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Par Jorge Brites.

Le 29 mai 2005, il y a exactement vingt ans jour pour jour, les Français se prononçaient contre un projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe, à hauteur de 54,68% des voix (pour 69,33% de participation). Depuis sa signature par les vingt-cinq chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne le 29 octobre 2004, la vie publique européenne était dominée par un important débat sur l’avenir politique de l’Union européenne – notamment en Espagne, en France, aux Pays-Bas et au Luxembourg, qui ont finalement été les seuls pays à se prononcer par référendum pour valider sa ratification. Le résultat du référendum français prit bon nombre de politiciens et de commentateurs au dépourvu, d’autant que les partisans du « oui » avaient bénéficié d’une couverture médiatique bien plus large que ceux du « non ». Trois jours plus tard, les citoyens néerlandais suivaient le même mouvement en rejetant le traité constitutionnel par 61,54% des voix (et 63,30% de participation).

Ce coup de tonnerre par les urnes révéla une rupture entre, d’une part, la classe politique, aux manettes en France depuis plusieurs décennies (les principaux partis de droite et de gauche : UMP et PS, avaient largement plaidé en faveur du « oui »), et d’autre part bon nombre de Françaises et Français en désaccord avec l’orientation libérale du Marché Unique, avec le principe de concurrence libre et non faussée, ou encore avec l’élargissement rapide de l’Union européenne à des pays marqués par la pauvreté et les bas salaires. Vingt ans après le référendum français, nous avons choisi de revenir sur le principe même de Constitution pour l’Europe, pour le resituer dans l’histoire de la construction européenne, et en dégager des perspectives pour le projet européen.

Commençons par un petit rappel du processus d’élaboration du traité qui fût rejeté par les peuples français et néerlandais en 2005. Ce projet de « traité constitutionnel » avait été élaboré par une convention réunissant 105 représentants des vingt-cinq États membres de l’époque, avec une majorité d’élus des différents pays, entre février 2002 et juillet 2003. Et cette même convention avait servi de base à la conférence intergouvernementale chargée, entre octobre 2003 et le printemps 2004, d’entériner la nouvelle réforme de l’Union européenne. Ce qui nous conduit au 29 octobre 2004, date à laquelle les dirigeants de l’Union européenne signèrent à Rome la version finale du texte, intitulée « Traité établissant une Constitution pour l’Europe ». Le nom alambiqué tient au fait qu'une constitution est par définition la loi fondamentale qui régit de manière organisée et hiérarchisée l’ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés au sein d’un même espace politique, dont elle détermine ainsi de manière fondamentale la dimension (ou non) démocratique. Une constitution est située au sommet de son système juridique et les traités internationaux, les lois, les décrets et les arrêtés doivent être conformes à ses principes. L'idée sous-jacente était donc de poser un cadre (re)fondateur, remplaçant le traité de Rome de 1957 ainsi que tous les suivants (Acte Unique, Maastricht, Amsterdam, etc.) et se situant « au sommet » du système juridique de la communauté.

Néanmoins, ce texte n’était pas une « Constitution » politique à proprement parler ; il s’agissait d’abord et avant tout d’un traité international dont les dispositions avaient une valeur infra-constitutionnelle mais supra-législative (comme le prévoit, en France, l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958). En l’occurrence, l’Union européenne n’est pas un État et ne réunit pas les critères classiques d’un État, à savoir le territoire, la population et la puissance gouvernante. Le choix de se référer à une « constitution » illustrait le caractère fondateur de ce texte et l’ambition politique qui a animé ses rédacteurs : celle de bâtir une « maison commune » reposant sur des valeurs et des règles partagées. Le projet de Traité constitutionnel restait donc juridiquement un traité international entre États, mais devait représenter une véritable « constitution » pour l’Union européenne, au regard de ses objectifs.

Le siège de la Commission européenne, à Bruxelles.

L’importance de ce débat, un demi-siècle après le premier traité de Rome de 1957

Il faut rappeler que le débat dans les années 2000 sur un éventuel projet de Constitution n’était pas nouveau. Le 18 juin 1989, le peuple italien avait déjà été appelé à se prononcer sur l’idée de doter le Parlement européen de pouvoirs constituants – ce que le peuple italien approuva par référendum à 89% des voix (pour 81% de participation). Le débat sur le traité constitutionnel occupa ensuite une place importante dans l’histoire communautaire. Tout d’abord parce qu’une Constitution prend un caractère fondateur et régule les rapports entre les citoyens et les institutions d’une part, et entre les institutions elles-mêmes d’autre part, sur la base de règles et d’un socle de valeurs. Ensuite parce que le traité constitutionnel semblait alors l’aboutissement de près de cinquante années de construction européenne : il réunissait l’ensemble des textes existant (accords, conventions, traités) et incorporait la Charte des droits fondamentaux proclamée lors du Conseil européen de Nice en décembre 2000, en les modifiant autour d’un texte visant à accroître l’efficacité des institutions et à clarifier la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres.

En France et dans plusieurs autres pays, le débat autour du traité constitutionnel était donc l’occasion pour les uns et les autres de dresser un bilan de la construction communautaire depuis les premiers traités – avec des avis très divergents. L’objectif de parvenir à une union sur une base démocratique se heurte à la grande complexité d’institutions qui doivent être capables d’organiser et de gérer des compétences pour un ensemble de près de 500 millions de personnes, aux histoires et aux identités diverses. Le bilan de l’Union européenne a été globalement très critiqué, et le rejet du traité par les Français et les Néerlandais a constitué le désaveu d’une grande partie de la construction européenne, en particulier depuis l’Acte Unique de 1986 et le traité de Maastricht de 1993. En France, l’indépendance de la Banque centrale européenne a été remise en cause, tout comme la monnaie unique, l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Turquie, ou encore l’élargissement à une douzaine de pays d’Europe centrale, orientale et méditerranéenne en seulement trois ans, en 2004 puis 2007 – alors même que la vocation de l’Union à s’élargir à l’ensemble du continent (Russie exceptée) a été reconnue maintes fois au cours des années 2000. Au final, c’est l’ensemble de la construction européenne qui a été questionné.

Ce débat a évidemment illustré les principaux clivages d’une société marquée par l’appréhension des gens face à une mondialisation mal contrôlée, à des délocalisations vers l’Europe de l’Est ou vers l’Asie, à une concurrence internationale loin d'être « libre et non faussée », mais dont certaines catégories de métiers semblent épargnées : la classe politique, les médias et la communication, les profession cadres, etc. Ces clivages expliquent en grande partie la répartition sociale des votes lors des derniers scrutins référendaires relatifs au projet européen (France en 2005, Royaume-Uni en 2016 : quelles leçons tirer du vote des catégories populaires sur l’Union européenne ?). Les faibles performances économiques de l’Union, et en particulier de la Zone euro – avec un taux de chômage stagnant au-dessus de 8% et un taux de croissance peinant à dépasser les 2% depuis plus de quinze ans – ont servi l’argumentation des partisans du « non » au traité. En face, les partisans du « oui » s’accrochaient au maintien à peu près réussi de la paix sur le continent, aux aides à l’agriculture (malgré tous leurs dysfonctionnements) et aux progrès réalisés par certains pays d’Europe en matière de niveau de vie et de développement, tels que l’Espagne, l’Irlande ou la Grèce. Autant d’arguments de plus en plus compliqués à tenir, compte tenu de l’image et des orientations prises par la Communauté depuis plusieurs années (L’adage « L’Europe, c’est la paix » est-il toujours d’actualité ?).

L’affrontement de différentes visions de l’Europe

Dans la mesure où ce traité, qui se voulait refondateur, dotait l’Union d’un statut juridique, d’un Président avec un mandat de deux ans et demi, d’un ministre des Affaires étrangères ; et dans la mesure où il réunissait l’ensemble des traités qui avaient auparavant permis la construction européenne – y compris ceux définissant ses orientations économiques et sociales –, on comprend que ce débat ait vu l’affrontement clair des différentes visions de l’Europe, voire de plusieurs visions de la société. S'opposèrent notamment partisans d’une Europe politique et d’un marché unique, d'une part, et souverainistes et nationalistes d'autre part. C’était sur ce clivage qu’apparaissaient, du côté des eurosceptiques, les arguments concernant la perte de souveraineté, le risque de disparition des nations et des identités, la perte des valeurs traditionnelles, l’absence de référence au christianisme dans le texte, ou encore le risque que représenterait l’adhésion d’un grand pays musulman (la Turquie) en termes d'équilibre démographique et d'identité. Et du côté des europhiles, on a pu entendre ou lire des arguments concernant la nécessité d’une Europe forte face aux États-Unis ou aux puissances montantes d’Asie, la vocation historique des pays d’Europe à se doter d’un cadre politique commun, le rôle de modèle joué par l’Union en matière de paix, de prospérité et de démocratie pour le monde.

Un autre clivage voyait plutôt s’affronter les partisans d’une Europe politique et ceux d’une Europe strictement économique – ces derniers étant particulièrement nombreux au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves, où c’est plutôt la vision d’une Union se limitant à un vaste marché intérieur qui s’impose. En outre, ce débat a été l’occasion d’un retour en force des adversaires du libéralisme économique. Le traité constitutionnel s’est vu reprocher ses références à une « concurrence libre et non faussée », alors même que des réformes intra-européennes comme la libéralisation des services (la fameuse directive « Bolkestein ») étaient en cours de négociation. Or, le libéralisme économique, l’ouverture des frontières européennes pour les biens et services et le principe de concurrence libre sont des objectifs communautaires depuis le traité de Rome de 1957. C’était donc l’une des bases de la construction européenne telle qu’elle s’est faite depuis un demi-siècle, qui était source de débats.

Ce débat, plus d’un demi-siècle après le premier rapprochement franco-allemand et quinze ans après la chute du mur de Berlin, a constitué une occasion de prendre le « pouls » des peuples appelés à se prononcer par référendum, à la fois à travers les résultats et la nature des arguments. Or, il a dévoilé un décalage important entre les discours classiques des fédéralistes européens et le sentiment réel de bon nombre de concitoyennes et concitoyens, et notamment les catégories les plus modestes, davantage exposées aux risques découlant d’un marché concurrentiel et d'une ouverture à la mondialisation. La tournure du débat, et les résultats en France et aux Pays-Bas, ont montré les conséquences de décennies d'une construction européenne qui s'est faite sans que les citoyens aient réellement été associés. En Espagne, où le résultat du référendum était positif en février 2005 (76,6% de « oui », pour une participation relativement faible, de 41,8% des inscrits), difficile d’affirmer avec certitude que le même scrutin donnerait, aujourd’hui, le même résultat, compte tenu des difficultés économiques que le pays a connues à l’occasion de la crise financière de 2008-2009, et des politiques de rigueur que l’Union européenne a imposé aux gouvernements successifs au cours de la décennie 2010 (avec les conséquences sociales que l’on connaît).

Devant le siège de la Commission européenne, à Bruxelles.

Un processus qui offre des perspectives incertaines à la construction européenne

En France, les opposants au traité ont parlé, après le référendum de 2005, d’« insurrection démocratique » ; ses partisans parlaient quant à eux de rendez-vous manqué. Rappelons qu'en 2005, le débat européen, quand il a été public et médiatisé, n’a eu lieu qu’à des échelles nationales, là où étaient organisés les référendums. Ailleurs, on a cependant pu constater une volonté de nombreux citoyens européens de s’approprier également ce débat, et un regret que la ratification y soit faite par voie parlementaire. Un regret réitéré lors de la ratification du traité de Lisbonne (qui a substitué en 2009 le projet avorté de traité constitutionnel, sans pour autant venir remplacer l'ensemble des traités signés dans le cadre communautaire depuis 1957), et pour lequel seule l’Irlande a fait le choix du référendum) : selon différents sondages, le référendum était souhaité par 76% des Allemands, 75% des Britanniques, 72% des Italiens, 65% des Espagnols et 71% des Français.

Ces tendances devraient être saluées par toute personne attachée au principe de démocratie – puisqu’elles révèlent un désir d’appropriation du processus d’approfondissement par les citoyennes et citoyens, qui sentent que le fonctionnement actuel de l’Union nourrit des intérêts particuliers et non l’intérêt général. Pourtant, c’est la peur du « peuple » qui prévaut, et le référendum est désormais évité autant de fois qu’il est possible.

En 2005, les discussions sur l’Europe ont occupé les médias et bon nombre de Français et de Néerlandais – jusque dans les foyers. Toutefois, il faut reconnaître que la politique intérieure et l’impopularité des gouvernements de l’époque ont pu jouer aussi sur la campagne. Même au Luxembourg, la menace du Premier ministre Jean-Claude Junker de démissionner en cas de victoire du « non » a pesé (positivement cette fois) sur la balance – pourtant, dans ce pays où l'on imaginait une europhilie unanime, le « oui » ne devait finalement recueillir « que » 56,52% des voix (pour 90,44% de participation). Surtout, le vote négatif n’a pas nécessairement révéler une demande de moins d’Europe, mais au contraire une demande d’interventionnisme pour éviter une dégradation de la situation sociale. En France, d’après un sondage Ipsos de sortie des urnes le 29 mai, le vote « non » était surtout tourné contre la dégradation des conditions de vie (à 52%). On peut donc en déduire que ce n’était pas tant le principe même de projet européen qui était rejeté, mais les modalités de ce projet, qui ne semble pas permettre une prospérité économique et sociale (L’Union européenne est-elle le cadre pertinent pour repenser notre modèle de société et assurer notre prospérité ?).

En outre, de nombreuses fausses rumeurs ont circulé à l’occasion du débat en 2005 et ont évidemment contribuer à fausser le débat en alimentant toutes sortes de fantasmes. Les uns ont déclaré que le traité n’était pas d’inspiration libérale néoclassique en matière économique – ce qui semble délirant à avaler, dans la mesure où le traité constitutionnel fusionnait l’ensemble des traités existant, qui avaient tous contribué à la création d’un marché unique entre économies de marchés, sur la base d’une libéralisation effrénée et du principe de concurrence libre et non faussée. Les autres ont laissé penser que certains articles du texte pouvaient constituer un risque pour le droit à l’avortement, la laïcité, les protections sociales, ou encore qu’il engageait de façon contraignante l’Union européenne vis-à-vis d’une adhésion de la Turquie. Aujourd’hui, compte tenu du succès des fake news via les réseaux sociaux, on imagine facilement que de pareilles rumeurs feraient florès en cas de campagne sur un nouveau projet ou traité européen.

Ce débat a été l’occasion de constater une rupture sociologique en France et en Europe. D’après les sondages, en France, les classes les plus aisées et instruites de la population ont le plus souvent accordé leur soutien au traité, quand le vote négatif était plutôt l’apanage des classes moyennes et populaires, disposant d’un niveau d’instruction académique plus faible. Par ailleurs, le résultat a plutôt été une victoire de l’opposition de gauche, puisque, d'après les études d'opinion, le « non » de 2005 correspondait à un vote de gauche (deux tiers) plus qu’à un vote de droite ou d’extrême-droite (un tiers). On observait la tendance inverse aux Pays-Bas, où le « non » était plutôt souverainiste que de gauche.

Sur quoi les débats tenus à l’époque et leur découlement – le rejet du traité constitutionnel par les Français et les Néerlandais, puis le passage « en force » par voie parlementaire du traité de Lisbonne – ont-ils abouti ? D’abord, il est possible que la tournure pris par certains débats et certaines déclarations xénophobes aient contribué à un certain malaise, car il n’est pas certain qu’à l’époque, les arguments des opposants au traité sur le « plombier polonais » aient bien été compris par les citoyennes et citoyens des nouveaux pays membres de l’Union européenne et par les prétendant à l’adhésion. Ensuite, il est devenu rapidement clair que non seulement les gouvernements européens allaient dorénavant s'éviter, autant que faire se peut, tout référendum sur l’Europe (et le résultat du référendum sur la sortie du Royaume-Uni en 2016 en dissuadera sans doute encore beaucoup d’autres de s’y risquer), mais surtout que l’Union européenne ne se doterait pas de sitôt d’une « constitution ». Dès septembre 2005, le Président de la Commission européenne José Manuel Durão Barroso déclarait solennellement qu’à court et moyen terme, il n’y aurait pas de « constitution » pour l’Europe.

Les leçons qui auraient dû être tirées de toute cette séquence, sur la nécessité de faire la démonstration des avantages tirés de la construction européenne (avec des résultats tangibles sur les conditions de vie) et d’associer davantage les citoyens dans des processus réellement démocratiques, n'ont été retenues. Tout au plus a-t-on eu le droit à diverses initiatives fumeuses, tel que le fameux « Plan D » (comme « débats, dialogue, démocratie ») de la Commission européenne. Plusieurs propositions ont émergé par la suite, venant de la société civile ou des partis politiques. On peut notamment citer celle des Verts européens, dont le but était de surmonter la crise institutionnelle de l’Europe, d’une assemblée constituante européenne dont l’élection aurait pu être organisée en 2009, chargée de rédiger un nouveau texte. L’idée était d’entourer cette initiative de débats menés dans les parlements nationaux et la société civile, coordonnés par le Parlement européen, afin de parvenir à un consensus et à un nouveau référendum (consultatif) dans toute l’Europe, le jour des élections européennes de juin 2009. Le résultat aurait été acquis en cas de validation par deux tiers des électeurs européens et par deux tiers des États membres ; les minoritaires se prononçant ultérieurement sur le maintien ou non de leur pays dans l’Union. Cette proposition a été mal reçue par les deux principaux groupes du Parlement européen, le Parti populaire européen et le Parti socialiste européen, peu enclins à repasser par l’étape du référendum.

Depuis le rejet du traité constitutionnel, on ne peut que noter l’échec des institutions communautaires et nationales à envisager des changements radicaux de paradigmes, susceptibles de prendre en considération les attentes et les légitimes revendications de nos concitoyens européens. Le passage en force du traité de Lisbonne et, peu après, la gestion de la crise financière et les politiques de rigueur appliquées aux dépens de millions de citoyennes et citoyens grecs, espagnols, chypriotes ou encore portugais, sont autant d’évènements qui montrent que, non contentes d’affirmer un mépris de classe assez violent vis-à-vis des Européennes et Européens en colère, les classes politiques et économiques dirigeantes font preuve d’une incapacité à repenser le système et d’une arrogance aux relents antidémocratiques. Pour rester sur le thème du référendum : l’attitude de déni de l’UE suite au référendum grec de juillet 2015, qui rejeta à hauteur de 61,31% des voix (pour 62,5% de participation) le plan d’aide (et d’austérité) de la Troïka (Commission, BCE, FMI), qui fut finalement tout de même appliqué au peuple grec, est l’une des plus belles illustrations, ces dernières années, de cette posture antidémocratique évidente, de ce mépris à l’égard de l’expression des citoyennes et citoyens. Le fait d’avoir fait revoter les Irlandais sur le traité de Lisbonne en 2009, après que ceux-ci l’aient rejeté en 2008, en est un autre exemple, tout comme en 1993 les Danois avaient dû revoter sur le traité de Maastricht (après l’avoir rejeté en 1992), et tout comme les Irlandais, déjà eux, avaient dû revoter en 2002 sur le traité de Nice (qu’ils avaient rejeté en 2001). Ces dernières années, les référendums sur les questions européennes ont été extrêmement rares, et à l’exception d’une validation du Pacte budgétaire européen par les électeurs irlandais en 2012, et du vote britannique de 2016 sur la sortie de l’Union européenne, ils ont soit fait l’objet d’instrumentalisations xénophobes, en 2016 aux Pays-Bas (rejet de l’accord d’association UE-Ukraine) et en Hongrie (rejet des quotas portant sur la relocalisation des migrants dans l’UE), soit été le résultat de circonstances géopolitiques particulières, liées notamment à la guerre en Ukraine, en 2022 au Danemark (fin de l'option de retrait du pays de la politique de sécurité et de défense commune de l’UE) et en 2024 en Moldavie (inscription dans la constitution de l'objectif d'adhésion du pays à l'UE). Il n’est désormais plus question d’interroger les citoyennes et citoyens européens, ni sur le cadre institutionnel européen, ni sur les orientations économiques, sociales et environnementales de la Communauté européenne. En ces temps de crise écologique et de défiance démocratique, cela serait pourtant bienvenu.

Tag(s) : #Politique
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