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Par Jorge Brites.

Nous sommes à l’approche de Noël, à La Base, un espace ouvert aux initiatives citoyennes en faveur de l’écologie et de la justice sociale, près de la place de la République, à Paris. Il fait déjà sombre dehors, hiver oblige. Des gens entrent et sortent de la salle dans un mouvement continu. Sur l’estrade, un père Noël distribue des paquets dont l’emballage est immédiatement défait par les petites mains d’enfants dont les yeux brillent de curiosité. Un brouhaha général règne autour des différents stands de confection de bijoux, de henné, de vêtements ou de gâteaux. Puis d’un seul coup, les enfants courent, déguisés en pompiers, exhibant leurs cadeaux aux uns et aux autres. Trois humoristes, Lenny M’Bunga, Zaef Maiga et Charly Nyobe, s’apprêtent à monter alternativement sur scène pour une heure de stand-up.

Ainsi se tenait le 15 décembre dernier la journée des ateliers de Noël et du goûter solidaire organisée par Azmari, une association qui travaille depuis 2016 en faveur de l’insertion sociale des femmes migrantes et de leurs enfants. Cours de français gratuits, ateliers d’expression orale, visites culturelles… À travers des actions concrètes et régulières, cette association œuvre à outiller des femmes primo-arrivantes en matière d’expression et en créant du lien. Une réponse audacieuse aux nombreux écueils à leur intégration, qui dépassent largement le seul champ juridique ou économique.

Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.
Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.
Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.
Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.
Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.
Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.
Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.
Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.

Ateliers de Noël et goûter solidaire organisés par l'association Azmari, le 15 décembre 2019 à La Base, au 31 rue Bichat, à Paris.

Il convient tout d’abord de rappeler ce qu’est, en France, la situation pour des milliers de femmes migrantes qui cumulent les difficultés. Les défis de l'intégration sont nombreux, et s'ajoutent dans certains cas à des parcours difficiles et éprouvants : éducation des enfants dans un contexte culturel souvent nouveau, démarches administratives lourdes et parfois rendues encore plus complexes par la barrière de la langue, marginalisation liée à l'origine, au genre, à la couleur de peau, à des pratiques religieuses et culturelles, ou encore au simple statut de migrantes... Julie Drame, l’une des membres de l’association que nous avons rencontrées aux ateliers de Noël, nous explique comment cette situation particulière a motivé son choix de s'engager avec Azmari : « Au départ, je cherchais une association en rapport aux femmes. Migrantes, encore mieux, parce qu’elles subissent plusieurs oppressions. Là, ce sont des femmes, migrantes, souvent d’une classe sociale basse, et racisées. Ce sont vraiment des femmes qui subissent de multiples oppressions, et je pense que ce sont les personnes qui ont le plus besoin qu’on les aide ».

Rosy Vassallo, une autre membre de l’association, que nous avions interrogée quant à elle le 24 novembre en marge d’une rencontre littéraire organisée par Azmari, décrivait la situation particulièrement complexe de bon nombre de femmes migrantes : « Il y a plusieurs problématiques. Problèmes économiques, pour des personnes qui ne peuvent pas se payer des cours de français – et les cours de français, ça coûte beaucoup. Un prof te coûte minimum 30 euros par heure. Pour des personnes aussi qui ne peuvent pas se payer une garde d’enfants pendant l’activité ».

De fait, les migrantes sont souvent absentes des discours et des représentations collectives sur la migration, alors qu’elles en constituent une part non négligeable : en 2017 par exemple, elles représentaient 35% des demandeurs d’asile et 40,5% des personnes suivies par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il faut ajouter des centaines de milliers de femmes venues dans l’Hexagone par des canaux très divers : le regroupement familial, les études, un emploi, etc. Les profils de ces femmes varient fortement, mais il apparaît tout de même que beaucoup d’entre elles n’ont pas été scolarisées dans leur pays d’origine, ce qui complique leur recherche d’emploi en France et leur compréhension des procédures administratives et juridiques (et donc leur accès aux droits et à certains services publics).

En outre, les femmes migrantes se retrouvent trop souvent, à l’issue de processus de regroupements familiaux ou de voyages difficiles, catapultées dans une société française qu’elles méconnaissent, exposées aux violences et coincées entre les pressions de leur famille et de leur société d’origine d’une part, et les préjugés et les discriminations de la société d’accueil d’autre part. C’est en substance ce que disait un rapport de France Terre d’Asile publié le 2 mai 2018, qui mettait en lumière les difficultés que ces femmes rencontrent, une fois arrivées sur le territoire français, expliquant notamment que les femmes migrantes sont « surexposées à des situations de violence dues aux conditions d’accueil souvent inadéquates ou précaires, à leurs conditions de précarité administrative et économique […] mais aussi à des difficultés d’adaptation au pays de refuge ».

Or, en France, les textes législatifs et réglementaires sur l’entrée et le séjour des personnes étrangères n’établissent pas de distinction entre hommes et femmes – en dépit des potentielles différences induites dans les réalités sociales, économiques, familiales, culturelles. Un exemple suffit à l’illustrer : le cas du regroupement familial, dans le cadre duquel les femmes venues rejoindre leur mari dépendent de ces derniers pour parvenir à une régularisation durable de leur statut, et se retrouvent par conséquent dans une situation délicate (proche du chantage) lorsque surviennent des violences dans le foyer.

Azmari, l'association qui œuvre à l'insertion des femmes migrantes en créant du lien social

Cette association permet aux femmes migrantes de bénéficier de cours, et en parallèle d’une garde de leurs enfants. Une des raisons pour lesquelles les femmes viennent en France, c’est qu’elles ont des enfants qu’elles veulent mettre à l’abri, souvent. Et ne rien proposer aux enfants en parallèle des ateliers pour les femmes, c’est priver ces dernières d’activité. Donc l’intérêt de l’association, c’est de proposer en parallèle des activités pour les femmes et les enfants.
On a besoin de bénévoles qui soient forces de proposition, sur des thèmes en particulier. Par exemple, s'il y en a qui savent faire de la guitare, du théâtre, de l'improvisation, de la photo, etc., c'est bienvenu.

Céline Toni, 28 ans, en charge de la garde d'enfants, de l'évènementiel et de l'édito au sein de l'association.

Azmari, l'association qui œuvre à l'insertion des femmes migrantes en créant du lien social

Azmari, c’est une association de jeunes femmes (majoritairement) qui sont motivées et qui ont envie de changer les choses, au moins pour les femmes qu’on accompagne. Comme bénévole, tu y vois concrètement les effets de ton bénévolat, au jour-le-jour. Et tu fais partie d’un collectif avec une ambiance de ouf, tu tisses des relations avec des personnes que tu n'aurais jamais rencontrées dans ta vie.

Julie Drame, 26 ans, en charge de l'évènementiel et des « bavardes d’Azmari » (tandems linguistiques).

Les enfants migrants, de leur côté, constituent également un groupe particulièrement vulnérable, puisqu’ils subissent directement les situations de précarité, de pauvreté, de discrimination qui frappent leurs parents. On peut donner, à titre illustratif, l'exemple du mal-logement dont souffrent particulièrement les familles migrantes. Le 20 novembre 2019, un collectif de douze organisations (comprenant la Fondation Abbé Pierre, UNICEF et le Samu Social) signait un manifeste alertant l’État français sur le fait qu’environ 700 enfants dormaient, chaque soir, dans les rues de Paris ; et au moins 160 en Seine-Saint-Denis. Et qu’en Île-de-France, 20 000 enfants étaient logés à l’hôtel, dans des conditions de précarité extrême. Au total, en 2018, ce sont treize mineurs qui sont morts dans la rue en France, selon le collectif Les Morts de la Rue – un chiffre qui devrait s’établir dans le même ordre de grandeur en 2019. Encore le 4 novembre dernier à Paris, une femme demandeuse d’asile a perdu un de ses bébés alors qu’elle venait d’accoucher en urgence. Or, d’après ce même collectif, en 2018, quatre victimes sur dix étaient de nationalité française. Cette situation de précarité, et plus largement les défis de l'intégration, compliquent évidemment la scolarisation des enfants, leur éducation et leur épanouissement physique et psychologique.

Une association pour travailler sur l’insertion par l’échange et l’expression

Ce sont ces situations qui ont poussé, fin 2016, les fondatrices d’Azmari à créer l’association – le nom faisant référence à la chanteuse bangladaise Azmari Nirjhar. Hélène, présidente de l’association depuis le mois de juillet 2019, et que nous rencontrons aux ateliers de Noël, décrit Azmari comme une structure travaillant sur l’« insertion socio-culturelle des femmes et de leurs enfants, par des cours de français, par des sorties culturelles ». « L’idée, ajoute-t-elle, c’est que, par l’apprentissage du français, par des activités culturelles, on va favoriser le lien social et l’insertion de ces femmes et de leurs enfants dans la société française ». Pour cela, l’association a développé au fil du temps des activités variées pour travailler sur l’apprentissage du français et l’expression individuelle, grâce à des ateliers de théâtre, d’arts plastiques ou de musique. La culture et le langage, l’expression et l’échange sont pensés comme des outils contre l’isolement et les barrières sociales, et comme des vecteurs d’intégration. L’idée est de créer des espaces de dialogue et d’expression.

Les profils des femmes assistant aux cours ou aux différentes activités sont très divers. Marine Vicenzutti, en charge de la communication au sein de l’association, nous expliquait lors d’un entretien le 24 novembre à Paris : « Ce sont des femmes migrantes. Pas forcément depuis peu – parce que la majorité sont quand même en règle. Elles peuvent être dans une situation d’urgence, mais par exemple, à ma connaissance on n’a pas de femmes sans-abri pour l’instant. Par contre, on peut avoir des situations précaires. Là par exemple, on a une dame qui a eu son troisième bébé, et c’était un peu "l’appel aux dons" en interne, parce qu’elle était dans un lieu sans chauffage, et elle venait d’avoir son petit, donc c’était : comment on arrive à trouver des vêtements de bébé ? Quelqu’un est allé acheter un petit radiateur d’appoint. Donc pas forcément de grosses situations d’urgence, mais voilà. Après, elles sont en France depuis plus ou moins longtemps. Pour certaines, ça fait deux ans qu’elles sont dans l’association, et maintenant elles ont un travail. Nous, l’objectif c’est aussi qu’elles puissent s’en sortir par le haut ».

Azmari, l'association qui œuvre à l'insertion des femmes migrantes en créant du lien social

L’accès à la culture est un droit fondamental. On peut faire beaucoup de choses par la culture, et l’apprentissage de la langue passe par là.

Hélène Viel, 28 ans, présidente de l'association Azmari.

Azmari, l'association qui œuvre à l'insertion des femmes migrantes en créant du lien social

Ce qui est intéressant avec Azmari, c’est qu’on s’engage de façon très concrète auprès des femmes migrantes. Ce sont des cours de français, c’est de telle heure à telle heure, et on voit les bénéficiaires de l’association progresser en direct, en cours. On est au contact direct avec elles et leurs enfants. C’est aussi le faire en pouvant aménager son temps, sans trop de contraintes.

Anna Kerebel, 28 ans, en charge de l'évènementiel et de la garde d'enfants au sein de l'association.

Premier volet d'activités : des cours de français gratuits pour les femmes migrantes, délivrés à la Maison des femmes, dans le XIIème arrondissement à Paris, chaque samedi matin de 10h30 à 12h. Outre ces cours, l’association propose, comme deuxième volet d'activités, des ateliers d’expression chaque dimanche de 15h à 18h (également à la Maison des femmes), qui ont d’abord pour objet de pratiquer le français à l’oral sur des thématiques différentes à chaque séance. L'idée est d’outiller les femmes pour affronter les démarches du jour-le-jour : se présenter, gérer une situation d’urgence, prendre un rendez-vous, passer un entretien d’embauche, etc. Mais certaines thématiques dépassent aussi les nécessités purement matérielles liées au quotidien ; au mois d’octobre dernier par exemple, se tenait un atelier d’expression orale sur le sport et le yoga. Au-delà de la langue, c’est la création de liens, la prise de confiance et la compréhension des codes sociaux et culturels qui permettent à ces femmes d’envisager non seulement l’autonomisation, mais à travers elle une insertion épanouie dans la société française qui les accueille bon gré mal gré. Au total, ce sont actuellement une dizaine de femmes qui en bénéficient. Et élément essentiel de l’action d’Azmari : l’association offre un service de garde d’enfants aux mères, ce qui facilite évidemment leur accès aux activités.

Troisième volet d'activités : une sortie culturelle ou un spectacle est proposé gratuitement aux femmes migrantes, chaque premier dimanche du mois. Elles peuvent venir accompagnées de leur compagnon, de leur famille ou de leurs amis. Le 1er décembre dernier, la visite avait ainsi lieu au Panthéon.

Parallèlement, l'association organise des évènements ponctuels. Certains participent aux objectifs directs de l'association, comme ce fut le cas le 15 décembre avec la journée dédiée aux ateliers de Noël et au goûter solidaire d'Azmari : créer du lien pour les femmes migrantes et leurs enfants, donner de la visibilité à l'association, attirer d'éventuels bénévoles ou des dons, etc.

Conférence avec Aya Cissoko (à droite) (Crédit photo © Azmari).

Mais l'action de l’association s’inscrit dans une démarche plus globale en faveur d’une amélioration de la condition de femmes que le parcours de vie a pu rendre plus vulnérables. D'autres évènements ponctuels visent ainsi à sensibiliser sur le thème de la migration, sur la condition féminine, ou à mettre en lumière des parcours atypiques de femmes migrantes. Le 20 juin 2019, c'était Aya Cissoko, auteure et triple championne du monde de boxe, qui était invitée à parler de son ouvrage Danbé dans lequel elle témoigne de son étonnant parcours de fille issue de l'immigration, à l'occasion d'une conférence au Ground Control, un espace situé dans le XIIème arrondissement de Paris. Le 24 novembre, c'était l'écrivaine Nassima Terfaya qui était invitée à présenter son livre L'accomplissement – au Café Maya Angelou, toujours dans le XIIème, à Paris, après une projection du témoignage de l'actrice française Adèle Haenel relatif aux violences sexuelles dont elle a été victime (diffusé par Mediapart). La veille, nous retrouvions les membres d'Azmari dans la marche nationale du 23 novembre contre les féminicides et les violences faites aux femmes, qui a réuni au moins 50 000 personnes dans les rues de Paris.

L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.
L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.

L'association Azmari à la Marche contre les féminicides et les violences faites aux femmes, à Paris le 23 novembre 2019.

Une autre activité est proposée aux enfants des femmes migrantes, qui consiste à inscrire des enfants primo-arrivants dans des clubs de sport en Île-de-France, afin de bénéficier d’entraînements chaque semaine, comme nous l’explique Marine : « On a une quatrième activité qui est gérée de manière un peu annexe. Ça s’appelle "un dribble pour tous". L’idée, c’est de payer des inscriptions au club de sport pour les enfants ». On est toujours dans l’optique de créer du lien social, comme vecteur d’insertion. Les enfants, garçons et filles, fréquentent d’autres enfants du même âge, pratiquent le français, apprennent les valeurs de solidarité et de partage propres au sport, et développent l’estime de soi en explorant leurs limites physiques. En plus de se divertir !

Une volonté d’élargir et de professionnaliser la démarche

Outre quelques difficultés logistiques – assez incontournables pour une association visant à travailler sur un ensemble aussi vaste que la région parisienne, telle que la distance du lieu de domicile de certaines des femmes –, Azmari, en se développant et en attirant des membres bénévoles, se confronte à un défi que nous décrit Marine : « Un point que je vois, c’est de manière générale, de se professionnaliser. Peut-être même d’être formées aux sujets de la migration, des choses comme ça. Est-ce qu’une fois dans l’année, on ne ferait pas une formation pour les bénévoles, des conférences pour nous, pour nourrir notre engagement ? » L’association est à un moment un peu charnière du fait de son développement : « Là, on a besoin de se structurer un peu, parce qu’on grossit. Il y a une montée en puissance, déjà parce qu’il y a plus de bénévoles. L'organisation est plutôt horizontale grosso modo. Après, on a des cheffes de pôle, parce qu’effectivement, on a besoin de quelqu’un pour organiser un peu la chose sur chaque activité. Mais pour l’instant, c’est la forme plutôt de "cheffes de projets", pas hyper pyramidal non plus ». Rosy complète : « Il y a des petits groupes qui organisent des activités, et on en parle quand on se voit dans la rencontre mensuelle des bénévoles. […] On se voit une fois par mois, et si quelqu’un a quelque chose à proposer, elle est libre de le faire ».

Azmari, l'association qui œuvre à l'insertion des femmes migrantes en créant du lien social

Pour moi, Azmari est une association féministe, et surtout faite pour créer de l’indépendance. Qu’est-ce que ça signifie ? Quand je fais des ateliers, c'est pour faire comprendre que créer, c’est très simple. Et qu’il suffit de la volonté de faire. Après, je te donne les moyens, et si tu aimes, tu es libre de pouvoir continuer. À des coûts bas, avec pas beaucoup de choses, tu peux faire des choses que tu n’as jamais pensé créer. Et pour moi ça, c’est une petite indépendance.

Rosy Vassallo, 30 ans, en charge de la garde d'enfants et animatrice d'ateliers au sein de l'association.

Comme beaucoup d’associations, Azmari construit encore son modèle économique et vit en grande partie grâce à l’effort et à la contribution de ses membres. Au second semestre 2019, un appel aux dons a été lancé via la plateforme de financement participatif Les co-citoyens, pour permettre tout à la fois de financer les dépenses courantes et une journée d’excursion à la mer avec les femmes et les enfants. Plus de deux mille euros ont ainsi pu être collectés. Au-delà de cette démarche ponctuelle, l’association fait appel de manière continue aux dons pour permettre de tenir ses activités régulières, via son site Internet : disposer de fournitures scolaires pour les apprenantes, de matériel de jeu et de dessin pour les enfants, de collations pour les moments de convivialité avec les femmes et leurs enfants, de tickets de métro, bus et RER pour l’aide aux transports lors des visites culturelles mensuelles, ou toutes dépenses relatives à l’organisation d’évènements plus ponctuels (conférences, etc.).

Azmari, l'association qui œuvre à l'insertion des femmes migrantes en créant du lien social

Les femmes et leurs enfants ont eu, pour certain(e)s, un parcours d'exil extrêmement compliqué.
Azmari leur permet d'avoir un temps de répit et de leur donner quelques clefs pour une meilleure insertion sociale.

Marine Vicenzutti, 30 ans, en charge de la communication au sein de l'association.

Un engagement bénévole concret et qui donne du sens

L’action de l’association et ses objectifs permettent de réunir des bénévoles aux motivations et aux profils divers. Toutefois, un élément semble revenir au fil des témoignages : l’idée de mener des actions concrètes qui donnent du sens au bénévolat, et de répondre à un manque de lien social dont souffrent bon nombre de femmes migrantes. Rosy, par exemple, nous explique ses motivations : « Je suis Italienne, en France depuis deux ans. Je suis professeure d’arts. Dans mon temps libre, j’aime beaucoup créer. Depuis 2013, je fais des sacs et des bijoux, des objets, tout ce qui concerne le monde du recyclage. […] J’ai étudié les sciences politiques, et en Italie j’ai travaillé pour une ONG, et je m’occupais déjà de cette question de l’introduction des femmes immigrées à des réalités nouvelles. Et maintenant, moi, je suis migrante ! Ma famille est à moitié italienne, à moitié du Venezuela, et j’avais vécu la moitié de ma vie au Venezuela, et la moitié en Italie. Et donc j’ai toujours senti la situation comme femme immigrée en Italie, et quand je suis venue du Venezuela, j’ai tout compris. Après un an, quand j’ai appris un peu de français, j’ai dit ok, je vais chercher une association ».

Marine, également, nous explique les raisons de son engagement : « Ma motivation, elle est personnelle. À la base, je voulais trouver une association pour donner du sens à ma vie. Et le sujet de l’immigration, c’est tout simplement parce que mes grands-parents étaient Italiens ; et à l’époque, être rital, c’est comme être arabe aujourd’hui, en gros : montré du doigt. Et la cause des femmes : j’en suis une  même si on n’a pas besoin d’en être pour lutter contre tout ce qui est violences contre les femmes. Donc je fais cela, mais je me dis qu’il me manque une culture, une connaissance du sujet, et j’adorerais pouvoir en parler, trouver l’information facilement ». Chaque bénévole vient avec ses compétences, son énergie et sa valeur ajoutée : « Mon objectif, c’était d’être utile sur un domaine que je maîtrise un petit peu – en l’occurrence la communication. Et en même temps, je fais aussi de la garde d’enfants pour participer à une activité centrale de l’association [à savoir les cours de français]. J’ai fait des études de marketing, et là j’étais sur des fonctions, plutôt dans la grande distribution, de com’ et marketing. Des précédentes expériences d’associations (plutôt étudiantes), c’était la communication aussi que je gérais ».

En raison de la thématique, et par la force des choses, la place des femmes au sein de l’association est évidemment prépondérante et centrale. « C’est aussi lié à la Maison des femmes qui nous héberge pour nos activités, et qui est un lieu où les hommes ne peuvent pas entrer, nous explique Marine. C’est là où on héberge nos activités, et les hommes ne sont pas acceptés dans ce lieu. De fait, ça contingente un peu le nombre de garçons qui y participent. On a des membres hommes ; on en a un surtout, Idriss, qui était sur la partie tandem – car on a une activité où on peut avoir des tandems linguistiques [les « Bavardes d'Azmari »] entre un francophone et l’une de nos femmes migrantes, et c’est là qu’on peut élargir le cercle en disant que si les femmes acceptent de discuter avec un homme, c’est possible. Donc lui, il est plus dans ce cadre-là. Ce n’est pas une mauvaise chose d’avoir un espace qui permet de sanctuariser un peu le lieu pour les femmes. Néanmoins, notre position, c’est de viser l’insertion dans la culture française, dans une société française… qui est mixte ».

La Maison des femmes où se tiennent les cours dispensés par l'association Azmari, au 163 rue de Charenton, dans le XIIème arrondissement de Paris.

La Maison des femmes où se tiennent les cours dispensés par l'association Azmari, au 163 rue de Charenton, dans le XIIème arrondissement de Paris.

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Pour aller plus loin, vous pouvez contacter ou suivre l'association Azmari :

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Tag(s) : #Société
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