, Casablanca et Madrid.

L'industrie de l'abattage de bovins, d'ovins et de chevalins dans les villes européennes a connu un déclin progressif depuis 1945. Alors que le nombre de personnes qui travaillent dans ce secteur a fortement diminué, les filières de l'élevage ont opéré leur reconversion depuis plusieurs décennies – il y a plus ou moins longtemps selon les pays, mais en général dans l’après-guerre. Ces évolutions ont donné l'occasion de voir émerger des projets de reconversion urbaine originaux.

Première étape de notre petit « voyage » photographique : Paris. En Île-de-France, plusieurs abattoirs ont déjà fait l’objet de projets de reconversion depuis quelques années. L’un des plus connus est celui de La Villette. Pour rappel, face aux coûts et à la longueur de reconstruction du site, l’ensemble de ses activités d’abattage y ont été interrompues en 1974. L'ensemble des abattoirs occupait alors une superficie de 54 hectares. Une grande partie du bâti y a été démolie. Pour ce qui est des nouveaux bâtiments, on trouve des lieux d’études, de loisirs ou de culture : la Cité de la Musique, la Cité des Sciences et de l’Industrie, les salles du Zénith et du Cabaret Sauvage, ou encore le Parc de La Villette. Mais quelques vestiges de l’ancien marché aux bestiaux subsistent. Parmi eux, le plus emblématique reste évidemment la Grande Halle de la Villette, ancienne « Halle aux Bœufs ». Face à l'édifice, la place de la Fontaine-aux-Lions de Nubie, qui servait d’abreuvoir pour le bétail, a elle-aussi survécu.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'espace de La Villette est un succès pour la capitale. Le nombre de badauds y est toujours impressionnant, notamment les week-ends, et les activités culturelles qui y ont cours, parfois gratuites, souvent payantes, sont nombreuses, comme en atteste le site-Internet du lieu (La Villette) ; elles permettent en outre une fréquentation de publics très différents.

Les anciens abattoirs, un exemple méconnu de reconversion urbaine
Les anciens abattoirs, un exemple méconnu de reconversion urbaine
La Grande Halle de La Villette. Dans ce bâtiment des anciens abattoirs, on voit bien les structures en charpente métallique qui le composent. En face, la place de la Fontaine-aux-Lions, qui servait d’abreuvoir pour le bétail, et participe à présent au charme du lieu.

La Grande Halle de La Villette. Dans ce bâtiment des anciens abattoirs, on voit bien les structures en charpente métallique qui le composent. En face, la place de la Fontaine-aux-Lions, qui servait d’abreuvoir pour le bétail, et participe à présent au charme du lieu.

Porte des anciens abattoirs de Vaugirard, à Paris.

Dans Paris intra-muros encore, on trouve d’autres abattoirs reconvertis. Celui de Vaugirard, dans le 15ème arrondissement, concernait une zone de tout de même 72.000 mètres carrés. Il fut presqu'entièrement démoli au début des années 80, après avoir cessé ses activités en 1978. Seuls trois bâtiments, les portes monumentales (comme l'illustre la photo ci-contre) et quelques statues lui ont survécu. Pour le reste, tout un chacun peut profiter du parc Georges-Brassens qui est né sur le site. À cela s’ajoute le théâtre Le Monfort, anciennement nommé Carré Silvia-Monfort, qui se veut un centre d'animation culturelle.

Seconde étape de notre « voyage » : Casablanca. Première ville du Maroc par sa population, l’activité des abattoirs y a cessé en 2002. Le quartier a souffert de sa fermeture, avec l’arrêt partiel des activités annexes liées aux abattoirs (vente de bétail, restauration, etc.). À la limite entre le quartier des Roches noires au nord et celui de Hay Mohammadi au sud, le site, un terrain d'environ 5 hectares plutôt bien placé dans la métropole (et désormais relié par tramway), a depuis été transformé en fabrique culturelle.

Cette reconversion a été appuyée par l'association marocaine Casamémoire, qui a permis la coordination des différents intervenants et l'organisation d'évènements. En janvier 2009, cette association, fondée en 1995 dans le but de sauvegarder le patrimoine marocain du XXème siècle, signait avec la ville de Casablanca une convention de partenariat relative à la reconversion des abattoirs en site culturel. Objectif : faire du lieu un véritable espace public à vocation artistique et culturelle, ouvert à tous et libre.

En mai 2013, une équipe de huit étudiants, CASA’venir, réalise, dans le cadre d’un appel à projets destiné à créer des synergies et une culture commune du développement durable parmi les étudiants de disciplines différentes (le concours Ergapolis), une étude sur la réhabilitation des anciens abattoirs de Casablanca. Ils portaient alors l’ambition d’y mêler culture, technologies numériques, espace de rencontre et biodiversité.

Sur le site des anciens abattoirs de Casablanca, en 2013. (Crédit photo © Patrick Forget)

Sur le site des anciens abattoirs de Casablanca, en 2013. (Crédit photo © Patrick Forget)

Crédit photo © Patrick Forget, 2013.

Ils répertoriaient trois grands espaces structurant désormais les anciens abattoirs : le Parc d’Activité pour tous les âges, « oasis végétale et minérale en cœur de ville, offrant un large choix d’activités diurnes ou nocturnes, de services et de divertissements », dans une zone urbaine qui manque d’espaces verts ; la Centrale de Hay Mohammedi, « qui développe l’expérience de vie casablancaise grâce à des infrastructures dédiées à l’évènementiel et aux arts qui intègre le quartier dans une nouvelle dynamique » ; le Grand Parvis, « espace dégagé le long de l’axe principal qui inscrit fortement le site dans le paysage de Hay Mohammedi ». La Centrale, centre de développement culturel, artistique, associatif, se compose des Fabriques, cœur névralgique des activités culturelles, de la Maison de Quartier de Hay Mohammedi, et de l’Administration générale, pour gérer l'ensemble du lieu. Cet ensemble faisait alors l'objet de préconisations, mais la reconversion est lente et reste inachevée.

La parcelle des abattoirs est clairement hermétique au tissu urbain qui l’entoure. Des murs physiques ou végétaux l’encerclent. Toutefois, elle fait désormais partie intégrante du tissu urbain en tant que site culturel en devenir. Des dizaines d’évènements y ont déjà été organisés ces dernières années : des expositions, des concerts, des ateliers d’arts plastiques ou de musique, des projections, et même des festivals. Un collectif d'associations artistiques et d'opérateurs culturels portent ces initiatives depuis 2008 Le lien Internet le plus réactualisé sur leurs activités (une page Facebook : La Fabrique Culturelle des Anciens Abattoirs de Casablanca), assez peu rigoureux alors que des évènements y sont régulièrement observés, illustre le travail qui reste sans doute à faire pour que la reconversion du site atteigne sa maturité et soit parachevée.

Crédit photo © Patrick Forget, 2013.

Crédit photo © Patrick Forget, 2013.

Le site des anciens abattoirs de Casablanca, en 2013. (Crédit photo © Patrick Forget)

Le site des anciens abattoirs de Casablanca, en 2013. (Crédit photo © Patrick Forget)

À Madrid, capitale de l’Espagne, les anciens abattoirs (el matadero), situés à la périphérie sud de la ville, ont été reconvertis en un centre de création contemporain. Tout comme à Paris hier, et à Casablanca aujourd’hui, cette transformation s’inscrit dans un mouvement général de réutilisation des anciens bâtiments, initié dans plusieurs municipalités à travers le monde. À chaque fois le même objectif : mettre en place des espaces innovants et de loisirs tout en conservant la mémoire du lieu. Bref, faire du neuf avec du vieux, sans le détruire. Parmi les innombrables édifices réemployés dans l’objectif de préserver autant que possible le patrimoine urbain, on peut citer Arts on Main, lieu de consommation branché (cafés, marché, etc.) dans un ancien entrepôt de boissons Baileys situé au cœur d’un quartier autrefois désaffecté, à l’est du centre-ville de Johannesburg ; l’ancienne gare Ornano, rebaptisée la Recyclerie, un bâtiment du 18ème arrondissement parisien reconverti en lieu culturel où se côtoient un potager, une petite ferme, des ateliers DIY (Do-It-Yourself), et un bar-restaurant ; ou encore le Gasômetro, ancienne usine à charbon située au cœur du centre-ville de Porto Alegre, au Brésil, aujourd’hui employé pour des expositions, des forums, et même des séances de diffusion cinématographiques.

Dans les anciens abattoirs de Madrid.

Comme ailleurs, la reconversion des abattoirs madrilènes visait à faire de ces espaces désormais inutilisés des lieux de création artistique, d’exposition, de jeux, de sport, mais aussi de flânerie. Ce projet qui fête désormais ses 30 ans a consacré la reconnaissance du patrimoine architectural du site, suite à la fermeture des activités de l’abattoir dans les années 1980. El Matadero à Madrid est devenu un projet multi-acteurs, avec l’idée précise de transformation des locaux en « fabrique culturelle ». Concrètement ? Cela se traduit par l’expression des arts vivants, parmi lesquels on peut citer le théâtre, la musique, la danse, les arts plastiques, le street art, une cinémathèque, ou encore des espaces de lecture, et de promotion et de diffusion du design (« Central de Diseño »). Pour les curieux, voici le site Internet : Matadero Madrid – Centro de Creación Contemporánea. Une manière de faire se côtoyer la mémoire du patrimoine et la modernité d’un lieu accessible à tous. Et le hasard fait bien les choses : le site est agréable et transmet une ambiance propice aux loisirs et à la badauderie.

Les espaces d'anciens abattoirs, par leur nature comme par leur usage nouveau, s'avèrent des lieux intéressants de visite et de flânerie pour les riverains, pour les habitants de la ville, mais aussi pour les étrangers qui passeraient par là. Ils sont symptomatiques d'une certaine vision de l'aménagement urbain, qui ne voit pas l'espace public sous le seul prisme de sa fonctionnalité, mais aussi avec un objectif de favoriser le bien-être, les moments de détente. Leur visite, en permettant de sortir des sentiers battus du tourisme traditionnel, peut s'avérer une démarche « alternative » originale pour ceux qui passent par Paris, Casablanca, Madrid et ailleurs.

Les anciens abattoirs, un exemple méconnu de reconversion urbaine
Les anciens abattoirs, un exemple méconnu de reconversion urbaine
Anciens abattoirs (« El Matadero ») de Madrid.

Anciens abattoirs (« El Matadero ») de Madrid.

Tag(s) : #Société, #Histoire
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