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Par Jorge Brites.

Vue sur le quartier administratif et d'affaires de Nairobi, capitale du Kenya, depuis le toit du Kenyatta International Convention Centre.
Vue sur le quartier administratif et d'affaires de Nairobi, capitale du Kenya, depuis le toit du Kenyatta International Convention Centre.
Vue sur le quartier administratif et d'affaires de Nairobi, capitale du Kenya, depuis le toit du Kenyatta International Convention Centre.
Vue sur le quartier administratif et d'affaires de Nairobi, capitale du Kenya, depuis le toit du Kenyatta International Convention Centre.

Vue sur le quartier administratif et d'affaires de Nairobi, capitale du Kenya, depuis le toit du Kenyatta International Convention Centre.

Le 5 septembre dernier, la Cour suprême kényane confirmait la victoire du vice-président sortant, William Ruto, à l’élection présidentielle qui s’était tenue le 9 août, face à Raila Odinga (aussi appelé « Baba »), figure historique de la vie politique kényane qui avait dénoncé des fraudes. En vertu de la Constitution, Ruto a donc ensuite prêté serment le 13 septembre, devenant à l’âge de 55 ans le cinquième président du Kenya depuis l’indépendance du pays en 1963. Les deux camps ont promis de respecter la décision de la plus haute juridiction, mettant fin aux craintes de voir de nouveau des flambées de violences comme lors des élections de 2017 – qui avaient alors forcé la Cour suprême à annuler le scrutin.

Cette élection est l’occasion de resituer la vie politique kényane à l’aune des enjeux économiques, sociaux et environnementaux du pays, ainsi que des rivalités entre communautés ethnolinguistiques – une question récurrente dans l’Afrique post-coloniale. En l’occurrence, un regard sur l’histoire contemporaine du Kenya suffit à comprendre que, loin des affrontements idéologiques cohérents et préoccupés du bien-être des habitants ou de la souveraineté du pays, la politique kényane a été depuis l’indépendance le théâtre d’un jeu de chaises musicales entre les mêmes têtes ou les mêmes familles… Bien souvent au profit d’intérêts étrangers, à commencer par l’Occident, et ce dans un contexte de corruption, de tension sur les ressources naturelles et de changement climatique. Décryptage.

Commençons par rappeler que les 22,1 millions d’électrices et électeurs kényans n’étaient pas appelé, le 9 août dernier, à choisir uniquement leur nouveau président, mais aussi 290 députés, 47 sénateurs, 47 gouverneurs de comté et 1 450 membres composant les assemblées de comtés. La diversité des scrutins en jeu justifiait une atmosphère politiquement tendue et compétitive. Pour comprendre ce qui s’y jouait, il convient de rappeler quelques éléments clés de l’histoire récente du Kenya. Ce pays d'Afrique de l'Est, limitrophe avec la Tanzanie au sud, l’Ouganda à l’ouest, et le Soudan du Sud, l’Éthiopie et la Somalie au nord, est vaste d’environ 580 000 km² et peuplé de près de 48 millions d’habitants. Il est indépendant du Royaume-Uni depuis le 12 décembre 1963. Sa position entre la Corne de l’Afrique et la région de Grands Lacs, au bord de l’océan Indien, explique à la fois son héritage culturel riche des apports africains (swahilis, entre beaucoup d’autres), arabes et européens (portugais puis britanniques). Elle explique aussi son exposition, ces dernières années, à la violence des conflits qui l’environnent (Somalie, Soudan du Sud, Éthiopie). Le pays a ainsi connu plusieurs attentats terroristes depuis les années 1990, et abrite le plus grand camp de réfugiés du monde, Dadaab, qui accueille plus de 200 000 personnes (essentiellement des Somaliens).

Pour rappel également, le Kenya connaît un peuplement majoritairement bantou depuis des vagues de migrations qui dateraient de 1 000 avant J.-C., cohabitant avec des populations de langue couchitique (originaires d’Éthiopie) et nilotique (du Soudan). Après une compétition de plusieurs siècles entre Portugais et Arabes pour le contrôle des côtes du pays et du commerce sous-régional, le XIXème siècle vit le territoire du Kenya actuel passer pour plusieurs décennies sous la coupe européenne. Le processus de domination et de colonisation qui caractérise la période allant des décennies 1880 à 1960 est essentiel pour comprendre certains des héritages avec lesquels le pays doit aujourd’hui composer. En 1883-1884, l’explorateur britannique Joseph Thomson traverse les terres massaï, le « Maasailand », pour rejoindre le lac Victoria avant de revenir sur la côte, ouvrant ainsi la voie à la colonisation de l’intérieur des terres. En 1885, l’Allemagne établit un protectorat sur les possessions côtières du sultan de Zanzibar au Kenya. En 1888, l’homme d’affaires écossais William Mackinnon reçut de la reine Victoria une charte royale l’autorisant à développer le commerce dans la région sous l’égide de la Compagnie britannique impériale d’Afrique de l’Est. En 1890, les Allemands cédèrent aux Britanniques l’exclusivité sur leur territoire littoral en échange du Tanganyika, l’actuelle Tanzanie. En raison des difficultés financières de la Compagnie, en 1895 est fondée l’Afrique orientale britannique (British East Africa) qui regroupe les possessions britanniques en Afrique de l’Est, et destinée à assurer un contrôle formel de la région.

Ville de Malindi, au sud-est du Kenya, près de la rivière Galana.

Ville de Malindi, au sud-est du Kenya, près de la rivière Galana.

De la colonisation à l’indépendance

L’influence britannique se cantonna d’abord aux régions littorales, seuls quelques colons et explorateurs se risquant à l’intérieur des terres. Mais suite à un conflit meurtrier entre les groupes Ilmaasai et Iloikop, et à l’arrivée simultanée de la peste bovine, du choléra, de la variole et de la famine, la résistance massaï commença à s’essouffler. C’est ce que les Massaï appelleront l’enkidaaroto (« la catastrophe »), qui correspond à la période allant de 1884 à 1893. Le premier traité massaï, qui allait permettre aux Britanniques de faire passer la ligne ferroviaire entre Mombasa et l’Ouganda au cœur des pâturages massaï, fut signé en 1904. Grâce à quoi le siège de l’administration coloniale put quitter Mombasa en 1905 pour Nairobi, l’actuelle capitale du Kenya. Celle-ci avait été fondée en 1899 dans une région au climat tempéré, de rivières, de plaines et de marécages connue par les Massaï sous le nom d’uaso nairobi (« eau froide »).

En vertu du traité de 1904, suivi d’un second en 1911, les Massaï furent privé de leurs terres ancestrales et déplacés vers les réserves du Sud (puisqu’une autre réserve établie par le traité de 1904 fut abolie en 1911). Ils furent les plus lésés par les annexions territoriales. Parallèlement, les Kikuyu du mont Kenya et des Aberdare (deux zones de peuplement blanc) nourrissaient un ressentiment fort à l’égard de ceux qui les avaient dépossédés. Ajoutons qu’entretemps, afin d’obliger la population africaine à entrer sur le marché du travail salarié, les Britanniques instaurèrent en 1901 un impôt sur les huttes, payable uniquement en monnaie.

En 1912, des colons s’installèrent dans les hauts plateaux où ils établirent des exploitations agricoles qui générèrent les premiers revenus conséquents du protectorat. Ces avant-postes, Naivasha et Ngong Hills, comptent encore aujourd’hui une importante population blanche. Pour aller plus loin, nous vous recommandons le documentaire Maasaï : Terre interdite de la Radio Télévision Suisse, qui revient à la fois sur la manipulation opérée par les colons britanniques à l’égard des Maasaï, sur la continuité que constitue leur marginalisation par l’État kényan aujourd’hui, et sur la menace de leur mode de vie pastoral par l’urbanisation et les grandes exploitations terriennes (y compris par les descendants des colons britanniques).

Pendant la Première Guerre mondiale, les deux tiers des 3 000 colons du Kenya formèrent des unités de cavalerie pour aller combattre les Allemands du Tanganyika voisin (Quand la Première Guerre mondiale ne se terminait pas le 11 novembre). Le processus de colonisation reprit à l’issue du conflit, quand les vétérans ayant combattu en Europe reçurent des terres dans les hauteurs autour de Nairobi. Le nombre de Blancs allait dès lors s’accroître considérablement, passant de 9 000 en 1920 à 80 000 dans les années 1950.

L’entre-deux-guerres vit naître les premières aspirations nationalistes à l’échelle du Kenya. Le fait que le pays devienne en 1920 une colonie de la Couronne britannique à la suite des fortes pressions des Blancs avait déjà exacerbé les griefs relatifs à l’expropriation des terres et aux déplacements forcés. Un conseil législatif fut instauré, mais les populations autochtones furent exclues de toute participation politique jusqu’en 1944. Les Kikuyu, groupe ethnique le plus nombreux du pays (environ 20%), réagirent à cette exclusion en fondant la Young Kikuyu Association, conduite par Harry Thuku. Cette organisation devint par la suite la Kenya African Union (KAU), une organisation nationaliste revendiquant l’accès aux terres détenues par les Blancs. Parmi les leaders du mouvement figurait alors Johnstone Kamau, connu plus tard sous le nom de Jomo Kenyatta et qui deviendra le premier président de la République kenyane. Profitant d’un séjour de quinze ans en Europe, à Londres, il partit étudier un temps les stratégies révolutionnaires à Moscou et fonda la Fédération panafricaine, entre autres avec Hasting Banda (futur président du Malawi) et Kwame Nkrumah (futur président du Ghana).

La Seconde Guerre mondiale allait ensuite précipiter la fin du colonialisme. Non seulement en raison de l’engagement de millions d’Africains (l’East African Carrier Corps comptait à elle seule plus de 400 000 hommes) et parce que les deux principales puissances qui occupaient l'Afrique (France et Royaume-Uni) sortirent affaiblies du conflit, mais aussi parce que la lutte contre les idéologies racistes et contre l’autoritarisme des régimes fascistes mettait en lumière les contradictions des puissances coloniales. En 1942, la Charte de l’Atlantique négociée entre le Premier ministre britannique Winston Churchill et le président nord-américain Franklin D. Roosevelt prévoyait dans sa troisième clause l’autodétermination de toutes les colonies après la fin du conflit. En octobre 1945, le sixième Congrès panafricain se réunit à Manchester, mettant en avant bon nombre de jeunes figures qui allaient ensuite prendre les rênes des États indépendants, y compris Jomo Kenyatta qui rentra au Kenya l’année suivante, d’ores et déjà à la tête d’un véritable mouvement de libération.

Un épisode marquant de l’histoire du pays va toutefois intervenir avant l’accès à l’indépendance : la révolte des Mau-Mau, lancée en 1952. Elle est le fait, entre autres, de factions militantes au sein de la KAU qui manifestaient des intentions plus radicales qu’un Kenyatta qui constituait tout de même un représentant kényan agréé par le gouvernement britannique dans un cadre constitutionnel en cours d’élaboration. Cette donnée est importante pour comprendre quelle élite prit le pouvoir à l’indépendance. Des bandes commencèrent à intimider les Blancs (et leurs collaborateurs autochtones) sur leurs exploitations, dans le but de les chasser et de prendre possession des terres. Paradoxalement, bien qu’il ait dénoncé le soulèvement dans une réunion publique, Jomo Kenyatta fut arrêté avec d’autres politiciens kikuyu et condamné à sept ans de travaux forcés, toujours en 1952, accusé de soutenir la révolte des Mau-Mau. Les factions mau-mau se rassemblèrent pour constituer la Kenya Land Freedom Army et menèrent une véritable guérilla, poussant les Britanniques à décréter l’état d’urgence en octobre de la même année et à mener d’importantes opérations militaires. En 1956, le leader de la révolte Dedan Kimathi fut capturé et pendu en public. Au total, près de 2 000 Kikuyu loyalistes, 32 colons blancs et 11 500 Mau-Mau (rebelles) trouvèrent la mort dans ce conflit. Ce n’est qu’en 2013 que le gouvernement britannique accepta de dédommager à hauteur de 19,9 millions de livres plus de 5 000 Kényans victimes de tortures et de mauvais traitements lors de la révolte des Mau-Mau.

En 1961, Kenyatta fut libéré, après l’annonce par l’exécutif britannique du projet de remettre le pouvoir à un gouvernement africain élu démocratiquement. L’indépendance, acquise en décembre 1963, s’accompagnait d’aides et de prêts d’un montant de 100 millions de dollars pour permettre à l’Assemblée kényane de racheter aux Blancs les fermes des régions montagneuses et de restituer leurs terres aux communautés autochtones.

Vue sur la rivière Goshi, qui sépare les localités de Kilifi et de Mnarani, sur la côte kényane.

Vue sur la rivière Goshi, qui sépare les localités de Kilifi et de Mnarani, sur la côte kényane.

L’ère Kenyatta et le règne du parti unique

Les premières années du Kenya indépendant sont marquées par la mise en place d’un régime autoritaire, dont le champ politique actuel est encore l’héritier. Kenyatta fut élu Premier ministre en 1963, et devint le premier président de la République l’année suivante. Un poste qu’il allait conserver jusqu’en… 1978. Son parti, la Kenya African National Union (KANU), né de la fusion de trois partis (dont la KAU), était favorable à un gouvernement unitaire centralisé, officiellement afin d’assurer une transmission du pouvoir en douceur. Il s’allia à la Kenya African Democratic Union (KADU). Cette organisation, qui privilégiait pourtant le régionalisme (le majimbo, en swahili), accepta de s’autodissoudre en 1964 pour privilégier le dépassement des divergences politiques et le concept de harambee (« tirer ensemble »). Il faut comprendre cette décision dans le contexte optimiste qui caractérisait les premiers temps de l’indépendance. Sauf qu’elle a laissé Kenyatta et la KANU avec les pleins-pouvoirs.

En à peine une dizaine d’années, le régime de Kenyatta fit déchanter toute une génération. Le nouveau pouvoir s’employa rapidement à rassurer les colons blancs, et le régime ne modifia pas profondément l’État colonial et son système socioéconomique. Une révolution que le majimbo aurait probablement contribué à mener à bien… Le pouvoir centralisé à Nairobi et dans les mains du président s’est renforcé au fil des années, notamment par une série d’amendements constitutionnels qui permit à Kenyatta d’exercer son contrôle sur la fonction publique. Sa communauté ethnolinguistique, celle des Kikuyu, fut privilégiée pour l’accès à l’emploi et aux ressources. La corruption se généralisa à tous les niveaux de l’État. Le Trade Union Disputes Act musela les syndicats et la KADU fut interdite lorsqu’elle tenta de se reformer sous un nouveau nom, la Kenya People’s Union (KPU). Cette opposition entre un centralisme à outrance et une demande jamais satisfaite de régionalisme, voire de fédéralisme (notamment exprimée par les populations du littoral et du nord du pays), est toujours d’actualité. Lorsque Jomo Kenyatta meurt en 1978, il laisse un pays marqué par des rivalités ethniques exacerbées et de fortes inégalités. À l’étranger, guère mieux puisque de nationaliste africain, son image est passée à celle de despote corrompu à la botte des anciennes puissances coloniales.

En 1978, c’est son vice-président Daniel Arap Moi qui lui succède… pour presque un quart de siècle. Issu de la communauté kalenjin (inféodée aux Kikuyu), sa présidence assure la continuité en matière de népotisme et de corruption. Il va même renforcer le caractère personnel de son pouvoir, se faisant réélire en 1983, 1988, 1992 et 1997. Tout au long de ces années, les arrestations de dissidents s’enchaînent, de même que les actions de censure et la fermeture des universités. Son régime s’en prend à des défenseurs des droits humains et de l’environnement, tels que l’écrivain Ngugi wa Thiong’o ou la future Prix Nobel de la paix Wangari Maathai. Il reconfigure les institutions financières, juridiques, politiques et administratives, et interdit officiellement les partis d’opposition en 1982 par un amendement constitutionnel, provoquant une tentative de coup d’État par l’armée de l’air. Par un autre amendement de 1986, il s’accorde le pouvoir de révoquer le procureur général des finances, le vérificateur général et les juges de la Haute Cour.

C’est seulement à la fin des années 1980 qu’un vent de changement semble souffler : on peut évoquer notamment la répression sanglante d’un grand meeting politique à Nairobi le 7 juillet 1988 (évènement baptisé plus tard Saba Saba, « sept sept » en swahili), puis l’année suivante la création du Forum for the Restoration of Democracy (FORD) sous la conduite de Jaramogi Odinga Odinga (le père du candidat malheureux de cette année, Raila Odinga), homme politique de la communauté luo et ancien vice-président sous Jomo Kenyatta. Devant ces mobilisations, mais aussi dans un contexte international favorable aux processus démocratiques (dans l’ex-Bloc soviétique, en Amérique latine, en Afrique...), et en raison des difficultés financières du pays (avec une dette extérieure de 9 milliards de dollars et la suspension générale des aides extérieures), le pouvoir concède une modification de la Constitution qui ouvre les élections de 1992 au multipartisme. Pour autant, ce scrutin est marqué par de nombreuses irrégularités, et près de 2 000 personnes sont tuées dans des affrontements interethniques dans la vallée du Rift, à l’ouest du Kenya. Ce n’est qu’après les élections de 1997 que son parti, la KANU, est contrainte d’aller plus loin dans les réformes et d’abroger certaines lois comme l’obligation d’obtenir une autorisation pour tenir des réunions politiques.

Marché aux épices de la ville de Mombasa, sur le littoral.
Marché aux épices de la ville de Mombasa, sur le littoral.
Marché aux épices de la ville de Mombasa, sur le littoral.
Marché aux épices de la ville de Mombasa, sur le littoral.

Marché aux épices de la ville de Mombasa, sur le littoral.

Les années Kibaki et les espoirs déçus d’un Kenya démocratique

Aux élections de 2002, Daniel Arap Moi annonça enfin son intention de se retirer et de ne pas modifier la Constitution pour pouvoir se représenter. Il appuya cependant la candidature de… Uhuru Kenyatta, le fils de Jomo Kenyatta, son prédécesseur. Mais les douze partis d’opposition, qui avaient retenu les leçons des scrutins de 1992 et 1997, se rassemblèrent derrière un candidat unique, Mwai Kibaki, sous l’égide de la National Alliance Rainbow Coalition (NARC) qui réunit 62% des voix.

L’administration Kibabi, sans doute la plus volontariste et dynamique qu’ait connu le Kenya depuis l’indépendance, prit d’abord un certain nombre d’initiatives, en particulier des mesures énergiques contre la corruption qui améliorèrent l’image du pays sur la scène internationale. Les aides extérieures affluèrent en 2003 et 2004 pour appuyer cette dynamique, et le FMI accorda un prêt en novembre 2003. Pour autant, dès 2004, il était clair que la « révolution anti-corruption » n’avait pas eu lieu. Entre autres, parce que plusieurs membres de la KANU avaient été associés au nouveau pouvoir, pour s’assurer une victoire la plus large possible aux élections ; et en raison du clientélisme auquel conduisent les rapports de pouvoir interethniques au Kenya. Si le taux de scolarisation a progressé durant les années Kibaki, on estima que près d’un milliard de dollars avait été englouti par la corruption rien que dans les deux premières années de sa présidence. En 2005, en l’espace de quelques jours, le journaliste d’investigation et lanceur d’alerte anti-corruption John Githongo dût démissionner et s’exiler, craignant pour sa vie (une séquence racontée en 2009 dans l’ouvrage It’s Our Turn to Eat: The Story of a Kenyan Whistle-Blower, de Michela Wrong). Les éléments que Githongo révéla en février 2006 obligèrent même le président Kibaki à limoger trois de ses ministres.

Nouveau rendez-vous électoral le 27 décembre 2007 : si les scrutins législatifs et locaux se déroulèrent normalement, la présidentielle fut en revanche entachée de nombreuses irrégularités. Mwai Kibaki fut déclaré vainqueur par la commission électorale, et il s’en suivi de violents troubles et affrontements, ainsi que des déplacements de population dans la vallée du Rift, les hauts plateaux de l’Ouest, la province de Nyanza et Mombasa. Plus de 1 000 personnes y trouvèrent la mort, tandis que 600 000 se retrouvaient sans-abri. Jusqu’à présent, la responsabilité des violences de 2007 n’a pas été éclaircie. Il fallut la médiation de l’ONU et d’un comité de personnalités africaines pour parvenir à un accord de partage du pouvoir le 28 février 2008, entre le président Kibaki et Raila Odinga, leader d'opposition à la tête de l'Orange Democratic Movement (et fils de Jaramogi Odinga Odinga). Ce compromis donna naissance à la fonction de Premier ministre, confiée à Odinga, et par une répartition des portefeuilles ministériels correspondant à la représentation parlementaire.

De cette coalition sortit un projet de nouvelle Constitution, approuvée en 2010 par 67% des votants dans le cadre d’un référendum. Elle prévoyait entre autres la délégation de pouvoirs aux régions, une Déclaration des droits et la séparation de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. En 2012, la découverte de pétrole dans la région du lac Turkana suscita à la fois de nouvelles convoitises dans le pays et des promesses d’avenir meilleur. L’année suivante, le 4 mars 2013, Uruhu Kenyatta, le fils du premier président post-indépendance, remporta l’élection présidentielle très serrée avec 50,07% des suffrages, évitant ainsi un second tour contre (encore une fois) Raila Odinga. La Cour suprême confirma le résultat malgré de nouveaux signalements d’irrégularités, et cette fois les violences post-électorales furent limitées.  En 2014, le nouveau président, inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) pour avoir contribué aux violences post-électorales de 2007, vit finalement abandonnées les charges contre lui, faute d’éléments « pour prouver, au-delà de tout doute raisonnable, la responsabilité criminelle de M. Kenyatta ». Trois ans plus tard, en 2017, il était réélu président dans un cadre relativement calme. Mais cette fois, la Cour suprême annula le résultat à la demande de l’opposition (par cinq voix sur sept). L’un des membres de la commission dut s’enfuir pour les États-Unis, et l’opposition boycotta finalement le nouveau scrutin, entrainant une faible participation (à peine un tiers des électeurs, contre 80% la fois précédente).

Drapeau du Kenya, flottant au-dessus du Fort Jesus, à Mombasa. Adopté le 12 décembre 1963, le noir y représente le peuple kényan ; le rouge, le sang coulé lors de la lutte pour l'indépendance du pays ; et le vert, les richesses naturelles du pays.

Drapeau du Kenya, flottant au-dessus du Fort Jesus, à Mombasa. Adopté le 12 décembre 1963, le noir y représente le peuple kényan ; le rouge, le sang coulé lors de la lutte pour l'indépendance du pays ; et le vert, les richesses naturelles du pays.

L’élection de 2022 et le drame du vide idéologique face aux enjeux

C’est donc dans ce contexte que se jouaient les élections générales de 2022. La configuration avait de quoi laisser perplexe, puisque le candidat vainqueur William Ruto, vice-président de Uruhu Kenyatta depuis 2013, était opposé à Odinga (« Baba »), lui-même soutenu par… Uruhu Kenyatta. Raila Odinga, 77 ans, a été défait pour la cinquième fois dans une élection présidentielle. Une situation qui met en relief le manque d’alternance (et d’alternative) à la tête de l’État, et qui explique l’absence de débat idéologique de fond dans le pays malgré la multiplicité des scrutins en jeu.

Cette réalité est d’autant plus déplorable que les enjeux ne manquent pas pour le Kenya, et qu’au lieu de s’atteler à des chantiers d’avenir, la classe politique se concentre sur des objectifs électoraux pour se maintenir au pouvoir, jouant notamment sur les rivalités inter-régionales et interethniques. Le Kenya abrite plus de 40 groupes ethniques, dont aucun ne représente la majorité démographique. Sur 100 personnes au Kenya, 22 sont Kikuyu, 14 sont Luhya, 13 sont Luo, 12 sont Kalenjin, 11 sont Akamba, et 28 sont issues d’autres ethnies. Et bien que la plupart de ces groupes aient coexisté paisiblement depuis l’indépendance, la tendance à l’ethnocentrisme du gouvernement, en particulier dans le cadre des nominations aux postes de fonctionnaires, provoque régulièrement agitations et mécontentements. Pendant les élections très contestées de 1992, 1997 et 2007, des affrontements entre deux grandes ethnies, les Kikuyu et les Luo, aggravés par les systèmes d’allégeance avec d’autres ethnies plus petites comme les Kalenjin, firent ainsi de nombreux morts et entrainèrent des déplacements dans le pays. L’adoption de la Constitution de 2010 fut une étape positive, marquant la reconnaissance des droits des minorités ethniques et appelant le gouvernement à refléter la diversité régionale et ethnique du peuple kényan. Mais évidemment, sur le terrain, les rivalités et les démarches clientélistes demeurent.

Parmi les grands enjeux du pays, on peut évoquer la fragilité de l’économie et la précarité de bon nombre de Kényans, en dépit de quelques progrès ces deux dernières décennies. Les femmes sont alphabétisées à hauteur de 75%, les hommes à 78%, et le Kenya envoie davantage d’étudiants aux États-Unis que n’importe quel autre pays africain. Jusqu’à la crise consécutive à la pandémie de COVID-19, l’économie était plutôt florissante, et ce malgré des catastrophes naturelles, les crises post-électorales et les conflits dans la Somalie et le Sud-Soudan voisins. Il est toutefois clair que la croissance économique a bénéficié à une minorité de la population, ce que le régime de corruption toujours en vigueur encourage. Les dirigeants kényans figurent parmi les plus grosses fortunes du pays. Le Kenya serait parmi les dix pays dont la différence de revenus entre les plus riches et les plus pauvres est la plus élevée du monde. En 2016, l’Indice de développement humain (l’IDH, qui mesure la prospérité d’un pays selon trois critères : l’espérance de vie, l’éducation et le niveau de vie) plaçait le Kenya à la 146ème place sur 188. Le chômage stagnerait autour de 40% et plus de la moitié des Kényans vivent sous le seuil de pauvreté ; ils sont d’autant plus vulnérables que les prix des produits alimentaires sont frappés d’une inflation forte. On devine facilement la tension sociale qui pourrait donc naître d’un nouveau choc, dans un pays à la population jeune (l’âge moyen y est de 19,5 ans). On peut y ajouter des enjeux sanitaires importants, puisque le Kenya compte 36 000 morts du Sida par an ; on y estime à 1,6 million le nombre de personnes porteuses du VIH-Sida.

Le Kenya aurait d’autant plus besoin d’une classe politique visionnaire que le pays est particulièrement exposé aux effets du changement climatique, auxquels s’ajoutent des tensions sur l’accès des ressources naturelles. Ainsi, le Kenya est particulièrement vulnérable aux sécheresses, comme la plupart des pays d’Afrique de l’Est. La majorité de la population vivant en zone rurale (plus des deux tiers des Kényans) dépend entièrement des pluies pour les récoltes et les pâturages. Cet enjeu rejoint clairement celui de la propriété foncière, facteur de tension depuis la période coloniale. De nombreux habitants vivent en bordure de parcs nationaux riches en faune, ou près de ranchs ou de réserves privées englobant des pâturages et des terres agricoles fertiles, qui leur demeurent inaccessibles. À la suite de maigres précipitations en 2016, puis de nouveau l’année suivante, surtout dans le nord et l’ouest du pays, des milices et des groupes de bergers armés ont fait leur apparition sur le plateau de Laikipia, où de nombreux ranchs appartiennent à des Kényans blancs, descendants de colons britanniques. Un propriétaire de ranch a été tué, un autre a été grièvement blessé, et plusieurs lodges ont été réduits en cendres. La situation s’est apaisée depuis, mais certains craignent que ces premiers coups de feu soient annonciateurs de troubles plus graves, dans un pays à la croissance démographique forte, aux pluies de plus en plus capricieuses et aux maigres ressources farouchement disputées.

Sur l'île de Lamu, à une centaine de kilomètres de la frontière somalienne.
Sur l'île de Lamu, à une centaine de kilomètres de la frontière somalienne.
Sur l'île de Lamu, à une centaine de kilomètres de la frontière somalienne.

Sur l'île de Lamu, à une centaine de kilomètres de la frontière somalienne.

Les enjeux sécuritaires liés au conflit somalien

La situation géographique du Kenya, entre la région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique, expose naturellement le pays à un certain nombre de risques sécuritaires. Dans les années 1990, parallèlement aux laborieux progrès démocratiques en cours, le Kenya vit ainsi apparaître sur son territoire l’enjeu sécuritaire autour des menaces terroristes islamistes. Le 7 août 1998, des explosions simultanées revendiquées par l’organisation Al-Qaïda frappent les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es-Salaam (en Tanzanie), tuant plus de 200 personnes. Les conséquences sur l’économie furent désastreuses, notamment sur le tourisme qui mit quatre ans pour retrouver son niveau d’avant-attentat.

Depuis, la décennie 2010 a vu le pays attiré dans un engrenage, combinant interventions de l’armée et attentats spectaculaires. En octobre 2011, pour la première fois depuis son indépendance, le Kenya est entré en guerre. À la suite d’une série de raids transfrontaliers conduits par les shebab (Harakat al-Chabab al-Moudjahidin, des djihadistes somaliens), l’armée kényane s’est engagée dans une intervention militaire en Somalie. Une implication pour laquelle le Kenya a payé le prix fort : le 21 septembre 2013, quatre terroristes affiliés au même groupe prenaient d’assaut un centre commercial de Nairobi, assiégé plusieurs jours par les forces spéciales kényanes, et 67 personnes perdirent la vie. En avril 2015, des membres des shebab tuaient encore 148 personnes lors d’un attentat sur le campus du Garissa University College, au nord-ouest du Kenya. Parallèlement, les troupes kényanes déplorent de fortes pertes parmi les soldats stationnés en Somalie. Jusqu’à ce jour le gouvernement ne dispose pas de stratégie claire de retrait, même si l’on peut noter qu' aucun attentat n’est à déplorer depuis plusieurs années, probablement en conséquence de mesures répressives et d'une présence militaire renforcée sur le territoire kényan lui-même (notamment près de la frontière somalienne).

Une autre question épineuse reste en suspens : les autorités kényanes se sont engagées à fermer le camp de réfugiés de Dadaab, le plus grand du monde, avec une population de 226 000 personnes, pour l'essentiel des Somaliens. Selon certains experts, cette fermeture pourrait raviver les tensions à la frontière somalienne, où la sécurité et la stabilité sont déjà précaires.

Ajoutons enfin que dans un pays comptant 11% de musulmans (pour 83% de chrétiens), essentiellement sur la zone côtière, les conflits voisins et les attentats terroristes djihadistes représentent un facteur de tension supplémentaire à prendre en compte.

Zone rurale autour de la ville de Kilifi, sur la côte du Kenya.

Zone rurale autour de la ville de Kilifi, sur la côte du Kenya.

Quid de la participation politique des femmes et des inégalités de genre ?

Les élections générales du 9 août ont également été l’occasion de poser la question de la participation des femmes aux processus de décision et de leur représentation politique. Au final, 26 députées (sur 351 que compte le Parlement, contre 23 en 2017), sept gouverneures (contre trois en 2017) et trois sénatrices (pour une chambre haute qui en compte 67) ont été élues, ce qui s’est avéré historique. La campagne avait déjà été novatrice à cet égard, avec un nombre record de candidates, dont trois figurant comme colistières des quatre prétendants à la présidence.

Pour autant, la situation n'est pas glorieuse. Depuis l’élection de la première femme au Parlement en 1969, le paysage politique kényan est resté très majoritairement masculin. Pendant la lutte pour l’indépendance, de nombreuses femmes avaient pourtant combattu aux côtés des hommes. Leur sacrifice fut largement oublié après l’indépendance et la première Constitution du Kenya ne faisait aucune mention de leurs droits. La Constitution de 2010 a permis une amélioration, du moins sur le papier : les femmes sont décrites comme un groupe défavorisé, et la loi garantit un traitement égal aux deux sexes, interdit la discrimination sexuelle, appelle l’État à adopter des politiques de discrimination positive et requiert un équilibre de deux tiers/un tiers entre hommes et femmes au Parlement. Mais son application est parcellaire car les deux chambres n’ont jamais adopté de loi de mise en œuvre – malgré plusieurs recours en Justice.

On notera, pour les scrutins de 2022, que les femmes ont remporté la victoire dans les comtés politiquement influents de Kirinyaga et Machakos ainsi que Meru, dans le centre du pays, où l’ancienne représentante des femmes Kawira Mwangaza s’est présentée en tant qu’indépendante et a battu ses concurrents masculins. Dans la ville de Nakuru, dans la vallée du Rift, les femmes ont décroché huit postes dont un de gouverneure et un de sénatrice. Le nombre de femmes élues avait déjà progressé en 2017, pour atteindre environ 20 % de l’Assemblée nationale. Le Kenya reste toutefois loin de certains autres pays de la région en termes de représentation, notamment le Rwanda dont le Parlement compte 61% de femmes. Le parcours politique des Kényanes est souvent semé d’embûches et celui des candidates de 2022 n’a pas fait exception, puisque la campagne aurait été entachée de violences à l’encontre des femmes, si l’on en croit la Fédération internationale pour les droits humains (Kenya : un rapport révèle comment les violences sexuelles et genrées compromettent les élections). Mais l’émergence de davantage de candidatures de femmes n’en reste pas moins encourageant.

Malgré ces maigres progrès, la société reste dans son ensemble caractérisée par de grandes inégalités de genre dans l’accès aux services de base et aux ressources comme les terres et le crédit, tandis que les rôles sexuels traditionnels prévalent encore largement. Si de plus en plus de femmes kényanes ont accès à l’éducation et, surtout dans les villes, jouent un rôle plus important dans les entreprises et en politique, en zone rurale les rôles typiquement dévolus aux femmes et aux hommes sont encore la règle. Les femmes y sont considérées en tant que mères, épouses, guérisseuses et enseignantes. Un facteur marquant de violence de genre demeure dans la persistance des mutilations génitales féminines. Dans certaines régions du Kenya, elles toucheraient jusqu’à 90% des femmes et des filles. Pourtant interdits au Kenya sur les filles de moins de 17 ans, les rituels seraient toujours très pratiqués dans certaines communautés, et les initiatives visant à y mettre un terme sont souvent perçues comme une atteinte à la culture traditionnelle. Il semble que des groupes de femmes travaillent localement à préserver l’esprit du rituel, sans intervention chirurgicale, pour concilier tradition et respect de l’intégrité physique.

Élément intéressant à cheval entre la participation des femmes, la lutte contre la corruption et la question homosexuelle : depuis mai 2021, la Cour suprême kényane est présidée par Martha Koome, première femme à diriger cette instance (et à être à la tête de l’un des trois pouvoirs, exécutif, législatif ou judiciaire). Cette ancienne avocate de 62 ans, formée à l’Université de Londres et militante historique des droits des femmes, s’est fait connaître sous le régime de l’ancien président Daniel arap Moi (1978-2002) en défendant des détenus politiques (dont Odinga, par exemple). Sur un sujet pourtant tendu, on notera qu’en 2019, elle faisait partie d’un collège de cinq juges qui avait rejeté un appel visant à empêcher une association de défendre les droits des homosexuels, ce qui attestait d’un certain courage. Son cheval de bataille : débarrasser le système judiciaire de la corruption et préserver son indépendance. Soit dit en passant, la question homosexuelle reste elle aussi épineuse dans le pays (comme dans la plupart des pays de la sous-région : L’homosexualité est-elle une « déviance européenne » introduite en Afrique ?), puisqu'elle est marquée d'un régime d'interdictions et de discriminations, avec peines pouvant aller jusqu’à 14 ans de prison Une situation était remarquablement mise en scène en 2018 dans le film kényan Rafiki, de la réalisatrice Wanuri Kahiu, relatant l’histoire d’amour entre Kena et Ziki, deux jeunes femmes de Nairobi confrontées au conservatisme de leurs parents respectifs et de leur quartier.

Ville de Mombasa, sur le littoral.
Ville de Mombasa, sur le littoral.
Ville de Mombasa, sur le littoral.
Ville de Mombasa, sur le littoral.
Ville de Mombasa, sur le littoral.
Ville de Mombasa, sur le littoral.

Ville de Mombasa, sur le littoral.

L’enjeu de la souveraineté et de préparer l’avenir

À ces différents enjeux s’ajoute celui de la souveraineté du pays, dans un contexte de convoitise croissante par des puissances étrangères. On peut rappeler par exemple que l’armée britannique, à travers la British Army Training Unit in Kenya (BATUK), y forme toujours 4 000 de ses soldats chaque année. Leur déploiement, dans le cadre de leurs entraînements, dégrade d’ailleurs régulièrement les terres des populations autochtones – le 10 mars dernier, la juge Antonina Cossy Bor, du tribunal des terres et de l’environnement de Nanyuki, déclarait à cet égard recevable la plainte de mille petits paysans de Lolldaiga contre la BATUK.

Une autre puissance tente depuis quelques années d’accroître son influence. Dans le cadre de la fameuse « nouvelle route de la soie » dont les contours ont été annoncés par le gouvernement de Pékin il y a bientôt dix ans, d’importants investissements chinois ont été prévus pour créer ou renforcer les infrastructures terrestres et de voies ferrées reliées au port de Mombasa. En avril 2019, un accord avec la Chine annonçait aussi la construction d’un data center dans la nouvelle « cité technologique » de Konza (à 70 km de Nairobi) par le géant des télécommunications Huawei (à hauteur de 154 millions d’euros) et la construction d’une voie express à péage desservant l’aéroport international Jomo-Kenyatta de Nairobi (440 millions d’euros), dans le cadre d’un partenariat public-privé avec la société China Road and Bridge Corporation.

De tels investissements, à l’image du nouveau train reliant Nairobi à Mombasa, pourraient inviter à l’optimisme si le Kenya n’était confronté tout à la fois à l’inertie de sa classe politique (incapable de proposer une vision, ni de se renouveler), aux enjeux d’un changement climatique très concret, ainsi qu’aux rivalités interethniques alimentées par la corruption et la précarité. Que le pays soit en mesure de voir émerger des figures politiques intègres, soucieuses d’améliorer la vie des gens tout en réfrénant les appétits étrangers, les élections de 2022 permettent d’en douter. Souhaitons que les mots de l'écrivain kényan Ngugi wa Thiong'o, « sunshine always follows a dark night », s'avèrent prophétiques pour ce pays, pour l'avenir d'une jeunesse à la fois dynamique et créatrice, comme le révèle la scène artistique riche du Kenya.

Réserve nationale de la forêt de Kakamega, dans le comté de Kakamega, au Kenya.
Réserve nationale de la forêt de Kakamega, dans le comté de Kakamega, au Kenya.
Réserve nationale de la forêt de Kakamega, dans le comté de Kakamega, au Kenya.
Réserve nationale de la forêt de Kakamega, dans le comté de Kakamega, au Kenya.
Réserve nationale de la forêt de Kakamega, dans le comté de Kakamega, au Kenya.
Réserve nationale de la forêt de Kakamega, dans le comté de Kakamega, au Kenya.

Réserve nationale de la forêt de Kakamega, dans le comté de Kakamega, au Kenya.

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